lundi 11 avril 2016

LE NOUVEAU VISAGE DES PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF DEPUIS LA REFORME DU 10 SEMPTEMBRE 2015 A ABIDJAN


Le 10 septembre 2015, le Conseil des Ministres de l'OHADA procédait à Grand Bassam ( Côte d'Ivoire), à la révision de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif (AUPC) adopté à Libreville le 10 avril 1998 et entré en vigueur le 1er janvier 1999. Cette révision s'inscrivait non seulement dans la continuité du processus enclenché depuis quelques temps par le Conseil des Ministres en vue de la révision des Actes uniformes, mais également et surtout dans le besoin unanime de moderniser cette matière en apportant des réponses aux grosses difficultés élevées dans la mise en œuvre de cet Acte uniforme.

Le texte de 1998 a été substantiellement refondu, puis enrichi de nouvelles procédures et autres innovations qui font du nouvel Acte uniforme entré en vigueur le 24 décembre dernier un formidable outil de protection des créanciers et des débiteurs des entreprises en difficulté dans l'espace OHADA. Bien que ce texte conserve ses 258 articles comme l'ancien, il est important de relever qu'il a enregistré 115 nouvelles dispositions qui pour la plupart ont été intégrées dans les articles déjà existants dont certains ont plutôt été reformulés ou substitués.

Toutefois, afin de mieux comprendre la philosophie du nouvel AUPC, il convient d'abord de dresser un état des lieux avant la révision (I), avant d'examiner les principales innovations et leur impact sur le nouvel environnement juridique des entreprises en difficulté dans l'espace OHADA (II).


L'Acte uniforme du 10 avril 1998 avait, dans le but d'assurer un traitement rapide et efficace des difficultés des entreprises, mis en place trois procédures (A) qui malheureusement ont brillé par leurs insuffisances (B).

L'AUPC de 1998 avait organisé la procédure de règlement préventif (1), la procédure de redressement judiciaire et la de liquidation des biens de l'entreprise (2).

L'article 2 alinéa 1 de l'AUPC de 1998 définissait le règlement préventif comme "une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activités de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif". Il s'agissait donc d'une procédure de prévention avec pour principal objectif d'éviter dans la mesure du possible l'effondrement définitif de l'entreprise, en prenant des mesure appropriées pour la sauver à temps. Mais la mise en œuvre de cette procédure était subordonnée à certaines conditions (a) et produisait des effets considérables (b). La décision rendue était susceptible de voies de recours (c).

Les conditions sont de fond et de forme.

* Les conditions de fond concernent le bénéficiaire du règlement préventif et sa situation financière.

S'agissant du bénéficiaire, il y a lieu d'indiquer que ne pouvaient bénéficier du règlement préventif que les personnes physiques ou morales commerçantes, les personnes physiques ou morales non commerçantes et toute entreprise publique soumise au régime de droit privé.

S'agissant de la situation financière du bénéficiaire, elle devait être difficile, mais non irrémédiablement compromise. Autrement dit, la situation financière du bénéficiaire devait être telle qu'elle pouvait être redressée, donc viable. Cette situation devait être telle que si rien n'était fait le bénéficiaire déboucherait sur une cessation des paiements. En clair, le règlement préventif ne pouvait s’ouvrir que si la situation du débiteur restait viable[1].

* Les conditions de forme tiennent à la juridiction qui est saisie, à la décision qui est rendue, laquelle produit des effets.

La requête adressée à la juridiction compétente, accompagnée d'un certain nombre de pièces parmi lesquelles un état de trésorerie du bénéficiaire, d'un état chiffré de créances et de dettes ainsi que d'une offre concordataire, donnait lieu, le cas échéant[2], à une ordonnance qui prescrivait la suspension des poursuites individuelles à l'encontre du bénéficiaire pour faire un rapport sur sa situation financière et les perspectives de redressement.

Le rapport de l'expert désigné devait avoir pour finalité de faciliter la conclusion entre les créanciers et le débiteur d'un règlement préventif devant être homologué par le tribunal. Le tribunal n'homologuait le concordat préventif que s'il offrait de perspectives sérieuses de redressement. Dans le cas contraire, il pouvait, même d'office, prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des biens après avoir constaté la cessation des paiements: "... attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier de la procédure qu’aucun concordat sérieux n’est proposé par le débiteur qui, à la date de la saisine du tribunal, devait près de six (06) milliards de FCFA exigibles..."[3].


Le jugement d'homologation produisait des effets aussi bien à l'égard des créanciers qu'à l'égard des débiteurs.

* A l'égard des créanciers, l'homologation du concordat le rendait obligatoire à l'égard de tous les créanciers antérieurs au règlement préventif : : « attendu que le jugement précité n’ayant fait l’objet d’aucune voie de recours, la décision de règlement préventif a donc acquis force de chose jugée et doit être exécutée conformément aux prescriptions de l’articles 9 de l’Acte uniforme susvisé, lequel rend le concordat préventif homologué obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif, que leurs créances soient chirographaires ou garanties par une sûreté ; que dès lors, l’obligation édictée par ledit article s’imposait à toutes les parties litigantes mais surtout aux requérantes et, ce, pendant une durée de trois ans à compter du 30 octobre 2000, délai que ces dernières ont elles-mêmes librement consenti selon les termes du jugement d’homologation susénoncé ; qu’il s’ensuit que les requérantes ne pouvaient remettre en cause ledit concordat en initiant une saisie conservatoire sur les aéronefs de leur débitrice, la Société Air Continental, la décision de suspension des poursuites individuelles interdisant, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 9 précité, « aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires »[4].

Le tribunal pouvait même rendre opposable aux créanciers ayant refusé le concordat ou ayant refusé de consentir des remises, le délai contenu dans ledit concordat, à condition que ce délai n'excède pas deux ans. A noter que les créanciers de salaire ne pouvaient consentir aucune remise ni se voir imposer un délai qu'ils n'ont pas consenti.

A l'égard du débiteur, une fois la décision de règlement préventif devenue définitive, il recouvrait sa liberté d'administration de ses biens (art.18 al.5 AUPC), sauf que le tribunal pouvait désigner un syndic pour surveiller sa gestion.

Enfin, le débiteur ne pouvait introduire aucune requête en règlement préventif avant l'expiration d'un délai de 5 ans précédent la première ayant abouti à une décision de règlement préventif (art.5 al.3)[5].


Les décisions relatives au règlement préventif étaient exécutoires par provision. Elles étaient susceptibles d'appel dans un délai de 15 jours à compter de leur prononcé (art.23 al.1). Par ailleurs, la cour d'appel devait statuer dans le mois de la saisine.

Le même délai d’appel était prévu pour les décisions rendues en matière de redressement judiciaire et de liquidation des biens, de même que le juge devait statuer dans le mois de sa saisine. Aucune sanction n’était cependant prévue en cas d’inobservation, par la cour d’appel, de ce délai, et la jurisprudence en tirait les conséquences : « … attendu que le fait de ne pas statuer dans le délai n’est nulle part, sanctionné dans l’Acte uniforme et n’a en rien préjudicié au gérant qui, bien au contraire, a continué la gestion tout seul »[6]. L'AUPC du 10 septembre 2015, en son article 23 alinéa 1 n'a pas non plus prévu de sanction si la cour d'appel ne statue pas dans le délai prévu[7].

La cour d'appel pouvait confirmer la décision de règlement préventif ou, si elle constatait la cessation des paiements, elle fixait la date de celle-ci[8] et prononçait le redressement judiciaire ou la liquidation des biens.


 Le redressement judiciaire est une procédure dont l'objectif est de sauvegarder l'entreprise et l'apurer au moyen d'un concordat de redressement. L'ouverture de cette procédure et celle de la liquidation des biens était subordonnée à la réunion d'un certain nombre de conditions autant de forme que de fond (a) débouchant sur un jugement déclaratif (b).


Les conditions sont de fond et de forme.

* Les conditions de fond sont relatives à la qualité du débiteur et à sa situation financière.

S'agissant de la qualité du débiteur, il y a lieu de se reporter à l'article 2 qui énumérait les personnes pouvant en bénéficier, en l’occurrence celles visées en ce qui concerne le règlement préventif.

S'agissant de la situation financière du débiteur, elle était précisée à l'article 25 qui indiquait que le débiteur qui était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec l'actif disponible devait déclarer la cessation des paiements aux fins d'ouverture de la procédure (3 éléments constitutifs: arrêt des paiements, situation financière obérée et preuve de l'arrêt des paiements).

* Les conditions de forme

Elles se résumaient à la saisine de la juridiction compétente, à l'enquête préalable, au jugement d'ouverture, à la publicité du jugement d'ouverture.

Sur la saisine de la juridiction compétente, elle pouvait être faite par les créanciers, par le débiteur ou même d'office par la juridiction compétente informée de la situation du débiteur: «… mais attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que les premiers juges n’ont pas statué sur la base d’une assignation formée par les sieurs AKUYA Bienvenu, Casimir ESSAKIBA et MOKOSSO Serge ; que le tribunal s’est plutôt saisi d’office en raison des informations fournies par le Collectif des Travailleurs de la SOCALIB pour prononcer la liquidation de ladite société ; que par conséquent il n’y a pas lieu à rechercher si les sieurs sus indiqués avaient ou non la qualité pour ester en justice… »[9].

L'article 32 al.2 de l'AUPC précisait qu'avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, la Président de la juridiction compétente pouvait désigner un juge ou toute personne qualifiée à l'effet d'enquêter sur la situation financière du débiteur[10], ses agissements et le concordat[11] fait par ce dernier. C'est le rapport qui résultait de l'enquête diligentée qui devait déterminer le juge dans le choix entre le redressement judiciaire et la liquidation des biens : « … que la cour d’appel par son arrêt confirmatif du jugement d’instance qui s’est fondé sur les conclusions de l’expert désigné qui a constaté que la CCI, en état de cessations des paiements, avait un passif exigible supérieur à son actif réalisable et disponible de plus de 26 milliards de FCFA, de sorte qu’elle est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible et qu’en plus, le plan de restructuration présenté ne peut être réalisé faute de ressources financières… »[12].


Le jugement intervenu constatait l'état de cessation des paiements, nommait les organes chargés de la mise en œuvre de la procédure (art.35 : le juge-commissaire, les syndics – trois au maximum – les contrôleurs s’il y a lieu) et fixait la date de la cessation des paiements, laquelle ne pouvait être antérieure de plus de 18 mois au prononcé de la décision d’ouverture (art.34 al.2).

Le jugement d’ouverture rendu opérait une sorte de main mise sur les biens du débiteur qui ne pouvait plus les aliéner de son propre gré.

Le jugement prononçant le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire et fixant la date de cessation des paiements était inscrit au registre du commerce et du crédit mobilier si le débiteur était commerçant. Il était également inséré par extraits dans un journal d’annonces légales, avec avertissement aux créanciers de produire leurs créances auprès du syndic.

Cependant, les procédures ci-dessus succinctement décrites ont présenté d’énormes insuffisances qui justifient la récente réforme.


Les insuffisances pratiques et fonctionnelles (1) ont poussé les experts et autres observateurs à réclamer à corps et à cri des réformes (2).


Les insuffisances de la réglementation ont été amplifiées par sa non maîtrise par les acteurs judiciaires ou non, les irrégularités récurrentes entraînant la disparition même des entreprises qui pouvaient être sauvées et des pertes pour les créanciers. Un auteur a pu dire que « la pratique montre que les magistrats ne semblent pas encore maîtriser les différentes opérations qui jalonnent la procédure, face à des syndics qui disposent d’une grande  liberté d’action »[13].

En effet, l’auteur qui fait observer que le juge-commissaire est le personnage central de la procédure collective en déduit que « le succès de la procédure dépend très largement de son implication et de sa clairvoyance sur le travail effectué par le syndic ». Il relève ensuite, avec amertume que dans la pratique, bien souvent, le juge-commissaire, après sa nomination, abandonne le dossier « entre les mains du syndic qui dispose ainsi de toute latitude pour conduire la procédure à sa guise ». Cette attitude dénotant d’un laxisme n’a souvent eu pour conséquence que de compromettre les intérêts de l’entreprise et principalement des créanciers à qui il était difficilement donné l’occasion de s’exprimer.

En réalité, l’absence de spécialisation à l’origine de la non maîtrise des textes a souvent été à la base de l’effacement du juge-commissaire qui préférait laisser la place au syndic dont il attendait simplement les comptes rendus. Or, dans la plupart des cas, les syndics ne se sont pas préoccupés du devenir de l’entreprise encore moins du sort des créanciers, préférant se servir au passage en foulant aux pieds toutes les règles de procédures[14].

Afin d’accroître l’efficacité du juge-commissaire dans sa mission de contrôle, il a été suggéré à son profit des connaissances en matière financière, économique et comptable, car « dans la mesure où la procédure collective peut s’accompagner de la continuation de l’exploitation commerciale, le juge-commissaire doit avoir la capacité d’apprécier l’opportunité de certaines décisions du syndic »[15].

Une difficulté importante unanimement soulevée résidait dans la rémunération des syndics, laquelle n’était fondée sur aucun critère fiable et était très souvent arbitraire et disproportionnée, de sorte que, à titre purement indicatif,  pendant que certaines liquidations clôturaient pour insuffisance d’actif, les syndics en étaient à réclamer de faramineuses sommes après s’être déjà servis des rémunérations à plusieurs titres. Cette situation était entretenue par le vide juridique sur la rémunération des syndics qui pouvaient alors facilement s’allier avec les juges qui les désignaient pour se servir ensemble, ce qui justifiait que les actes des syndics soient entérinés aussi facilement par les juges.

Au total, des insuffisances ont été observées à tous les niveaux, depuis les débiteurs appelés à redresser sur la base du concordat par eux proposé mais qui se détournent et organisent leur insolvabilité, jusqu’à la fin biaisée de la procédure en passant par la négligence et l’insouciance des organes appelés à intervenir, toutes choses qui ont dépourvu cette matière de leur intérêt auprès de nombreux opérateurs économiques et autres praticiens.

En outre, pour beaucoup d’autres raisons non énumérées ici, il devenait plus qu’urgent de réformer le droit OHADA des procédures collectives.

La Banque Mondiale, dans son rapport Doing business de 2012, indiquait déjà que « … en dépit des efforts de coopération régionale déployés sous l’égide de l’OHADA, l’Afrique subsaharienne manque d’expérience en matière de solutionnement de l’insolvabilité. La région compte la plus importante proportion d’économies ne disposant pas, ou peu, de pratique en matière de faillites. Ainsi, 7 des 46 économies de la région, dont 3 parmi les Etats membres de l’OHADA, n’ont enregistré aucun cas de faillite au cours des 5 dernières années »[16].

Le rapport poursuit en précisant que « les coûts de fermeture d’une entreprise dans les Etats membres de l’OHADA s’élèvent à 25 % de la valeur des biens du débiteur, les délais moyens sont de 3,75 ans, et le taux de créance recouvrée est d’environ 20 % du montant des créances ; ces résultats sont comparables à ceux de l’Afrique subsaharienne ».

Ces constats qui ne sont autres que les conséquences des insuffisances relevées plus haut ont été à l’origine de la réforme appelée de tous leurs vœux aussi bien par les acteurs de ces procédures que par les personnes qui, même sans en être actrices, en subissaient les conséquences.

Bien que la situation ne fût pas reluisante dans tous les pays de l’espace OHADA, certains pays se démarquaient d’autres et arrivaient à diligenter des procédures collectives qui, sans être exemplaires, produisaient des résultats passables. C’est ainsi que les créanciers de la Côte d’Ivoire pouvaient recouvrer en un peu plus de deux ans 40% de leurs créances pendant que ceux du Niger ou du Gabon n’en recouvraient que la moitié en pratiquement quatre années[17].

En définitive, les décideurs de l’OHADA, ont eu le temps de faire le constat de « l’absence de règlementation des mandataires judiciaires, durée trop longue des procédures, lourdeur et inadaptation des procédures pour les micro-entrepreneurs, absence d’une procédure préventive de conciliation moderne pour promouvoir les négociations privées et les accords extrajudiciaires entre le débiteur et ses créanciers et absence d’un régime adéquat pour les faillites internationales ouvertes hors de l’espace OHADA »[18].

Dès lors, il était question d’opérer des réformes en mettant en place un cadre juridique approprié et en s’assignant des objectifs dont la philosophie générale devait être de rendre plus efficientes les procédures, de rechercher la qualification des administrateurs judiciaires, toutes choses devant en définitive contribuer à préserver les intérêts de tous les intervenants.

C’est à ce besoin que l’Acte uniforme du 10 septembre 2015 essaie de répondre aux termes d’une réforme fastidieuse entamée en 2007. Cette réforme introduit dans cette matière des innovations qui révolutionnent véritablement la matière des procédures collectives d’apurement du passif dans l’espace OHADA.
 


Les spécialistes des procédures collectives OHADA affirment qu'une "législation efficace en matière de procédures collectives doit satisfaire à trois exigences principales conformément à l'analyse économique du droit:

         - Réhabiliter les entreprises viables et liquider rapidement les entités non viables;

         - Maximiser les montants recouvrés par les créanciers, sur la base de la valeur du marché du patrimoine de l'entreprise débitrice;

         - Etablir un ordre précis de paiement des créances garanties et non garanties"[19].

C’est au demeurant ce qui ressort de l’article 1er de l’Acte uniforme du 10 septembre qui dispose que l’objectif visé est de :

-         « Organiser les procédures préventives de conciliation et de règlement préventif ainsi que les procédures curatives de redressement judiciaire et de liquidation des biens afin de préserver les activités économiques et les niveaux d’emploi des entreprises débitrices, de redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par les créanciers et d’établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties ;

-         Définir la règlementation applicable aux mandataires judiciaires ;

  -         Définir les sanctions patrimoniales et professionnelles ainsi que les incriminations pénales relatives à la défaillance du débiteur, applicables aux dirigeants de toute entreprise débitrice et aux personnes intervenant dans la gestion de la procédure ».

Il convient dès lors, pour cerner cette réforme dans tous ses contours, d’examiner tour à tour les procédures de prévention (A), l’intervention des mandataires judiciaires (B) avant de repréciser le redressement judiciaire et la liquidation des biens (C) avec la spécificité que des procédures simplifiées adaptées aux petites entreprises ont été mises en place (D).


 Les procédures préventives mises en place par l’AUPC se résument à la conciliation (1) et au règlement préventif  qui a été refondu par rapport à l’ancien Acte uniforme (2).


La procédure de conciliation dont l'exigence de confidentialité a été expressément soulignée par le législateur[20] a pour but de faciliter un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers et éventuellement ses cocontractants, en vue de lui éviter la cessation des paiements. En effet, par la signature d’un accord amiable, les créanciers et autres cocontractants du débiteur « lui donnent une chance de surmonter ses difficultés qui, par hypothèse, ne sont pas encore trop graves, ce qui lui permettra finalement de régler ses dettes et leur conservera un partenaire, client ou fournisseur… »[21].

Toutefois, pour mieux cerner cette procédure, il convient de l’examiner aussi bien du point de vue des conditions de son déclanchement (a) que de celui de son déroulement et son issue (b).

La procédure de conciliation ne peut être mise en branle que si la qualité du débiteur et sa situation le lui permettant il saisit le président de la juridiction compétente (a1), lequel désigne un conciliateur à qui il assigne une mission précise (a2).

Aux termes de l’article 5-1, la conciliation est ouverte à toutes les personnes concernées par les procédures collectives tel que précisé à l’article 1-1[22] qui connaissent des « difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements ».

Sur la qualité du débiteur, aucun problème particulier ne se pose.

Cependant, c'est au niveau de sa situation financière que des interrogations peuvent être soulevées, notamment quant au sens à donner à "difficultés avérées ou prévisibles". On peut penser que "difficultés prévisibles" signifie que le débiteur, qui n'est pas encore en difficulté, "doit être confronté à assez court terme à un problème grave qu'il ne peut résoudre avec des moyens ordinaires, tel un simple crédit bancaire, et qui, non traité, met en danger l'exploitation normale de l'entreprise"[23]. Le débiteur ne doit en outre pas être dans une situation irrémédiablement compromise car, si tel était le cas, la procédure de conciliation ne serait pas appropriée.

En ce qui concerne l'ouverture de la procédure, l’article 5-2 dispose que le Président de la juridiction compétente[24] est saisi par une requête du débiteur ou une requête conjointe[25] du débiteur et ses créanciers. Cette requête qui expose les difficultés du débiteur et les moyens d’y faire face doit être accompagnée d’un certain nombre de documents qui doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par le requérant :

-         Une attestation d’immatriculation ou d’inscription ou de déclaration d’activité à un registre ou à un ordre professionnel ou, à défaut, tout autre document de nature à prouver la réalité de l’activité exercée par le débiteur ;

-         Le cas échéant, les états financiers de synthèse comprenant le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des ressources et emplois ;

-         Un état de la trésorerie et un état chiffré des créances et dette avec indication des dates d’échéances ;

-         Un document indiquant le nombre de travailleurs déclarés et immatriculés ;

-         Une attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas être en état de cessation des paiements et précise qu’il n’est pas soumis à une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens qui ne serait pas clôturée ;

-         Si le débiteur propose un conciliateur, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de la personne proposée et une attestation de cette dernière indiquant ses compétences professionnelles ;

-         Le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domicile des créanciers qui se joignent à la demande du débiteur et le montant de leurs créances et éventuelles sûretés dont elles sont assorties.

C’est au vu des documents ci-dessus que le président de la juridiction saisie ouvre la procédure de conciliation par la désignation d’un conciliateur à qui il assigne des tâches bien précises.
     

La désignation du conciliateur répond à certaines exigences (a2.1) qui, remplies, permettent de présumer que le conciliateur nommé sera à la hauteur des missions à lui assignées.

Le président de la juridiction compétente, statuant à huis, rend une décision d’ouverture de la conciliation ou de rejet de la demande.

Dans l’hypothèse de l’ouverture de la conciliation, il désigne par la même décision un conciliateur, qui peut être celui proposé par le débiteur dans sa requête, ou alors celui qu’il a lui-même choisi. On peut tout de même se poser la question de savoir ce qu'il adviendrait si jamais le débiteur ne partageait pas le choix du président dans la désignation du conciliateur.

Tout compte fait, cette désignation doit obligatoirement tenir compte des exigences posées par l’article 5-4 alinéa 2 qui précise que « le conciliateur doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de sa compétence professionnelle et demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties concernées par la conciliation ». En clair, il doit est d’une rectitude morale certaine, ne pas avoir une réputation entachée et n’avoir aucun lien avec aucune partie prenante à la conciliation.

L’article 5-3 qui indique que le président de la juridiction statue et rend une décision d’ouverture ou de rejet de la conciliation ne précise pas la nature de la décision rendue et ne dit pas si elle est susceptible de recours ou pas. Certes, étant donné que le président de la juridiction statue seul, on peut raisonnablement en déduire qu’il se prononce par ordonnance. Mais peut-on dire s’il s’agit d’une ordonnance gracieuse[26] ou d’une ordonnance contentieuse[27]?

L'article 5-4 alinéa 3 précise que dès qu'il est informé de sa désignation, le conciliateur doit attester qu'il remplit les conditions exigées[28]. Il doit pour arrêter sa mission à tout moment s'il arrivait qu'il cesse de remplir ces conditions-là.

Les modalités et les critères de rémunération du conciliateur doivent être consignés dans un document signé conjointement par le débiteur et le conciliateur, lequel document est annexé à la décision d'ouverture.

Quoiqu’il en soit, les missions assignées au conciliateur permettent de mieux apprécier la portée de cette procédure.

                a2.2 – Les missions assignées au conciliateur

Aux termes de l'article 5-5; la mission du conciliateur consiste à favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créancier, ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés financières de l'entreprise. Il est donc question pour lui de mettre tout en œuvre, notamment par des négociations et autres discussions, pour permettre aux parties de conclure un accord amiable acceptable.

L’article 5-3 alinéa 1 précise que la conciliation est ouverte pour une période de trois mois qui ne peut être exceptionnellement prorogée que d’un mois, à la demande du débiteur, le conciliateur entendu.


En accomplissant sa mission de favoriser la conclusion d'un accord, le conciliateur est un personnage central dans cette procédure. Toutefois, il doit rendre régulièrement compte au président de l'état d'avancement de ladite mission et faire des observations si cela s'avère nécessaire[29]. Il est parfaitement informé de la situation du débiteur et de son évolution et peut même requérir de ce dernier toutes les informations nécessaires ou utiles au bon déroulement de sa mission.

De la sorte, si la situation du débiteur s'aggrave dans l'intervalle au point qu'il se trouve être en cessation des paiements, le conciliateur est tenu d'en informer le président qui mettra immédiatement fin à la conciliation et à Sa mission du, après l’avoir entendu avec le débiteur[30].

Le président peut reporter le paiement de sommes dues à un créancier partie à la conciliation et même suspendre les poursuites y relatives lorsque les réclamations sont adressées durant la conciliation. Mais ces mesures prennent fin à la fin de la conciliation[31].

Si la conciliation n’aboutit pas à un accord, le conciliateur adresse un rapport écrit au président qui, après avoir entendu le débiteur, met à sa mission et à la conciliation.

Si par contre survient un accord, celui-ci est déposé au rang des minutes d’un notaire ou alors homologué ou exéquaturé par le président statuant à huis clos. La décision d’homologation n’est susceptible d’aucun recours. Il reçoit apposition de la formule exécutoire et des copies exécutoires peuvent être délivrées aux parties.

Pendant la durée de son exécution, l’accord conclu interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tendant au paiement des sommes objet de l’accord.

Le président de la juridiction compétente peut prononcer la résolution de l’accord en cas d’inexécution et dans ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances.

Toutefois, si le débiteur se trouve dans une situation de difficultés économiques sérieuses, sans être en cessation des paiements, il peut opter plutôt pour le règlement préventif.


Aux termes de l’article 6, « le règlement préventif est ouvert au débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés économiques ou financières sérieuses ». Le nouveau règlement préventif qui vise le même objectif que l’ancien s’en démarque par des innovations déterminantes qui permettent désormais aux différentes parties prenantes de voir leurs intérêts sauvegardés.


La requête en règlement préventif, qui émanait du débiteur seul, peut désormais être initiée par lui, ou conjointement avec un ou plusieurs créanciers[32] et déposée au greffe de la juridiction compétente contre récépissé[33]. Au nombre de pièces qui étaient exigées, une dizaine, se sont ajoutées cinq autres, portant le nombre à 14[34], pièces qui doivent dater de moins de trente jours. Le législateur a énuméré neuf (9) de ces pièces qui doivent accompagner la requête, à peine d’irrecevabilité.

Les documents nouvellement exigés se résument à :

-         Une attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas être en état de cessation des paiements ;

-         Si le débiteur propose une personne à la désignation en qualité d’expert au règlement préventif conformément au premier alinéa de l’article 8, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de cette personne et une attestation de cette dernière précisant qu’elle remplit les conditions prévues aux articles 4-1 et 4-2 ;

-         Le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domiciles des personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 11-1, avec l’indication du montant de l’apport ou de la valeur du bien ou du service ;

-         Un projet de concordat préventif[35] ;

-         Le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domiciles des créanciers qui se joignent à la demande du débiteur, et le montant de leurs créances et des éventuelles sûretés dont elles sont assorties.

L'article 8 énonce que si le projet de concordat est sérieux, la président de la juridiction ouvre une procédure de règlement préventif et désigne un expert au règlement préventif qui satisfait aux critères du conciliateur dans la procédure de conciliation, lequel est chargé de faire un rapport sur la situation financière du débiteur et les perspectives de redressement.

Une innovation majeure ici consiste dans le pouvoir conféré au président de la juridiction saisie de juger du caractère sérieux du projet de concordat. Sous l'ancien régime, dès réception de la requête et des pièces, il rendait immédiatement une ordonnance de suspension des poursuites individuelles et désignait l'expert devant faire le rapport. Désormais, il examine si le projet de concordat est sérieux avant d'ouvrir la procédure de règlement préventif.

La décision d'ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant au recouvrement des créances nées antérieurement à ladite décision, pour une durée de 4 mois au maximum. A peine de nullité de droit, ladite décision interdit au débiteur entre autres de payer en tout ou en partie les créances nées antérieurement à ladite décision, de faire tout acte de disposition étranger à l'exploitation normale de la société ou de consentir une sûreté. Cette décision est susceptible d'appel des créanciers et du ministère public dans un délai de 15 jours à compter de la première publicité prévue à l'article 37 s'ils estiment que le débiteur est en cessation des paiements.

L'expert au règlement préventif remplit sa mission dans les mêmes conditions que le conciliateur dans la procédure de conciliation. Il rend régulièrement compte au président de sa mission et le tient informé de la situation financière du débiteur.

Dès le dépôt du rapport de l'expert, la président de la juridiction saisie convoque sans délai[36] les parties prenantes (lé débiteur, l'expert et tout créancier pouvant être entendu). Il doit se prononcer au plus tard dans les 30 jours qui suivent sa saisine.

Si le rapport n'est pas déposé dans le délai imparti ou si la juridiction n'est pas saisie ou ne se prononce par dans le délai de trente jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit et les créanciers et le débiteur recouvrent chacun leur liberté d'action[37]. Cette innovation est très importante en ce qu'on ne peut plus assister à des suspensions de poursuites interminables comme par le passé, suspensions qui n'étaient devenues que des moyens juridiques habiles pour torpiller les créanciers et ne pas les payer.

Le président de la juridiction qui constate que des créanciers ont refusé de consentir des délais ou remises au débiteur s'investit et provoque de nouvelles négociations pour que les parties parviennent  à un accord. Si malgré cette implication un accord n'est pas trouvé et si le concordat préventif comporte une demande de délai n'excédant pas deux ans, la juridiction peut rendre ce délai opposable à tous les créanciers qui ont refusé tout délai ou toute remise, à condition que cela ne mette pas en péril l'entreprise des créanciers (art.15 AUPC). Dans ce cas, seul le délai leur est opposable et non les remises consenties au concordat: "... attendu qu’il ressort des pièces du dossier que la BICICI s’est toujours opposée à la remise de dettes de 80% proposée dans le concordat ; qu’elle a soutenu que c’est le délai de deux ans qui lui est opposable en cas de refus d’acceptation du concordat ; que conformément à l’article 15.2 de l’Acte uniforme sus indiqué, à l’exception du délai de deux ans qui lui est opposable, la BICICI n’est pas tenue d’accepter la remise proposée dans le concordat,  celui-ci ne lui étant pas opposable ; qu’il convient donc d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a rendu la remise opposable à la BICICI  et dire que seule la durée de deux ans du concordat est opposable à la BICICI laquelle n’a pas accepté la remise proposée par le débiteur"[38].

Le président peut constater que la situation du débiteur ne relève d'aucune procédure collective, il peut également rejeter le concordat préventif proposé et dans ce cas le règlement préventif prend fin immédiatement et les parties reprennent leur liberté de mouvement. La décision ainsi rendue est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours à compter de son prononcé[39].

Le président de la juridiction homologue le concordat préventif si les conditions sont réunies, par une décision qui met fin aux missions de l'expert. Les délais consentis ne doivent pas excéder 3 ans pour l'ensemble des créanciers et un an pour les salariés.


Cette décision peut désigner d'office ou à la demande du débiteur ou d'un créancier un syndic et/ou un ou des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du concordat homologué. Il désigne également un juge-commissaire qui contrôle les activités du syndic ou des contrôleurs, lequel lui adresse un rapport tous les trois mois ou à sa demande.

La décision d'homologation est susceptible d'appel des créanciers et du ministère public dans le délai de 15 jours à compter de son prononcé pour le ministère public, à compter de la première mesure de publicité pour les créanciers.

Le concordat préventif homologué s'impose à toutes les parties prenantes, notamment les créanciers antérieurs et le débiteur. Le syndic ou les contrôleurs désignés contrôlent l'exécution du concordat préventif et signalent tout manquement au juge-commissaire. Ils lui rendent compte tous les trois mois du déroulement de leurs missions.

La rémunération du syndic en qualité de contrôleur est désormais encadrée et enfermée dans un barème institué à l'article 4-19.


Au sens de l’article 1-3 de l’AUPC, l’expression « mandataire judiciaire » renvoie à l’expert au règlement préventif et au syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Jusqu’à la nouvelle règlementation, les missions dévolues à cet organe central des procédures collectives étaient exercées dans un certain flou, compromettant ainsi gravement l’avenir des entreprises qui pouvaient être redressées ou sauvées.

La nouvelle règlementation a mis en place un cadre juridique général qui permet désormais d’avoir une lisibilité sur ses fonctions, ses obligations, sa rémunération et ses responsabilités, ce cadre devant faire l’objet au niveau national d’un texte plus élaboré dans chaque Etat partie[40].

D’une manière générale, le socle mis en place par le législateur communautaire définit de manière générale les conditions d’accès et d’exercice des fonctions de mandataire judiciaire (1) ainsi que la rémunération du mandataire judiciaire (2).



Le législateur communautaire demande aux Etats parties d’exercer un contrôle, une supervision des mandataires judiciaires opérant sur leur territoire, « au besoin en mettant en place à cet effet une autorité nationale dont il fixe l’organisation, la composition et le fonctionnement ». Il s’agit en réalité de mettre en place un organe chargé  de contrôler l’accès et l’exercice des fonctions de mandataire judiciaire, de prononcer et suivre l’application des sanctions disciplinaires et globalement de mettre en place un code déontologique applicable à tous les mandataires judiciaires inscrits. Cet organe devrait jouer pratiquement le même rôle que certains ordres professionnels tel que l’Ordre des Avocats, l’Ordre des Experts comptables, la Chambre nationale des Notaires etc… Bref, il s’agit d’une profession règlementée[41] que ne pourront exercer que des personnes en remplissant les conditions et préalablement inscrits sur une liste[42].
Pour exercer la profession de mandataire judiciaire, il faut être inscrit sur la liste nationale des mandataires judiciaires. Cinq conditions sont requises pour être inscrit sur ladite liste, lesdites conditions pouvant être rallongées[43] par chaque Etat partie :

-         Avoir le plein exercice de ses droits civils et civiques ;

-         N’avoir subi aucune sanction disciplinaire, une condamnation définitive à une peine privative de liberté d’au moins 3 mois ou commis un délit contre les biens ou une infraction économique ou financière ;

-         Etre expert-comptable ou habilité par la législation nationale ;

-         Justifier d’un domicile fiscal dans l’Etat Partie et être à jour de ses obligations fiscales ;

-         Présenter des garanties de moralité jugées suffisantes par l’autorité de supervision ou par la juridiction compétente

L’inscription sur cette liste qui est communiquée aux juridictions de l’Etat partie est faite par décision de l’autorité nationale, susceptible de recours devant la juridiction compétente en cas de refus d’inscription.

D’aucuns ont soutenu que de l’énumération des conditions telle qu’elle a été faite « se trouvent exclus de l’accès à la profession de mandataire judiciaire les avocats ou les autres professions règlementées »[44]. Nous ne partageons pas cet avis pour au moins deux raisons : d’abord, l’article 4-2 qui énumère les conditions d’accès à la profession précise bien que chaque Etat partie peut ajouter des conditions supplémentaires, ce qui suppose qu’il peut y être intégré d’autres corps de métiers en fonction des spécificités de l’Etat concerné. Ensuite, la formulation des articles 4-4, 2°) et 4-9 alinéa 2 de l’AUPC permet de déduire que le législateur communautaire lui-même n’exclut pas l’intégration d’autres corps de métiers tel l’ordre des avocats.


Pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire, il faut présenter toutes les garanties d’indépendance, de neutralité et d’impartialité, et se montrer désintéressé. A cet effet, avant d’entrer en fonction, la mandataire judiciaire doit non seulement prêter serment devant le président de la juridiction désignée, mais également signer une déclaration d’indépendance, de neutralité et d’impartialité. La fonction est incompatible avec toute activité de nature à porter atteinte aux qualités morales sus énumérées.

Ne peut être nommé mandataire judiciaire dans une procédure collective tout expert-comptable, tout avocat, tout comptable agréé ayant un lien quelconque avec le débiteur ou les créanciers (article 4-4).

L’article 4-22 précise que l’Etat partie peut prévoir que l’autorité nationale ou la juridiction compétente désigne là ou les banques auprès desquelles les syndics ont l’obligation d’ouvrir un compte spécial aux fins d’y domicilier les opérations afférentes aux procédures collectives.

Le mandataire qui pose des actes contraires à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse s’expose à des poursuites disciplinaires sur une période allant jusqu’à trois ans à compter de la découverte des faits.

Les sanctions disciplinaires encourues sont l’avertissement, le blâme, la suspension provisoire, l’interdiction provisoire et la radiation de la liste des mandataires judiciaires.

Par ailleurs, le mandataire dans l’exercice de ses fonctions engage sa responsabilité civile à l’égard du débiteur, des créanciers et des tiers. La juridiction compétente pour statuer est celle désignée pour statuer en matière de procédures collectives. En outre, le mandataire judiciaire engage aussi sa responsabilité pénale.

Toutefois, les fonctions de mandataire judiciaire sont rémunérées.


L’article 4-16 & 17 énonce que le mandataire judiciaire est rémunéré sur le patrimoine du débiteur, cette rémunération étant fixée, en fonction du barème mis en place par l’Etat partie, par la décision homologuant ou rejetant le concordat préventif, ou mettant fin au règlement préventif.

Le barème fixé tient compte de deux critères principaux : le temps passé et le nombre de créanciers concernés par la procédure. L’Etat partie peut ajouter des critères supplémentaires. En tout état de cause, il est tenu compte du chiffre d’affaire du débiteur au cours de l’exercice précédent la procédure collective, du ratio de recouvrement de créances, du temps passé et des difficultés éventuellement rencontrées, de la célérité des diligences accomplie.

Il convient de préciser que la juridiction qui désigne le mandataire judiciaire peut lui allouer une provision sur sa rémunération qui ne peut excéder 40% du montant prévisionnel.

Il peut être prévu une rémunération forfaitaire du mandataire lorsque la procédure collective est simplifiée.

Toutefois, même en application du barème de rémunération mis en place, la rémunération du mandataire judiciaire, dans les cas de liquidation des biens, ne peut excéder 20% du montant total de la réalisation de l’actif du débiteur (art. 4-19). Nous pensons qu’il s’agit là d’une précaution salutaire[45] dont on espère qu’elle n’aura pas d’effets pervers.


Il a toujours admis que dès qu’un débiteur est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il est en état de cessation des paiements et peut alors solliciter l’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif, en l’occurrence le redressement judiciaire ou la liquidation des biens, quelle que soit la nature de ses dettes[46].

La version de l’AUPC du 10 septembre 2015 entrée en vigueur le 24 décembre 2015 ne s’est pas éloignée de ce postulat. Toutefois, la philosophie qui a sous tendu la révision du texte de 1998 ayant été de sauver au maximum les entreprises, il a fallu donner une nouvelle définition de l’état de cessation des paiement qui, à l’analyse, permet désormais d’ouvrir la porte au redressement là où hier c’était la liquidation. Ainsi, l’article 25 précise que « la cessation des paiements est l’état où le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible »[47].

Il est dès lors indiqué, à notre sens, de se faire une idée assez précise du nouveau contenu de la notion de cessation des paiements (1), avant d’explorer les améliorations apportées à la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens (2).


 Outre la reconduction de la définition traditionnelle de la cessation des paiements, l’article 25 alinéa 2 souligne qu’on ne parlera plus de cessations des paiements si le débiteur qui est dans l’impossibilité actuelle de faire face à son passif exigible avec son actif disponible dispose de réserves de crédit ou bénéficie des délais de paiement consentis par ses créanciers pour faire face audit passif exigible.

Une doctrine relevait déjà, au lendemain de l’AUPC du 10 avril 1998, que le législateur OHADA qui s’était abstenu de donner une définition précise de la notion d’entreprise en difficulté, avait fait des progrès qui se limitaient à la définition de la cessation des paiements et à l’énoncé de certaines indications relatives à la survenance d’une situation très préoccupante[48]. Aujourd’hui, le législateur communautaire a fait preuve de maturité et de maîtrise de l’environnement actuel des entreprises en difficulté qu’il fallait moderniser en le meublant de textes adaptés.

En adoptant une nouvelle définition, somme toute flexible de la notion de cessation des paiements, notamment en prenant en compte les réserve de crédit[49] et les remises des créanciers, le législateur communautaire s’est arrimé au droit français duquel il s’est d’ailleurs inspiré depuis le texte de 1998. En effet, l’article L.631-1 alinéa 1 de l’ordonnance de 2008 dispose en son « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements »[50].

Il ressort de cette nouvelle conception de la cessation des paiements qu'il revient au débiteur de prouver qu'il a des réserves de crédit ou que les créanciers lui ont accordé des moratoires qui lui permettent de faire face au passif exigible, pour ne pas être admis au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens. Cette preuve ne peut être administrée que dans une instance tendant à l’ouverture d’une procédure collective "... attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision"[51].

Cette solution est salutaire pour les entreprises car elles sont le plus souvent confrontées à des problèmes de trésorerie que le crédit sert précisément à résoudre, qu’il émane des fournisseurs (crédit fournisseur), des établissements de crédit (crédit bancaire) ou des tiers, et s’il n’était pas tenu compte du crédit, la plupart seraient en cessation des paiements[52].

En définitive, outre cette définition extensive de la notion de cessation des paiements, des réformes révolutionnaires ont amélioré la procédure de redressement judiciaire et de liquidation des biens.


Une amélioration notable de la procédure nous est fournie par l’article 25 alinéa 5 qui offre au débiteur, au moment du dépôt de sa requête, de choisir entre le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Par ailleurs, l’article 27 alinéa 1 lui permet de déposer un projet de concordat dans un délai de 60 jours à compter de la requête[53].

Nous pensons que la multiplication par quatre de l’ancien délai pour atteindre deux mois pratiquement, n’a d’autre but que de permettre au débiteur, de surcroît  qui a opté pour le redressement judiciaire, de mieux peaufiner le projet de concordat qui se veut sérieux, afin de donner un peu plus de chance à sa requête. Cette analyse est d’ailleurs confortée par le point 10 de l’article 26 qui énumère au nombre des pièces devant accompagner la requête, si l’occasion s’y prête, « … un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domiciles des personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 33-1, avec l’indication du montant de l’apport ou de la valeur du bien ou du service ». Or, l’établissement d’un tel document ne peut être que la résultante de plusieurs démarches qui n’auraient pas pu se faire en seulement quinze jours. 

Il est important de souligner que l’option choisie par le débiteur ne lie pas la juridiction saisie qui, ayant constaté la cessation des paiements, peut prononcer la liquidation des biens ou alors, prononcer le redressement judiciaire s’il juge que le projet de concordat est sérieux ou a les chances d’être obtenu ou encore si une cession globale est envisageable[54]. Cette dernière hypothèse est également une solution nouvelle qui peut procéder de l’observation ou de l’analyse faite par la juridiction.

Nous pensons concrètement que la possibilité désormais offerte au débiteur de choisir la procédure, que d’aucuns considèrent comme le changement le plus important[55], combinée avec la rallonge du délai initial de dépôt du concordat, doit être appréciée à sa juste valeur, car elle pourra aussi servir de jauge pour mesurer le degré de bonne foi du débiteur dans la recherche des solutions pour sceller le sort de l’entreprise. C’est sans doute ce qui a poussé un spécialiste des procédures collectives à dire que « le premier rôle revient au débiteur pour faire une proposition de concordat sérieux, mais s’il n’inspire plus confiance alors que la situation de l’entreprise n’est pas désespérée, une cession globale peut être prononcée »[56].

Une autre amélioration non moins intéressante et qui somme toute est à l’avantage des créanciers, résulte de l’article 33-1. En effet, ce texte octroi un privilège[57] selon les rangs prévus par les articles 166 et 167, en cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens, aux « personnes qui avaient consenti dans le concordat de redressement judiciaire un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité »[58]. Sont également concernés « les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité »[59]. Ceux-ci quant à eux bénéficient d’un privilège sur le prix du service ou du bien.

Ce traitement privilégié n’est que la contrepartie de l’engagement qu’ils ont pris au moment de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, en prenant le risque d’investir dans une structure à  l’avenir pas rassurant. Le législateur communautaire l’a prévu pour inciter des personnes à financer la restructuration de l’entreprise. C’est pourquoi les alinéas 3 et 4 de l’article 33-1 excluent l’extension de ces avantages à ceux qui ont consenti des apports à l’occasion d’une augmentation de capital ou encore à ceux dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, opérations par principe effectuées en période normale d’activité. C’est enfin, à notre avis, ce qui justifie aussi l’alinéa 3 de l’article 27 qui dispose que « le projet de concordat de redressement judiciaire peut établir un traitement différencié entre les créanciers si les différences de situation le justifient ».

Par ailleurs, le déroulement des procédures collectives est désormais enfermé dans des délais. Point n’est plus question d’attendre indéfiniment que les acteurs posent des actes pour faire avancer les choses.

Ainsi, aux termes de l’article 33 alinéa 6, « … à l’expiration d’un délai de six (6) mois à compter de la décision d’ouverture du redressement judiciaire, qui peut être prorogé une seule fois par la juridiction compétente, d’office ou à la demande du débiteur ou du syndic pour une durée de trois mois, ladite juridiction convertit le redressement judiciaire en liquidation des biens, d’officie ou à la demande de tout intéressé ». Ce délai devra permettre qu’avec le concours du débiteur, le syndic établisse un bilan économique et social qui précise l’origine, l’importance et la nature des difficultés du débiteur. Cette période est suffisante et déterminante pour avancer si bien qu’au-delà la juridiction compétente peut prendre ses responsabilités en l’absence de toute évolution notable.

De même, l’article 33 alinéa 3 impartit, dans le cas où elle prononce la liquidation des biens, un délai aux termes duquel la clôture de la liquidation est examinée. Ce délai est de dix-huit (18) mois, susceptible d’être prorogé une seule fois pour une durée de six (6) mois. La juridiction compétente prononce, à l’expiration de ce délai, d’office où à la demande de tout intéressé, à la clôture de la liquidation.


Un observateur averti a récemment relevé que « l’institution de procédures simplifiées destinées aux petites entreprises fait directement écho à la création du statut de l’entreprenant par l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général révisé en ce qu’elle répond également à un réel souci d’adaptation du droit des procédures collectives aux réalités socioéconomiques et à l’environnement des dix-sept Etats parties de l’OHADA »[60]. En effet, exprimant sa volonté de réduire le secteur informel et mieux connaître les intervenants de ce secteur dans l’optique de permettre la mutation souhaitée du RCCM en un véritable registre économique apte à jouer un rôle d’information économique[61], le législateur communautaire avait, le 15 septembre 2010, révisé l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général et avait créé le statut d’entreprenant pour les entrepreneurs individuels, adapté au secteur informel ayant un régime juridique allégé. C’est donc ce même souci de simplification et d’adaptation qui justifie l’allègement des procédures collectives pour certaines catégories de structures.

L’article 1-3 donne une définition de la notion de « petite entreprise » afin de mieux circonscrire le champ d’application des procédures simplifiées. Il considère en effet qu’est petite entreprise « toute entreprise individuelle, société ou toute autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20) et dont le chiffre d’excède pas cinquante (50) millions de francs CFA hors taxe au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente conformément au présent Acte uniforme ».

Les procédures ont été simplifiées en ce qui concerne le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens, avec le tempérament que s’agissant particulièrement de la procédure de liquidation des biens, la petite entreprise qui souhaiterait en bénéficier ne doit pas être titulaire d’un actif immobilier[62].


C’est le règlement préventif tel que développé plus haut, à la différence qu’il est un peu plus allégé dans ses conditions de mise en œuvre. Ainsi, en application de l’article 24-2, tout débiteur répondant à la définition de la petite entreprise telle que donnée par l’article 1-3, et qui souhaiterait en bénéficier, doit déposer une requête à cette fin, accompagnée des pièces visées à l’article 6-1.

La simplification tient ici de ce que par dérogation à l’article 6-1. 13° qui prescrit, à peine d’irrecevabilité, le dépôt au même moment que la requête, d’un projet de concordat, le débiteur n’est pas tenu d’en fournir un au moment du dépôt de la requête. Toutefois, l’expert au règlement préventif assiste le débiteur dans l’élaboration dudit projet.

Par ailleurs, le rapport que doit dresser l’expert et contenant l’accord intervenu entre le débiteur et ses créanciers doit être déposé dans un délai de deux mois qui peut, exceptionnellement, être prorogé de 15 jours. Le débiteur doit en outre produite une déclaration sur l’honneur établissant qu’il remplit les conditions d’application du règlement préventif simplifié.

La décision de la juridiction compétente d’appliquer ou non le règlement préventif simplifié n’est susceptible d’aucune voie de recours.


La petite entreprise en situation de cessation de paiements qui souhaiterait bénéficier de la procédure de redressement judiciaire simplifiée, doit faire la déclaration prévue aux articles 25 et 26. Elle doit l’accompagner d’une déclaration sur l’honneur attestant qu’elle remplit les conditions d’application du redressement judiciaire simplifié, et déposer en même temps ou au plus tard dans les 45 jours[63], avec le concours du syndic, un projet de concordat.

Aux termes de l’article 145-4, le projet de concordat de redressement judiciaire peut se limiter à des délais de paiements, des remises de dettes ainsi qu’aux garanties éventuelles que le chef d’entreprise doit souscrire pour en assurer l’exécution. Ici, il n’est pas dressé de bilan économique et social comme dans le redressement judiciaire ordinaire.

Il convient de relever que si la décision d’appliquer au débiteur le redressement judiciaire simplifié n’est pas susceptible de recours, elle n’est pas non plus irrévocable dans la mesure où, au regard de l’article 145-7, à tout moment, jusqu’à l’homologation du concordat de redressement judiciaire, la juridiction compétente peut décider, par décision spécialement motivée, ce à la demande du débiteur, du syndic, du ministère public ou même d’office, de ne plus appliquer la procédure simplifiée[64].

Préalablement à l’homologation du concordat, précisément dans les quinze jours qui précèdent ladite homologation, le syndic doit en communiquer le projet à tous les créanciers par tout moyen laissant trace écrite. Si le projet de concordat comporte des remises de dettes et des délais de paiement au-delà de deux ans, l’accord de chaque créancier concerné est nécessaire, le défaut de réponse dans les quinze jours suivant la réception étant considéré comme un refus[65]. Ces réponses sont nécessaires pour la finalisation du projet de concordat définitif qui sera homologué dans les mêmes conditions que s’agissant du redressement judiciaire ordinaire (voir les conditions aux articles 126 & 127).


La petite entreprise éligible à la procédure simplifiée de liquidation des biens ne peut en bénéficier que s’il n’est pas propriétaire d’un actif immobilier[66]. Cela revient à dire que la réalisation d’actifs portera essentiellement sur les meubles.

Il n’est pas prévu l’intervention du juge-commissaire dans la liquidation simplifiée. De la sorte, dans la décision qui ordonne la liquidation simplifiée, sont déterminés les biens devant faire l’objet de la vente de gré à gré[67]. Le syndic procède à ladite vente dans un délai de 90 jours à l’issue duquel il faudra obligatoirement procéder à la vente aux enchères publiques.

La vérification des créances est allégée, car il n’est vérifié que celles susceptibles de venir en rang utile, ainsi que les créances salariales[68].

Aux termes de l’article 179-8, à l’issue des vérifications et admissions de créances, ainsi que la réalisation d’actifs, le syndic établit un projet de répartition qui est déposé au greffe. Tout intéressé peut en prendre connaissance et même le contester dans un délai de 10 jours à compter de la publicité. Le juge-commissaire statue sur les contestations élevées par une décision insusceptible de recours qui est notifiée aux créanciers intéressés. Puis suit la répartition par le syndic.

Dans les 120 jours au plus tard qui suivent la décision d’ouverture ou de liquidation simplifiée, la juridiction compétente rend une décision de clôture de la liquidation des biens, le débiteur entendu ou appelé. Ce délai peut, par décision spécialement motivée de la juridiction compétente, être prorogé pour une durée n’excédant pas 60 jours[69].

Tels sont là quelques éléments indicatifs, mais importants que nous avons bien voulu relever pour davantage souligner le caractère simplifié des procédures collectives appliquées à un type précis d’entreprises. A travers cette simplification, le législateur communautaire a consacré la souplesse et l’adaptabilité des procédures collectives aux réalités économiques, sociologiques et juridiques de l’espace OHADA. Il reste désormais aux destinataires à en faire bon usage.


Au terme des analyses que nous venons de mener, nous notons que le législateur communautaire OHADA a pris la mesure des enjeux inhérents à la compétitivité, à la survie et à la disparition des entreprises de l’espace OHADA. Il a clairement affiché et matérialisé sa ferme volonté de moderniser le paysage juridique des entreprises en difficultés afin de lui donner une plus grande lisibilité, indispensable à son assainissement et à la sécurité aussi bien des investisseurs que de tous les partenaires d’affaires. C’est dans la recherche de ce résultat que la Banque Mondiale dans son rapport évoqué plus soulignait que « un régime de faillite bien équilibré fonctionne comme un filtre, séparant les entreprises qui sont en difficulté financière mais qui sont économiquement viables, des entreprises inefficientes qui doivent être liquidées. En donnant aux entreprises efficientes la chance de repartir à zéro, la loi sur la faillite aide à maintenir un niveau global d’entreprenariat plus élevé au sein d’une économie. En laissant les entreprises inefficientes disparaître, elle favorise également une réallocation efficace des ressources »[70].




[1] Jean Marie NYAMA, OHADA, droit des entreprises en difficulté, CERFOD, Ed.2004, P.66
[2] Le débiteur devait déposer en même temps ou trente jours au plus tard une offre de concordat préventif, à peine d’irrecevabilité de sa requête.
[3] CCJA, arrêt n°50/2015 du 27 avril 2015, Aff. Banque Européenne d'Investissement C/ Sté FITINA SA, inédit.
[4] CCJA, arrêt n°023/2006 du 16 novembre 2006, Aff. SAFCA et SAFBAIL C/ Sté Air CONTINETAL, Recueil de jurisprudence de la CCJA n°8, P.27 
[5] L’article 6 de l’AUPC de 2015 a ramené ce délai à 3 ans à compter de l’homologation d’un précédent concordat et à 18 mois à compter de la fin d’un règlement préventif n’ayant pas abouti à un concordat préventif
[6] CCJA, arrêt n°083/2012 du 04 décembre 2012, Aff. Henry DECKERS C/ KABORE Aimé & Autres, Recueil n°19, P.87 
[7] Le nouveau texte de l'article 23 prévoit un délai, non d'un mois, mais de trente (30) jours. Le texte se borne à énoncer "la juridiction d'appel statue dans un délai de 30 jours à compter de sa saisine", alors que l'ancienne formulation de l'article 23 alinéa 2 était plus impérative "la juridiction d'appel doit statuer dans le mois de sa saisine".
[8] L’enjeu lié à la fixation de la date de cessation des paiements est de taille car c’est à partir de cette date que débute une période particulière, dite « période suspecte », au cours de laquelle, pour éviter que le dirigeant en difficulté dilapide son patrimoine, les actes qu’il accomplit sont nuls d’emblée ou susceptibles d’être annulés.
[9] CCJA, arrêt n°032/2011 du 08 décembre 2011, Aff. SOCALIB C/ Collectif des travailleurs de SOCALIB, Recueil n°17, P.68 
[10] CCJA, arrêt n°032/2011 du 08 décembre 2011, Aff. SOCALIB C/ Collectif des travailleurs de SOCALIB, Recueil n°17, P.68 : la juridiction saisie n’est pas obligée de requérir les services d’un expert pour enquêter sur la situation financière du débiteur « … que, d’autre part, nulle part les dispositions des articles 26, 27 et 32 de l’Acte uniforme ne font obligation à la juridiction saisie de requérir l’avis préalable d’un expert qualifié sur la situation financière de la société avant de statuer… »
[11] Il convient de distinguer le concordat de redressement du concordat préventif qui lui, est l’aboutissement du règlement préventif
[12] CCJA, arrêt n°022/2011 du 06 décembre 2011, Aff. Compagnie Cotonnière Ivoirienne (CCI) C/ TIEMOKO KOFFI et ALAIN GUILLEMAIN, Recueil n°17, P.57 
[13] Dr Souleymane TOE : Pratique judiciaire des procédures collectives OHADA, P. 321, Editions Temple du savoir, mai 2012
[14] Souleymane TOE op. cit. P.322 Le juge-commissaire entérine une répartition faite par le syndic suivant ses propres critères, en taxant ses frais et honoraires sans tenir compte de la valeur de chaque élément d’actif, alors que les articles 164 et 165 précisent que c’est le juge-commissaire qui ordonne, s’il y a lieu, la répartition des deniers entre les créanciers et en fixe la quotité en veillant à ce que les créanciers en soient avertis.
[15] Souleymane TOE op. cit. P.323
[16] Banque Mondiale : Doing business dans les Etats membres de l’OHADA 2012, P.77
[17] Rapport doing business op. cit. P.78
[18] Pr Dorothé C. Sossa, Secrétaire Permanant de l’OHADA : « la modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives » in DROIT & PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P.30
[19] Pr FILIGA Michel SAWADOGO : « les procédures de prévention dans l'AUPC révisé: la conciliation et le règlement préventif » in «  LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P.33
[20] Article 5-1 alinéa 3 AUPC « Toute personne qui a connaissance de la conciliation est tenue à la confidentialité »
[21] Françoise Perochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10è éd., 2014, P.64, n°91
[22] Toute personne physique exerçant une activité indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, toute personne morale de droit privé ainsi que toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé
[23] Françoise Perochon op. cit., P.74, n°120
[24] L’article 3 alinéa 3 dispose qu’il appartient à chaque Etat Partie de désigner la ou les juridictions qui sont seules compétentes pour connaître des procédures mises en place par l’AUPC
[25] Le débiteur seul pouvant demander la nomination d'un conciliateur dont il a la faculté d'en proposer un, conserve-t-il cette prérogative dans l'hypothèse d'une requête conjointe? Nous pensons qu'il conserve cette prérogative, mais les cosignataires de la requête ne chercheront-ils pas à l'exerce avec lui?
[26] Ordonnance rendue au bas de la requête présentée
[27] Ordonnance rendue contradictoirement, par exemple comme en matière de référé.
[28] Cette disposition s'apparente à celle en vigueur en matière d'arbitrage, précisément l'article 4 alinéa 4 du Règlement d'arbitrage de la CCJA qui dispose qu'en vertu de l'obligation d'information qui pèse sur l'arbitre, celui-ci est tenu de révéler les " faits ou circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties"
[29] Article 5-6 alinéa 2 & 3 AUPC
[30] Article 5-6 alinéa 3 AUPC
[31] Article 5-7 AUPC
[32]L'intervention éventuelle des créanciers justifie sans doute ici l'abandon de la disposition qui voulait que le débiteur indique dans la requête les créances pour lesquelles il sollicitait la suspension des poursuites individuelles.
[33] Article 6 alinéa 2 AUPC
[34] Le point réservé au montant du chiffre d’affaires et des bénéfices imposés des trois dernières années a été intégré à celui relatif aux états financiers de synthèse.
[35] Dans l’ancien AUPC, on parlait d’offre ou proposition de concordat, lequel pouvait être déposé jusqu’à trente jours après le dépôt de la requête. Désormais, tout es déposé concomitamment et le défaut des pièces énumérés aux 1 à 5 et 7, 8, 10 et 13 rend la requête irrecevable de plein droit.
[36] Aux termes de l'ancien article 14, le Président devait convoquer dans les huit jours du dépôt du rapport
[37] Dans l'ancien système, l'obligation pour la juridiction saisie de statuer dans le mois de la saisine n'était assortie d'aucune sanction ou conséquence de nature à la déterminer à vite se prononcer.
[38] CCJA, arrêt n°026/2015 du 09 avril 2015, Aff. BICICI C/ Sté DELBAU, inédit.
[39] Article 23 alinéa 1 AUPC
[40] L’article 4 de l’AUPC demande expressément à chaque Etat partie de prendre un texte d’application de cette disposition relative au mandataire judiciaire.
[41] En France, la profession de mandataire judiciaire est exercée sous la férule du Centre National des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires (CNAJMJ)
[42] Article 4-1 AUPC « nul ne peut être désigné en qualité d’expert au règlement préventif ou de syndic dans une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens s’il n’est inscrit sur la liste nationale des mandataires judiciaires »
[43] Rien n’interdit que les membres d’autres organisations professionnelles puissent être inscrits sur cette liste, notamment les avocats, les notaires etc… Cela se déduit d’ailleurs des articles 4-4, 2°) et 4-9 alinéa 2 de l’AUPC.
[44] Me Alain FENEON, « Des mandataires judiciaires mieux encadrés, pour une procédure plus efficace » in «  LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P.65
[45] Les mandataires judiciaires confondaient les actifs réalisés avec leurs poches et en arrivaient à ne jamais réaliser d’actifs visibles ou alors lorsqu’ils en avaient réalisés, ils les dilapidaient pour des paiements ou des charges pour le moins fictifs.
[46] Article 25 AUPC du 10 avril 1998.
[47] Article 25 alinéa 2 AUPC révisé
[48] Pascal NGUIHE KANTE, « Réflexions sur la notion d’entreprise en difficulté dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif OHADA » in LES GRANDS ARTICLES DE DOCTRINE DE L’OHADA PARUS AU RECUEIL PENANT DE 2000 A 2013, sous la direction de Alain Fénéon, Editions Juris Africa, P.257
[49] La réserve de crédit ou réserve d’argent est un crédit permanent, ou crédit revolving. C’est à dire une somme d’argent disponible en permanence dont l’emprunteur peut disposer librement. Plus précisément, la réserve de crédit est un crédit reconstituable et renouvelable chaque année qui ne coute rien tant qu’elle n’est pas utilisée.
[50] Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
[51] C. Cass. Com., arrêt du 27 fév. 2007, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017638049&fastReqId=667130627&fastPos=1
[52] Françoise Pérochon op. cit., P.178
[53] L’ancien article 27 lui prescrivait de déposer une offre de concordat dans les quinze jours au plus tard
[54] Article 33 AUPC
[55] Mamadou I. KONATE, « Le redressement et la liquidation mieux encadrés et plus rapides » in «  LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P.41
[56] Mamadou I. KONATE op. cit.
[57] Privilège de l’argent frais ou du « new money »
[58] Article 33-1 alinéa 1 AUPC
[59] Article 33-1 alinéa 2 AUPC
[60] Bakary DIALLO, « Des procédures adaptées aux petites entreprise : les procédures simplifiées » in «  LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P. 44
[61] Stéphanie KOUEMO, « L’OHADA et le secteur informel : l’exemple du Cameroun », Ed. Larcier, 2012, PP.216 & suiv
[62] Article 179-1 AUPC
[63] Le débiteur dispose de 60 jours pour déposer le projet de concordat dans le cas d’un redressement judiciaire ordinaire (article 27 AUPC)
[64] On peut légitimement se poser la question de savoir si cette décision spécialement motivée, qui renonce à l’application d’une procédure qui avait déjà probablement créé des droits, est également insusceptible de recours au même titre que celle, initiale et non motivée, de faire application ou pas du redressement judiciaire simplifié. Le fait que les différents protagonistes soient entendus est-il suffisant ou justifie-t-il qu’aucune voie de recours ne soit susceptible contre cette décision éminemment juridictionnelle ?
[65] Article 145-8 AUPC
[66] Article 179-1 AUPC
[67] Dans la liquidation judiciaire ordinaire, c’est le juge-commissaire qui ordonne la vente aux enchères ou autorise la vente de gré à gré.
[68] Article 179-7 AUPC
[69] Article 179-9 AUPC
[70] Banque Mondiale : Doing business dans les Etats membres de l’OHADA 2012, P.80