mardi 16 juillet 2013

JOURNEES DES BARREAUX DE KINSHASA GOMBE ET MATETE DES 10, 11 ET 12 JUILLET A KINSHASA

 Communication délivrée par Maître Jérémie WAMBO
AJ/CCJA/OHADA

LA SAISINE DE LA COUR COUMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE DE L’OHADA


L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires a été mise sur pieds par le Traité de Port-Louis en Ile Maurice le 17 octobre 1993, Traité révisé à Québec au Canada le 17 octobre 2008. Par la signature dudit Traité, les Etats signataires s’engageaient à élaborer et adopter des « règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre des procédures judiciaires appropriées et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels »[1].

Pour mener efficacement ces nobles objectifs qu’elle s’est assignés, l’Organisation s’est dotée d’un certain nombre d’institutions que sont la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement[2], le Conseil des Ministres, la Cour commune de justice et d’Arbitrage (CCJA) et le Secrétariat Permanent auquel est rattachée l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA). Toutefois, sur le terrain, sont plus visibles :

Le Secrétariat Permanent : c’est l’exécutif de l’Organisation. Aux termes de l’article 40 du Traité tel que révisé, « le Secrétariat Permanent est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est dirigé par un Secrétaire Permanent (…) Le Secrétaire Permanent représente l’OHADA. Il assiste le Conseil des Ministres… ». En outre, c’est le Secrétariat Permanent qui prépare, en concertation avec les gouvernements des Etats Parties, les actes uniformes qui sont par la suite soumis pour adoption au Conseil des Ministres après avis de la CCJA.

L’ERSUMA : elle est créée par l’article 41 du Traité en ces termes : « il est institué un établissement de formation, de perfectionnement et de recherches en Droit des Affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (E.R.SU.MA)… ». Cette école a pour missions de former, de recycler et de perfectionner les professionnels du Droit des Affaires. A cet effet, elle s’est dotée d’impressionnants moyens, à savoir une bibliothèque et un Centre de Recherches et de Documentation dotés d’équipements à la pointe de la technologie etc.…

La CCJA quant à elle qui fait l’objet de notre présentation est dans son essence même la juridiction suprême de l’organisation et à ce titre, elle assure, aux termes de l’article 14 du Traité, l’interprétation et l’application des Actes uniformes et Règlements pris en vertu du Traité, le but ultime étant d’uniformiser la jurisprudence communautaire.

Elle est aussi un centre d’arbitrage dont le rôle est de superviser les règlements des conflits par des arbitres qu’elle désigne, en organisant la procédure et en examinant avant leur prononcé les projets de sentences arbitrales[3]. Nous n’examinerons cependant pas dans le cadre de cette présentation cet aspect des activités de la CCJA qui du reste fait l’objet d’un article rédigé par nos soins et publié dans un numéro spécial de la Revue de l’ERSUMA[4].

L’article 13 du Traité indique que « le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats Parties ». En d’autres termes, les juridictions nationales sont chargées d’appliquer en instance et en appel la réglementation communautaire dans les matières relevant de la législation harmonisée. En cas de difficultés d’interprétation, d’application ou de pourvoi en cassation dans ces matières là, c’est la CCJA qui doit être saisie.

La mission de la CCJA comme juridiction est double, à savoir :

·        Donner des avis consultatifs
·        Statuer comme juridiction de cassation

Toutefois, pour que la CCJA puisse utilement jouer son rôle, elle doit être préalablement saisie. Cependant, les modes de saisine varient selon que l’on est en matière consultative (I) ou en matière contentieuse (II).

I - LA SAISINE DE LA CCJA EN MATIÈRE CONSULTATIVE

Le Traité de Port Louis tel que révisé énumère limitativement les personnes qui peuvent saisir la Cour en matière consultative (A). La procédure de saisine quant à elle est définie par le Règlement de procédure (B).

A – QUI PEUT SAISIR LA CCJA EN MATIÈRE CONSULTATIVE ?

Aux termes de l’article 14 alinéa 2 du Traité, « la Cour peut être consultée par tout Etat-Partie ou par le Conseil des Ministres sur toute question entrant dans le champ de l’alinéa précédent. La même faculté de solliciter l’avis consultatif de la Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ci-dessus ».
Il ressort de ce texte que les seuls organes compétents pour saisir la CCJA en matière consultative sont :

-         * Tout Etat Partie au Traité ;
-        *  Le Conseil des Ministres ;
-    * Toute juridiction nationale saisie en vertu de l’article 13 du Traité, c’est-à-dire toutes juridiction nationale appelée à appliquer le droit OHADA dans une cause à elle soumise ;

Par ailleurs, l’article 7 alinéa 2 du Traité prévoit que le Secrétariat Permanent de l’OHADA communique à la Cour pour avis les projets d’Actes uniformes accompagnés des observations des Etats Parties. L’avis sollicité ici doit l’être obligatoirement par le Secrétaire Permanent et n’est pas une simple faculté comme dans les autres cas.

Il résulte de cette énumération qu’aucune personne physique n’est habilitée à saisir la Cour en consultation, pas même les Avocats, Conseils des parties, ni les experts désignés pour éclairer l’office du juge, encore moins les enseignants d’universités. 

Le législateur communautaire n’a pas voulu élargir le champ des personnes pouvant saisir la Cour. Cette position permet que la Cour ne puisse être saisie que pour répondre à une préoccupation ponctuelle de façon à donner une solution ou un début de solution utile dans l’immédiat aussi bien pour le sollicitant de l’avis que pour la construction du droit communautaire. Nous pensons que tout élargissement aurait ouvert la porte à des demandes fantaisistes et même très théoriques, sans réel intérêt.

B – LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE CONSULTATIVE

Le déroulement de la procédure consultative est décrit par les articles 53 à 58 du Règlement de procédure de la CCJA. Il varie légèrement selon l’auteur de la demande d’avis (1) et se termine par un avis consultatif de la Cour (2).

1)    – La procédure consultative en elle-même

Lorsque la demande d’avis émane du Conseil des Ministres ou d’un Etat Partie, la Cour doit être saisie par une requête écrite. En effet, aux termes de l’article 54 du Règlement susvisé, « Toute demande d’avis consultatif émanant d’un Etat Partie ou du Conseil des Ministres est présentée par requête écrite. Cette requête formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est sollicité. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question ».

Le greffier en chef de la Cour notifie immédiatement la demande d’avis reçue aux autres Etats Parties pour leurs observations écrites, lesquelles doivent intervenir dans un délai fixé par le Président de la Cour. Ces observations sont à leur tour communiquées aux autres auteurs d’observations pour être éventuellement discutées « dans les formes, mesures et délais fixés dans chaque cas par le Président »[5].

Lorsque la demande d’avis émane d’une juridiction nationale, c’est la décision par laquelle cette juridiction sollicite l’avis qui est notifiée à la CCJA et qui la saisit. L’article 56 du Règlement susvisé dispose que « toute décision par laquelle une juridiction visée à l’article 14 du Traité sollicite un avis consultatif est notifiée à la Cour à la diligence de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de solliciter l’avis de la Cour pour rendre son jugement. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question ».

Il est question dans ce cas précis de solliciter l’éclairage de la Cour sur un aspect précis du droit communautaire, en vue d’avoir une réponse nécessaire à la solution du litige pendant devant la juridiction. La haute juridiction a d’ailleurs eu à préciser que « la demande d’avis émanant d’une juridiction d’un Etat partie doit être consécutive à un contentieux judiciaire pendant devant ladite juridiction nationale et sur lequel celle-ci a estimé nécessaire d’être éclairée par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA avant de rendre sa décision »[6]. Si la cause pour la solution de laquelle un éclairage est sollicité a déjà été tranchée et n’est plus pendante devant la juridiction qui sollicite l’avis, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu à avis[7].

Comme dans l’hypothèse précédente, le greffier en chef notifie la demande d’avis aux Etats Parties pour leurs observations. Il la notifie également aux mêmes fins aux parties en cause devant cette juridiction (article 57-1 Règlement de procédure). Les observations recueillies peuvent faire l’objet de discussions des parties et autres auteurs d’autres observations dans les conditions de forme et de délais fixées par le Président de la Cour.

Il se dégage que la Cour suscite la contradiction par les différentes observations qui sont recueillies, toute chose qui donne à l’avis à intervenir une presque garantie de justesse ou une présomption de vérité.

Un rapporteur est par la suite désigné par le Président qui doit faire le rapport et éventuellement préparer un projet d’avis qui pourras être discuté et adopté, puis prononcé en audience.

2)    – L’avis consultatif de la Cour

Aux termes des procédures ci-dessus décrites, le Président de la Cour décide s’il y a lieu à audience. En d’autres termes, il décide de l’opportunité pour la Cour de se réunir pour délivrer son avis en audience publique.

Force est de constater que tous les avis émis par la Cour depuis son installation jusqu’à nos jours l’ont été en audience publique. Il en résulte que la tenue d’audience est automatique en matière d’avis consultatif de la Cour[8].

Aux termes de l’article 58 du Règlement de procédure, la Cour rend un avis consultatif qui contient :

·       *  L’indication qu’il est rendu par la Cour ;
·        * La date du prononcé ;
·       *  Les noms des juges qui y ont pris part, ainsi que celui du greffier ;
·        * L’exposé sommaire des faits ;
·       *  Les motifs ;
·       *  La réponse à la question posée à la Cour.

L’avis ainsi donné par la Cour n’est que consultatif et ne lie même pas l’auteur de l’avis qui peut passer outre. Mais comme le précise Monsieur MAÏDAGI MAÏNASSARA, ancien juge de la CCJA et ancien Premier vice président de la Cour « on peut penser que le demandeur d’avis a intérêt à en tenir compte car si un litige naissait et que l’affaire arrive par la voie de la cassation devant la CCJA, on voit mal cette dernière se déjuger en rendant une décision contraire à son avis. A moins que le dossier ne soit suffisamment illustratif au regard de certaines de ses pièces qui n’étaient pas à la disposition de la Cour au moment où elle émettait son avis »[9].

Il convient de relever que la Cour est de moins en moins saisie de demandes relatives à l’interprétation et l’application des Actes uniformes. C’est du reste ce qui explique le nombre réduit d’avis émis jusqu’ici. En effet, la Cour a émis :

-         Trois avis à la demande des juridictions nationales ;
-         Six avis à la demande des Etats Parties ;
-         Les avis sur tous les actes uniformes actuellement en vigueur.

Mais c’est surtout en matière contentieuse que la Cour est très active et productive, comme en témoignent les décisions rendues à ce jour.


II – LA SAISINE DE LA COUR EN MATIERE CONTENTIEUSE[10]

La procédure contentieuse commence par l’introduction du recours (A) et s’achève par son jugement (C), en passant par son instruction (B).

A – L’INTRODUCTION DU RECOURS

Aux termes de l’article 28-1 du Règlement de procédure de la Cour, le recours en cassation doit être introduit au greffe de la Cour « dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’avocat du requérant… ». A ce délai de deux mois doit s’ajouter celui prévu par l’article 25 du même Règlement, qui est fonction de la distance[11], donc de l’éloignement du plaideur par rapport au siège de la Cour. En outre, les délais prévus sont francs et ne prennent par conséquent en compte ni le jour au cours duquel survient l’acte, l’événement, la décision ou la signification, ni le dernier jour au cours duquel expire le délai. Le délai peut néanmoins être suspendu dans des cas exceptionnels, comme récemment en raison des événements sociopolitiques en Côte d’Ivoire[12].

La CCJA tire les conséquences du non respect du délai en déclarant irrecevables les recours formés hors délai. C’est ainsi que saisie dans une cause, elle a jugé que : «  l’arrêt n°532 rendu le 12 décembre 2002 par la Cour d’Appel de Dakar a été signifiée le 24 avril 2003 ; que ce jour étant exclu dans la computation du délai de deux mois accordé au GIE … pour former son pourvoi, ledit délai qui avait commencé le 25 avril 2003 et expiré normalement le dimanche 25 juin 2003 était prorogé jusqu’au prochain jour ouvrable, le 26 juin 2003 ; d’où il suit que le pourvoi formé le 24 avril 2003, mais enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 juin 2003, doit être déclaré irrecevable »[13].

En outre, le fait que la Cour soit saisie sur renvoi d’une juridiction nationale en application de l’article 15 du Traité ne dispense pas du respect du délai impératif de deux mois sus évoqué. C’est du moins ce qu’elle a tenu à préciser en indiquant que : « les pourvois en cassation portés devant la Cour de céans sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation sont instruits conformément aux dispositions des articles 23 à 50 de son Règlement de procédure ; attendu qu’en application des dispositions ci-dessus, le requérant disposait pour présenter son recours au greffe, d’un délai de deux mois ayant pour point de départ le 05 août 2002 ; que sons recours ayant été présenté au greffe le 09 janvier 2003 soit plus de cinq mois après la signification de l’arrêt attaqué, il suit qu’il doit être déclaré irrecevable… »[14].

Il convient de souligner que le fait que le point de départ du délai du recours court à compter de la signification de la décision attaquée ne fait pas de ladite signification une condition de recevabilité du pourvoi. En effet, un recours introduit avant même la signification de la décision est recevable devant la haute juridiction. Ledit recours doit être accompagné de certaines pièces énumérées par l’article 28 ci-dessus évoqué.
les pièces à produire à l’appui du recours sont énumérées dans les articles 23 et 28 du Règlement de procédure de la Cour (1). D’autres pièces non énumérées par le Règlement, mais invoquées par les parties doivent être produites (2). Enfin le défaut de production est sanctionné par la Cour (3).

1) – Nomenclature des pièces accompagnant le recours

Les documents accompagnant le recours en cassation se résument entre autres :
·        au recours en cassation lui-même, contenant les nom et domicile du requérant, les noms et domiciles des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et de leur avocat, les conclusions du requérant et les moyens invoqués à l’appui de ces conclusions ;
·        à la décision[15] de la juridiction nationale qui fait l’objet du recours ;
·        à l’exploit de signification de la décision attaquée à la partie adverse[16] : Cette pièce est à notre sens facultative (d’autant plus qu’il est simplement demandé de mentionner la date de la signification), mais revêt toute son importance dans l’hypothèse où il faut démontrer que le recourant a agi hors délai.
·        aux statuts ou à un extrait récent du registre de commerce ou preuve de son existence juridique lorsqu’il s’agit d’une personne morale[17] ;
·        au mandat spécial donné à l’Avocat[18] : le mandat en question n’est soumis à aucune forme particulière et peut être librement formulé, l’essentiel étant de faire ressortir la mission confiée à l’avocat qui est celle d’agir en lieu et place de la partie à la CCJA. C’est du moins la substance de la réponse donnée par la Cour à une fin de non recevoir d’un recours soulevée par un défendeur au pourvoi et tirée de ce que le mandat spécial donné à l’avocat ne comportait pas la formule « bon pour acceptation » reproduite en manuscrit[19]
·        à l’indication d’un domicile élu au lieu où la Cour a son siège, notamment en précisant le nom de la personne qui est autorisée et qui a consenti à recevoir toutes significations[20].
·        à la preuve de la qualité d’Avocat  du Conseil constitué

Sur ce dernier point précis, un éclairage s’impose. En effet, l’article 23-1 du Règlement de procédure dispose que : « … est admis à exercer ce ministère toute personne pouvant se présenter en qualité d’Avocat devant une juridiction de l’un des Etats Parties au Traité. Il appartient à toute personne se prévalant de cette qualité d’en apporter la preuve à la Cour … ». Ceci revient à dire que l’Avocat doit fournir la preuve de son inscription à un Barreau d’un Etat Partie au Traité. Cette preuve peut être fournie, non par la présentation d’une carte professionnelle, mais par la production d’une attestation d’inscription, laquelle devrait être récente, pour permettre aux sanctions disciplinaires infligées dans l’intervalle à certains Conseils, le cas échéant, de produire leur plein effet.

Par ailleurs, la CCJA étant une juridiction de cassation, doit-on en tenir compte pour écarter ou refuser les recours des Avocats qui ne sont pas admis à plaider en cassation dans leur Etat en raison de leur législation[21]? La réponse à cette question est forcément négative, pour la simple raison que le texte ci-dessus qui ne fait aucune distinction entre Avocats exige juste de prouver sa qualité d’avocat, d’une part. Il est de principe que là où la loi ne distingue pas l’on ne peut distinguer, d’autre part. Enfin, les dispositions de la loi nationale contraires à la loi supranationale qu’est le Règlement de procédure de la CCJA ne sauraient prévaloir.

2)    – Les pièces invoquées par les parties

Bien que la CCJA soit une juridiction de cassation, la procédure n’est pas assise uniquement sur les pièces exigées au dépôt du recours. Il arrive très souvent qu’une partie invoque une pièce non énumérée au rang de celles devant être produites à l’appui du recours, mais déterminante pour éclairer la religion du juge. C’est par exemple le cas lorsqu’une partie contestant une décision qui a validé une saisie attribution contestée ne produit pas au dossier de procédure le procès-verbal de ladite saisie. Ou encore la partie qui invoquant une forclusion s’abstient de produire tout document ou acte susceptible de l’attester.
Il est évident que ces pièces ne figurent pas au nombre de celles dont le défaut de production peut entraîner la sanction envisagée à l’article 28 ci-dessus, à savoir l’irrecevabilité.
3)    – Sanction du défaut de production de pièces

La sanction attachée au défaut de production de pièces varie selon que la pièce est énumérée au nombre de celles des articles 23 et 28 du Règlement de procédure, ou simplement invoquée par une partie.

En effet, la production de la première catégorie de pièces est une condition même de la régularité ou de la conformité du recours, si bien que le défaut de l’une d’elles constitue un obstacle à la recevabilité même du recours. Mais avant d’en arriver là, le Greffier en Chef de la Cour doit inviter la partie défaillante à faire le nécessaire dans un délai précis. C’est du moins le sens de l’article 28-5 du Règlement de procédure qui précise que : « si le recours n’est pas conforme aux conditions prévues au présent article, le Greffier en chef fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées ci-dessus. A défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, la Cour décide de la recevabilité du recours ».

En clair, la Cour ne décide pas de la recevabilité d’un recours non conforme avant d’en avoir donné l’occasion de régularisation à la partie concernée par l’intermédiaire du Greffier en chef qui très souvent accorde un délai d’un mois pour réparer l’anomalie.
La Cour a toujours déclaré irrecevables les recours lorsqu’invitées à les régulariser les parties concernées s’en sont abstenues[22]. La Cour est d’autant plus rigoureuse qu’elle déclare même irrecevable le recours non signé de la main de l’Avocat constitué. Ainsi, dans une espèce, elle a soutenu que « Monsieur … n’ayant pas donné suite à la lettre précitée de Monsieur le Greffier en chef de la Cour de céans à lui envoyée il y a lieu de considérer que le présent recours dépourvu de la signature de l’avocat prétendument constitué n’a pas été régulièrement formé et doit être déclaré irrecevable »[23]. Il est vrai que l’article 27-1 du Règlement de procédure indique que « l’original de tout acte de procédure doit être signé par l’avocat de la partie », mais il ne prévoit aucune sanction en cas de défaut de signature. Nous pensons que la sanction d’irrecevabilité se justifie amplement lorsqu’on sait qu’invitée à régulariser son recours, la partie concernée n’a pas cru devoir s’y conformer. Il est évident que dans ces circonstances, les recours n’ont même pas pu être examinés.

Cependant, tel n’est pas le cas lorsque les pièces invoquées n’ont pas été produites. En effet, si une pièce invoquée dans le recours n’est pas produite, la Cour peut (c’est une faculté), à défaut d’en tirer les conséquences et statuer, solliciter sa production par l’intermédiaire du Greffier en chef qui adresse une correspondance dans ce sens et impartit un délai pour la production. Mais la carence de la partie sollicitée pour production de la pièce ne saurait entraîner l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où la défaillance concerne le fond. Elle peut simplement entraîner le rejet du recours s’il s’agit du recourant, ou fonder la cassation  s’il s’agit du défendeur au pourvoi incapable de consolider une situation à lui acquise par la décision attaquée, cette circonstance mettant la Cour dans l’impossibilité d’exercer son contrôle. C’est pourquoi il est important de lister les pièces importantes et déterminantes dans la cause, après les avoir visées dans le rappel des faits et les développements subséquents.

A contrario, dans une espèce, la Cour avait déclaré irrecevable un recours, motif pris de ce que le recourant avait produit pour la première fois en cassation des pièces qui n’avaient pas été produites et discutées devant les juges d’instance. Elle avait notamment précisé que « à aucun moment, dans l’arrêt attaqué, il n’est fait état des Imprimeries X… ni dans les prétentions des parties, ni dans la motivation du juge d’appel ; que dès lors, il apparaît manifestement clair que les éléments liés aux Imprimeries X… dont se prévaut Mme Y… constituent des pièces nouvelles présentées pour la première fois en cassation alors qu’elles n’ont pas été débattues devant les juges du fond ; qu’il est de principe qu’il n’est pas permis aux parties de produire en cassation des pièces qui n’ont pas été soumises au juge du fond et que seule la solution légale donnée et les moyens débattus devant les premiers juges sont examinés ; que dans ces conditions, le pourvoi doit être déclaré irrecevable comme mélangé de fait et de droit »[24]. Cette décision quelque peu critiquable à notre avis paraît avoir été inutilement sévère, dans la mesure où, à notre sens, c’est le moyen fondé sur les pièces nouvellement produites (et qui forcément est mélangé de fait et de droit) qui devait être déclaré irrecevable, et entraîner le rejet du recours comme non fondé, et non son irrecevabilité.

 Le cas particulier du recours fondé sur l’article 18 du Traité

Le recours prévu par l’article 18 du Traité OHADA est un recours comme les autres, mais qui présente la particularité d’être dirigée contre une décision d’une juridiction nationale de cassation dont on sollicite précisément l’annulation. En effet, le texte dispose « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale de cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée… ». Il découle de cette disposition que la haute Cour ne peut valablement statuer que si trois conditions cumulatives sont remplies :

·        Il doit s’agir d’une décision d’une juridiction nationale de cassation.
·        La matière doit relever des ou d’un acte uniforme
·        Le recourant doit avoir soulevé en vain l’incompétence de la juridiction nationale de cassation qui est passée outre.

L’article 52 du Règlement de procédure décrit sommairement la procédure à suivre par le requérant qui doit déposer son recours au greffe de la Cour, lequel recours est immédiatement signifié à toutes les parties devant la juridiction nationale. Ces dernières doivent déposer au greffe dans les trois mois un mémoire, lequel est communiqué à nouveau au requérant.

Cette procédure est pratiquement identique à celle du recours en cassation, avec la particularité cette fois que le Président de la Cour « décide s’il y a lieu à audience » (art.52-3). On ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’opportunité de cette disposition dans la mesure où la Cour, appelée à statuer par arrêt, doit forcément vider sa saisine en audience publique au terme de cette procédure au demeurant contradictoire.

La juridiction communautaire veille d’entrée de jeu à ce que les conditions d’exercice de ce recours soient remplies et n’hésite pas à sanctionner d’irrecevabilité les recours qui ne s’y conforment pas. Dans une espèce, elle a jugé que : « il est constant, comme résultant de l’examen des pièces de la procédure, que si l’incompétence du Président de la Cour Suprême a été soulevée par la Sté X… Lors de l’examen de la demande de liquidation d’astreinte, elle l’a été non pas parce que la Sté X … a estimé que l’affaire soulève une question relative au contentieux de l’application des Actes uniformes et Règlements de l’OHADA, mais plutôt parce qu’elle a considéré que l’affaire relève de la compétence du juge du fond et non de celle du juge des référés ; qu’il suit que le recours formé par la Sté X … ne répond pas aux conditions énumérées aussi bien par l’article 14 que par l’article 18 du Traité susvisé ; qu’il échet en conséquence de déclarer ledit recours irrecevable »[25].

Force est de constater que jusqu’ici, les irrecevabilités prononcées ont été tirées du défaut pour le recourant d’avoir préalablement soulevé l’incompétence de la juridiction de cassation[26], ou simplement d’avoir justifié qu’il avait soulevé cette incompétence en vain[27]. Cependant, dans une espèce où les conditions n’étaient pas réunies, la haute Cour s’est plutôt déclarée incompétente, après avoir indiqué que : « s’il est vrai que Maître … a soulevé l’incompétence du Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire lors de l’audience de référé qui a abouti à l’Ordonnance n°077/06 du 02 octobre 2006 dont elle demande, conformément à l’article 18 susvisé, l’annulation par son recours, il s’avère, d’une part, que ladite ordonnance n’a pas été rendue par une juridiction statuant en cassation et, d’autre part, qu’elle n’a pas statué sur une demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire comme prévu à l’article 49 (…) ; qu’il échet de se déclarer incompétent »[28].

Lorsque le recours en vertu de l’article 18 du Traité remplit les conditions exigées, la Cour prononce l’annulation de la décision déférée, en application des articles 18-3 et 52-4 qui indiquent à l’unisson que : « si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ». C’est ce qui transparaît de l’arrêt n°047/2009 du 12 novembre 2009 de la CCJA in Recueil CCJA n°14, P.39 dans une affaire au sujet de laquelle la Cour Suprême de Guinée avait cru devoir statuer dans une cause relative à l’application de l’Acte uniforme sur les sûretés, malgré le déclinatoire de compétence soulevé par une partie[29].

De même, dans une autre espèce, la CCJA a déclaré nul et non avenu l’arrêt d’une Cour Suprême qui malgré le déclinatoire de compétence soulevé, avait retenu sa compétence prétextant de ce que « si l’article 14 alinéa 1er du Traité OHADA dispose que la CCJA assure dans les Etats Parties l’interprétation et l’application dudit Traité, des Règlements pris pour son application et des Actes uniformes, il en est autrement lorsque la juridiction nationale de cassation est saisie d’un pourvoi soulevant à la fois des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme et d’un texte de droit interne ; qu’en l’espèce, le demandeur au pourvoi ayant invoqué la violation de l’article 49 alinéa 1er de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution et de l’article 3 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative Ivoirien comme moyens de cassation, la Chambre Judiciaire doit retenir sa compétence »[30]. Cette décision a été déclarée nulle et non avenue par arrêt n°038/2008 rendu la 17 juillet 2008 par la haute Cour[31].

En définitive, contrairement au recours en cassation, il n’est pas permis à la Cour ici d’évoquer après annulation, la partie y ayant intérêt devant introduire un recours en cassation en bonne et due forme. L’article 52-4 du Règlement de procédure le dit de manière péremptoire « … Toute partie devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité et aux articles 23 à 50 du présent Règlement », et rencontre échos dans la jurisprudence de la haute Cour qui « … Déclare en conséquence nul et non avenu l’arrêt n°252 du 08 mai 2003 rendu par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ; Dit qu’il n’y a pas lieu à évocation et renvoie les parties à se conformer aux dispositions de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA »[32]

B - L’INSTRUCTION DU RECOURS

L’instruction du recours est menée de bout en bout par le Greffier en chef de la Cour qui doit entre autres s’assurer de sa conformité, et par le Président de la Cour. L’intervention prépondérante du Greffier en chef à ce niveau a fait dire à un expert que « le greffier en chef, dans l’appréciation de la conformité du recours, devient un juge de la mise en état… »[33].

L’instruction se fait en deux étapes simples : la réception du dossier par le Greffier en chef (1) et la supervision des échanges des écritures et pièces par les parties (2).

1 – La réception du recours par le Greffier en chef

L’article 28-1 et 23-1 combinés du Règlement de Procédure précisent que le recours est déposé au greffe de la Cour par l’avocat du requérant  muni d’un mandat spécial dans les deux mois de la signification de la décision attaquée. Ledit recours est ensuite signifié à toutes les parties à la procédure devant la juridiction nationale, par les soins du Greffier en chef (art. 29).

Toutefois, le Greffier en chef ne peut signifier le recours s’il n’est pas conforme. Autrement dit, si le recours n’a pas été introduit conformément à l’article 28 susvisé, il se doit d’inviter le recourant comme le lui recommande ce texte, à le régulariser dans un délai qu’il indiquera, et ce n’est qu’après cette régularisation qu’il pourra procéder aux notifications d’usage.

Sur ce point précis de l’invitation du requérant à régulariser son recours, il convient de faire observer que cela a été et demeure une source de lenteur des procédures à la Cour. En effet, la possibilité de régularisation des recours est une porte ouverte à la chicane ou au dilatoire, car des parties peuvent déposer des recours incomplets sachant bien qu’il leur sera demandé de les régulariser, ce qui leur permettra de gagner du temps. Cela est d’autant plus préoccupant que s’agissant d’une institution judiciaire dont les principaux animateurs sont disséminés aux différents points du continent, les délais à octroyer tiennent compte des distances, toute chose qui rallonge le temps de traitement des dossiers.

Il est tout de même préoccupant que malgré cette possibilité de régularisation, la Cour, du fait des parties elles-mêmes, rend et continue de rendre des décisions d’irrecevabilité pour non production par les requérants de certaines pièces exigées par l’article 28. Certes, dans la quasi-totalité des cas, les parties ont été invitées en vain par le Greffier en chef à l’effet de régulariser leur recours. A notre avis, un contrôle rigoureux des pièces au moment du dépôt du recours, avec à la clé le refus systématique de tout dossier non-conforme, permettrait de faire l’économie de ce temps perdu à attendre la régularisation, rendant du même coup inutile de l’article 28-5.

Le Greffier en chef fixe une consignation[34] à payer au greffe par le requérant. Cette consignation permettra de faire face aux différents frais que nécessiteront les significations des recours et autres pièces aux autres parties. Cette consignation qui pour l’instant est de FCFA 30 000, est insignifiante[35] pour faire face aux frais nécessités par la procédure, notamment les envois recommandés avec accusé de réception[36], absolument indispensables pour prouver que les parties ont été touchées par les notifications, étant de plus en plus chers.

Il faut noter que cette consignation est due aussi bien lorsque la Cour a été saisie directement par une partie que lorsqu’elle a été saisie sur renvoi d’une juridiction nationale de cassation, cette circonstance n’ayant aucune incidence sur l’instruction du recours.

2 – La signification du recours et les échanges[37] d’écritures et pièces

Le Greffier en chef signifie le recours conforme aux autres parties au moyen de la consignation ci-dessus indiquée, aux adresses des défendeurs telles qu’indiquées dans le recours.

La partie qui reçoit du Greffier en chef signification du recours déposé à la Cour dispose d’un délai de trois mois à compter de ladite réception, augmenté des délais de distance, pour faire parvenir à la Cour son mémoire en réponse. Ce mémoire qui doit obligatoirement être déposé par un avocat muni d’un mandat spécial[38], doit contenir aussi élection de domicile au lieu où siège la Cour à Abidjan, l’indication de la date à laquelle le recours lui a été signifié, les conclusions et les moyens ainsi que les autres pièces énumérées à l’article 28-3.

Il est important d’indiquer que le mémoire en réponse doit en effet répondre point par point et de manière précise aux différents moyens articulés et développés par le demandeur au pourvoi. Si le défendeur au pourvoi a une fin de non recevoir à opposer au requérant, il doit le faire dès le dépôt de son mémoire. L’article 32-1 précise que « toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité du recours doit être présentée dans le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanant de la partie soulevant l’exception… ». La partie qui ne se conforme pas à cette exigence voit son exception déclarée irrecevable comme tardive. Tel a notamment été le cas dans une cause où la Cour a retenu que « si le mémoire en réponse est parvenu à la Cour de céans le 20 janvier 2003, soit dans le délai requis, ledit mémoire ne s’est limité qu’à répondre aux moyens du pourvoi sans soulever une quelconque exception de procédure ; que l’exception d’irrecevabilité soulevée ne l’a été que dans le mémoire en duplique daté du 06 juin 2003 et reçu au Greffe de la Cour de céans le 10 juin 2003 ; qu’en application des dispositions sus énoncées de l’article 32.1, la SGBC aurait dû présenter l’exception d’irrecevabilité du présent pourvoi qu’elle soulève dans le délai à lui imparti par la Cour de céans pour le dépôt de sa première pièce de procédure… »[39]. Mais la Cour, qui n’est pas tenue de répondre immédiatement à l’exception, peut la joindre au fond par arrêt avant-dire-droit[40], bien que l’article 17 du Traité dispose que « l’incompétence manifeste de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut être soulevée d’office ou par toute partie au litige in limine litis. La Cour statue dans les trente jours ».

Pour éviter de tomber dans certains travers, la meilleure approche lorsqu’il faut répondre à un recours consiste à examiner au préalable si toutes les conditions de compétence de la Cour, ainsi que celles de recevabilité dudit recours ont été remplies. Si certaines conditions font défaut ou n’ont pas été observées, on les soulève et on axe les premiers développements là-dessus, en sollicitant l’incompétence ou l’irrecevabilité du recours. Si par contre toutes les conditions ont été observées, on passe au fond pour peaufiner son argumentaire. Ce n’est que lorsque ces problèmes sont évacués que les écritures peuvent être prises sur l’ensemble du dossier, notamment sur le fond, puis transmises à la Cour. Un mémoire ficelé de cette façon n’aura plus besoin d’être appuyé par des répliques.

En somme, s’agissant du mémoire en réponse, le formalisme paraît moins important ici, puisqu’il est simplement question de répondre aux moyens de l’adversaire qu’on peut même balayer d’un revers de la main s’ils ne sont pas pertinents. Mais une question non moins importante s’impose : est-il possible, à la lecture des moyens du requérant, de former par ses écritures un pourvoi incident ?

Le Règlement de procédure est muet sur la question. Mais nous pensons que rien n’interdit au défendeur au pourvoi de former dans son mémoire en réponse un pourvoi incident dont la Cour décidera de la recevabilité.

Au reçu par le Greffier en chef du mémoire en réponse, ce dernier le signifie à nouveau à la  partie requérante, cette fois par l’intermédiaire de son domicile élu au lieu du siège de la Cour lorsque cette partie réside en dehors dudit siège. Celle-ci dispose dès lors d’un délai de 15 jours à compter de la réception pour, si elle l’estime utile, solliciter de Monsieur le Président de la Cour l’autorisation d’y répliquer.

Si dans le délai de 15 jours à elle imparti cette partie ne sollicite pas l’autorisation de déposer des répliques[41], elle ne pourra plus le faire et le dossier est censé être en état.
Si par contre elle sollicite l’autorisation dans ledit délai, deux situations possibles peuvent se présenter :

-         le Président refuse d’autoriser le dépôt des répliques, pour une raison ou pour une autre. Dans ce cas, le dossier est censé être en état de recevoir une décision et il est dès lors introduit dans le circuit de traitement à décrire ci-dessous.
-         Le Président autorise la partie concernée à déposer des répliques. Dans ce cas, il lui impartit un délai pour le faire, naturellement augmenté des délais de distance. Ce délai est très souvent de 15 jours à compter de la réception de l’autorisation, laquelle autorisation est accordée par simple lettre[42] adressée à cette partie.

Le même cheminement ci-dessus décrit est observé par le Greffier en chef lorsqu’il reçoit le dépôt des répliques. Il doit en effet les notifier à l’autre partie et lui impartir 15 jours pour faire savoir si elle entend déposer des dupliques et auquel cas solliciter l’autorisation du Président de la Cour à cet effet, lequel procède comme il vient d’être dit plus haut.

Il convient de faire observer que de l’article 31-1 du Règlement de procédure donne la latitude au Président de la Cour d’autoriser, d’office, le dépôt de mémoire en réplique ou en duplique ou tout autre mémoire, lorsqu’il le juge nécessaire. A notre avis, cette disposition est difficile à mettre en pratique, dans la mesure où il faudra impérativement compulser chaque fois, voire étudier le dossier de procédure en vue d’apprécier la nécessité de déposer de nouvelles écritures. C’est sans doute la raison pour laquelle le Président n’autorise les dépôts de nouvelles écritures qu’à la demande des parties, ceci participant du souci d’avoir le plus d’éléments possibles pour rendre des décisions qui reflètent l’application stricte et éclairée du droit.

Au-delà de toutes considérations, il est important de s’interroger sur l’opportunité de tels échanges qui revêtent les apparences d’un jeu de ping-pong lorsqu’on sait que le dossier qui arrive à la Cour a déjà été suffisamment instruit en instance et ne recèle pratiquement rien de nouveau, toute chose qui rend inutile une nouvelle et interminable instruction. Il est question pour les parties en cassation, en effet, de contester pour l’une la décision qui a été rendue, notamment en indiquant en quoi elle a violé les textes, et pour l’autre de démontrer qu’il a été bien jugé. Pour ce faire, les écritures déposées en une seule fois par les parties doivent contenir le maximum d’éléments pouvant permettre à la haute juridiction d’exercer son contrôle sur la décision attaquée, sans avoir besoin de production d’informations complémentaires ou de nouvelles écritures. De la sorte, toute partie qui ne mettra pas la Cour dans la possibilité d’exercer pleinement son rôle verra celle-ci en tirer toutes les conséquences de droit. Ceci permettra à la Cour d’éviter de se rendre complice, à son insu, de dilatoires dont le but inavoué est de paralyser l’aboutissement de procédures dont le sort est parfois déjà scellé depuis longtemps. D’autant plus que si la Cour autorise une partie à déposer des répliques, il serait illogique, voire attentatoire au principe du contradictoire de refuser à l’autre partie l’autorisation de déposer des dupliques.

Par ailleurs, nous pensons raisonnablement que pour éradiquer définitivement les lenteurs occasionnées par les significations et autres communications entre les parties et le Greffier en chef, il conviendrait de les supprimer purement et simplement, et mettre en place un nouveau mécanisme qui permet aux parties d’échanger entre elles les écritures et pièces contre décharges qu’elles déposent à la Cour.

Concrètement, il est possible d’exiger que tout recours ne soit déposé qu’avec la preuve qu’il a été préalablement signifié à l’autre partie et les pièces communiquées. Cette autre partie disposerait alors d’un délai à compter de cette signification pour déposer à la Cour un mémoire en réponse. Cela est d’autant faisable que les parties très souvent relèvent de la même nationalité et ont des avocats qui appartiennent au même Barreau et qui peuvent se faire des significations et communications plus simplement sans avoir à passer par la Cour. Ainsi, les recours auront toutes les chances d’être en état dès leur dépôt, ou en tout cas ne mettront plus autant de temps qu’actuellement pour être en état.
C - LE JUGEMENT DU POURVOI

Cette phase est celle qui voit le prononcé de la décision de la Cour. Elle comporte deux étapes, à savoir l’examen du dossier et la rédaction du rapport (1), et le prononcé en audience publique de l’arrêt de la Cour (2).

1 – La rédaction du rapport

Après l’attribution du dossier à une chambre, le rapport du juge-rapporteur  désigné par le Président de la chambre concernée rédige un rapport (b), lequel est précédé par une note juridique rédigée par l’Assistant Juriste Référendaire (a) qui épluche le dossier en premier[43].
a – La rédaction de la note juridique par l’assistant juriste

La fonction d’Assistant Juriste Référendaire[44], qui n’existe formellement ni de part le Traité, ni de part le Règlement de procédure de la Cour, mais qui est d’une importance capitale dans le processus de traitement des recours, a été créée pour permettre un travail en amont destiné à alléger le travail de la Cour. En effet, le Président désigne aussi un Assistant Juriste chargé d’étudier le dossier, de faire des recherches documentaires, doctrinales et jurisprudentielles et de rédiger une note juridique. Cette note juridique doit ressortir :

-         l’esquisse des faits de la cause et la procédure suivie ;
-         les moyens de cassation et de réponse des parties ;
-         les problèmes juridiques auxquels la Cour doit répondre ;
-         le cas échéant, la jurisprudence antérieure de la Cour se rapportant aux cas similaires ;
-         les diverses propositions de solutions.

Ce travail de fourmis, indispensable pour un traitement efficient du dossier, permet de réduire considérablement le temps mis par le juge rapporteur à ficeler son rapport et partant le temps mis par la Chambre à préparer la décision.

Il est signaler qu’il a été aussi assigné aux Assistants Juristes par la Manuel des procédures actuellement en vigueur au sein de l’Institution la tâche d’assister le Greffe dans la mise en état des dossiers. S’il est vrai que l’Assistant Juriste n’est pas formellement associé à la mise en état des dossiers, il faut tout de même noter que dans le travail qu’il fait en amont, il relève les irrégularités, lorsqu’il y en a et saisit le Greffier en chef qui, en vertu de l’article 28.5 du Règlement de procédure, invite la partie concernée à régulariser son recours. Entretemps, le dossier qui était déjà entre les mains d’un Assistant Juriste est soit retourné au greffe en attendant l’accomplissement de la diligence, soit simplement mis en instance.

Nous ne pouvons nous abstenir de relever sur ce point précis une autre porte ouverte au dilatoire, dans la mesure où, quand bien même le Greffier en chef en demandant de régulariser le recours, impartit un délai pour le faire, cela intervient lorsque l’instruction est pratiquement close, très souvent une, deux ou trois années auparavant. D’où l’impérieuse nécessité de relire cette disposition du Règlement de procédure et supprimer entre autres l’alinéa 5.

La note juridique de l’Assistant Juriste rendue, le dossier est retourné au Greffe qui est chargé de le transmettre à nouveau au Président de chambre pour remise au Juge-rapporteur.
b – Le rapport du juge-rapporteur

Le juge-rapporteur est celui désigné par le Président de la Cour pour le traitement d’un dossier précis. Aux termes de l’article 24-2 du Règlement Intérieur de la Cour en matière contentieuse « pour chaque dossier, le Président désigne un juge-rapporteur. Celui-ci fait une analyse du dossier dont il présente les résultats sous forme d’un Rapport accompagné d’un projet d’Avis ou d’Arrêt ».

En effet, l’article 9 du Règlement de Procédure précise que la Cour siège en formation plénière, mais peut également se constituer en Chambres[45] de trois ou cinq juges présidées par le Président de la Cour ou l’un des Vice-présidents. Pour l’heure, la CCJA fonctionne avec trois Chambrées présidées, la première par le Président de la Cour lui-même, la deuxième par le Premier Vice-président et la troisième par le Deuxième Vice-président.

Dans ce mode de fonctionnement, les dossiers sont côtés par le Président de la Cour aux Chambres dont les Présidents se chargent de désigner les rapporteurs en leur sein.
Le rapporteur désigné procède comme il est dit plus haut et produit un rapport et un projet d’arrêt. Ce rapport fera l’objet de débats, puis adopté, le cas échéant, après délibération. Le rapport, inspiré ou pas par la note juridique précédemment rédigée par l’Assistant Juriste, propose une solution définitive qui peut être adoptée ou modifiée lors de la séance en Chambre.

Si la solution proposée dans le rapport est agréée en chambre, aussi bien le rapport que le projet d’arrêt sont adoptés. Dans le cas contraire, une autre solution est proposée, soumise à discussion et donne lieu à une position commune qui fera l’objet d’un autre projet d’arrêt à adopter. Les dossiers ainsi traités, il ne reste plus à la Cour qu’à programmer une ou des audiences à l’effet de les vider.

2 – L’audience publique

Lorsque la Chambre a bouclé ses dossiers par l’adoption des différents rapports et autres projets d’arrêts, il ne reste plus qu’à fixer une date (A) en vue de la tenue de l’audience pour le prononcé des décisions (B).

a – La fixation de la date d’audience

Aux termes de l’article 20 du Règlement de Procédure de la Cour « les dates et heures des séances de la Cour sont fixées par ordonnance du Président »[46]. Mais il s’agit là d’une décision fixant globalement les jours de la semaine, ainsi que les heures auxquelles doivent se tenir les audiences de la Cour. Ce cadre général fixé, il reste convoquer une audience toutes les fois où des dossiers sont en état de faire l’objet des décisions.

Ainsi, à la demande du Président de la Cour ou du Président de la Chambre dont les dossiers sont prêts, le Greffier en chef arrête une date d’audience. Il adresse par la suite convocations aux parties par l’intermédiaire de leurs domiciles élus, le cas échéant, et leur indique que leur cause sera appelée et vidée en audience publique.

b – La tenue de l’audience

Advenue l’audience indiquée, la cause est appelée. Bien que la procédure suivie soit orale ou écrite (1), cela n’a pas  d’incidence sur la décision prononcée par la Cour (2).

b1 – La procédure suivie

La procédure suivie est en principe écrite (b) et exceptionnellement orale (a).

·         La procédure orale

Elle est organisée de manière assez laconique par les articles 34 à 38 du Règlement de procédure.

Le principe posé par l’article 34-1 du Règlement de procédure est celui du caractère essentiellement écrit de la procédure à la CCJA.

Le même texte admet cependant exceptionnellement la possibilité d’organiser dans certaines affaires une procédure orale, mais seulement à la demande des parties.

Cependant, il semble, pour notre part, que la procédure orale dont il est question ici n’en est pas véritablement une au sens propre de l’expression. Il s’agit en réalité de la possibilité donnée aux parties de développer oralement, à l’audience, les points soulevés dans leurs écritures et autres pièces précédemment déposées et communiquées entre elles. Car on ne saurait d’organiser une procédure entièrement orale puisque dans cette hypothèse, les juges, à l’audience, auraient de la peine à saisir les débats et les plaidoiries qui  seraient forcément longs et ennuyeux.

La nature de cette procédure, eu égard à ses contraintes, commande qu’à l’issue des débats et des plaidoiries (qui peuvent prendre des heures), la Cour se retire pour délibérer et peut même renvoyer le prononcé de la décision à plus tard. La lourdeur de cette procédure et ses contraintes font que la Cour n’y recourt pas assez, d’autant plus que les éléments déposés par les parties sont généralement suffisants pour lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause. Certes, la présence des parties à l’audience par l’intermédiaire de leurs conseils permet à la Cour de leur poser directement des questions ou de leur demander de l’éclairer sur tel ou tel aspect flou du dossier en vue d’une meilleure compréhension, mais il est fort probable que les débats et plaidoiries ne changent rien ou pas grand chose à sa conviction.

Par ailleurs, il paraît toujours plus sécurisant pour la partie de déposer des écritures et pièces, car ne dit-on pas que les paroles s’envolent et les écrits restent ? D’où l’importance de la procédure écrite.

·         La procédure écrite

La procédure écrite est celle décrite plus haut. Elle est organisée par les articles 27 à 33 du Règlement de Procédure et s’achève, tout comme la procédure orale, par le prononcé d’une décision. Il nous paraît inutile de revenir sur cet aspect qui a déjà fait l’objet d’abondants développements. Il convient plutôt de s’appesantir sur les décisions à rendre par la Cour.

b2 – Le prononcé de la décision

La Cour statue par arrêt (a). Mais dans certains particuliers expressément prévus par le Règlement de procédure, elle se prononce par ordonnance (b).

Les arrêts rendus par la Cour

La CCJA rend des arrêts qui peuvent être tantôt d’irrecevabilité, tantôt d’incompétence, tantôt de rejet du recours, tantôt d’annulation de la décision attaquée, tantôt de cassation de l’arrêt déféré. L’arrêt de la Cour, qui doit être rendu en audience publique, les parties dûment convoquées, a force obligatoire à compter du jour de son prononcé (art. 40 et 41 Règlement de procédure). En outre, quelque soit l’arrêt rendu, il doit être statué sur les dépens de l’instance tel qu’il est exigé par l’article 43.1 du Règlement. En vertu de l’article 43.2, les Conseils des parties peuvent faire taxer par ordonnance du Président de la Cour leurs frais récupérables[47].

·        Arrêt d’irrecevabilité
Ainsi que nous l’avons relevé plus haut, lorsque le recours n’est pas conforme aux dispositions de l’article 28 du Règlement de procédure et en l’absence de régularisation, la Cour le déclare irrecevable.
·        Arrêt d’incompétence
Lorsque la décision déférée à la censure de la haute Cour ne rentre pas dans le cadre de sa compétence telle que définie par l’article 14 alinéa 3 et 4 du Traité, la Cour se déclare incompétente à statuer.
·        Arrêt de rejet
Lorsque les moyens invoqués à l’appui du recours ne sont pas pertinents, donc de nature à justifier la cassation de l’arrêt attaqué, la Cour rejette le pourvoi. C’est notamment le cas lorsqu’elle estime qu’il a été bien jugé et qu’aucun texte ou Acte Uniforme n’a été violé[48].
·        Arrêt d’annulation
Ici précisément, il s’agit de l’arrêt rendu sur recours fondé sur les articles 18 du Traité et 52 du Règlement de procédure tel qu’il a été explicité plus haut. Il s’agit également de certains arrêts annulant des ordonnances des juridictions suprêmes nationales ordonnant les sursis à exécution en violation du droit uniforme.
·        Arrêt de cassation
La décision rendue ici est l’anéantissement par la cassation du jugement (en matière immobilière précisément) ou de l’arrêt dont pourvoi. Ici, la Cour fait droit au recours en cassation, soit en se fondant sur un ou plusieurs moyens pertinents développés, soit en se fondant sur un moyen relevé d’office, comme un moyen de pur droit[49].

L’élément majeur qui est une particularité de cette juridiction est que la Cour ne se contente pas de casser l’arrêt comme les autres juridictions de cassation. En effet, l’article 14-5 du Traité dispose qu’en cas de cassation « elle évoque et statue sur le fond ». Il est donc question pour la Cour de se saisir de l’entier litige et de le réexaminer. Ainsi donc, le pouvoir d’évocation dont elle est investie lui confère cette prérogative « d’examiner complètement le dossier d’une affaire, de le réformer, de corriger les erreurs de qualification des juges primitivement saisis, de relever toutes les circonstances légales qui accompagnent les faits »[50]. La Cour peut-elle évoquer et statuer au fond sans rentrer dans les faits de la cause ?

Il n’est en effet pas possible que la Cour évoque et statue au fond sans examiner les faits. En le faisant, il cesse d’être simplement une juridiction de cassation pour devenir un troisième degré de juridiction. D’aucuns ont trouvé dans cette « immixtion du juge de cassation dans les faits »[51] des dangers qui amènent à se demander entre autres si elle reste une véritable juridiction communautaire.

L’exercice de son pouvoir d’évocation par la Cour l’amène à devoir, entre autres, apprécier l’application par le juge national, de la loi interne. C’est l’épineux problème des pourvois mixtes, c’est-à-dire des pourvois dont l’examen appelle à la fois l’interprétation et l’application aussi bien de la législation harmonisée que la législation nationale. La CCJA retient sa compétence et en arrive à casser des arrêts de Cour d’Appel pour violation de dispositions du droit national[52], et à annuler des arrêts de Cour Suprême nationale ayant statué en cassation dans les matières relevant de la législation harmonisée[53]. Ce qui crée du coup un risque de « divergence jurisprudentielle entre le juge supranational et le juge suprême national ».

Le risque est d’autant présent que la Cour ne dispose pas toujours des textes législatifs applicables dans les Etats Parties. Quand bien même elle disposerait de ces textes, elle pourrait en donner des interprétations différentes de celles que les cours de cassation nationales ont données à travers leur jurisprudence.

Pour éviter les incohérences jurisprudentielles et enrayer les problèmes engendrés par la mise en ouvre du pourvoir d’évocation de la CCJA, plusieurs experts ont proposé tantôt sa réforme, tantôt son encadrement. En effet, certains ont suggéré « la rétrocession pure et simple du pouvoir d’évocation aux juridictions d’appel, en impartissant toutefois un délai de douze (12) mos à compter de la cassation à la Cour pour vider sa saisine »[54], ou alors le maintien du pouvoir d’évocation, mais uniquement lorsque la CCJA casse pour une seconde fois.

D’autres par contre pensent que l’évocation, loin d’être un impératif, devrait être une faculté pour la CCJA qui devrait pouvoir en apprécier souverainement l’opportunité, car elle seule « doit décider si les conditions de l’évocation sont réunies, en particulier, si l’affaire est susceptible de recevoir une décision définitive »[55]. De ce fait, elle pourrait évoquer partiellement sur les questions touchant aux matières harmonisées, et renvoyer la cause aux juridictions internes en ce qui concerne le droit interne, d’une part, et refuser d’évoquer dans certains cas, notamment « lorsqu’elle estime que les juges internes seront mieux à même de rendre une décision satisfaisante sur le fond, en raison de la méconnaissance de l’état de la jurisprudence locale sur des questions dont elle n’a pas la totale maîtrise »[56], d’autre part.

Quoiqu’il en soit, le pouvoir d’évocation de la haute Cour mérite d’être revu à la perfection. En attendant, elle casse et annule la décision à elle déférée et statue dans le sens dont elle estime que les juges de fond auraient dû se prononcer. La décision ainsi rendue n’est plus susceptible d’aucun recours, à l’exception des voies de recours extraordinaires susceptibles d’être exercées. Cependant, la Cour rend aussi des ordonnances dans certains cas limitativement énumérés.

 Le cas particulier des Ordonnances rendues par la Cour

Le Règlement de procédure de la Cour a prévu plusieurs hypothèses où celle-ci peut être amenée à statuer par voie d’ordonnance. Ce qui exclut conséquemment la tenue d’audiences.

Ainsi, l’article 32-2 dispose « lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître du recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, elle peut à tout moment rejeter ledit recours par voie d’ordonnance motivée ». L’expression « à tout moment » signifie justement que la Cour n’a pas besoin de fixer une audience, encore moins convoquer les parties, et peut se prononcer toutes les fois où, que ce soit à l’introduction du recours, lors de son instruction ou de son examen, elle se rend compte que les conditions sont réunies pour que l’article 32-2 s’applique. Cependant, qu’elle sanctionne l’incompétence manifeste de la Cour, l’irrecevabilité manifeste du recours, ou encore le caractère manifestement non fondé du recours, l’ordonnance rendue par la Cour est celle de rejet. Bien qu’elle doive en principe être rendue par plusieurs juges, cette décision demeure une ordonnance qui n’est pas rendue en audience publique.

La Cour statue aussi par voie d’ordonnance rendue par le Président seul à la demande d’une partie en cas de désistement[57].

Par ailleurs, lorsque la Cour est saisie d’une demande de sursis à exécution de sa propre décision, le Président statue par voie d’ordonnance motivée non susceptible de recours ainsi qu’il est spécifié à l’article 46 du Règlement. L’ordonnance ainsi rendue peut faire droit à la demande ou la rejeter[58].

En définitive et d’une manière générale, les décisions rendues par la Cour en matière contentieuse ne sont plus susceptible de voies de recours. Néanmoins, certaines voies de recours extraordinaires sont prévues par la Règlement de procédure.


        




[1] Article 1er Traité OHADA
[2] L’article 3 du Traité OHADA révisé a érigé la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements en institution de l’organisation.
[3] L’article 21 alinéa 2 du Traité dispose que « la Cour commune de justice et d’arbitrage ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou confirme les arbitres, est informé du déroulement de l’instance, et examine les projets de sentences… »
[4] Revue de l’ERSUMA, numéro spécial novembre/décembre 2011, P. 59 ; Voir aussi http://revue.ersuma.org
[5] Article 55-3 du Règlement de procédure
[6] CCJA, AVIS N° 01/2006/JN du 17 octobre 2006, in Recueil de jurisprudence de la CCJA n°11, janvier – juin 2008, P. 129 et suiv.
[7] CCJA, AVIS N° 01/2006/JN du 17 octobre 2006, cité plus haut : dans cette cause, le Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville avait sollicité l’avis de la Cour alors qu’elle s’était déjà prononcée et l’affaire était désormais pendante devant la Cour d’appel de Brazzaville. La CCJA a « Dit n’y avoir lieu à avis sur l’objet de la demande ».
[8] Cela est d’ailleurs corroboré par l’avis n°01/2006/JN ci-dessus où la Cour s’est réunie en Assemblée Plénière pour dire n’y avoir lieu à avis.
[9] Actes du colloque sur le droit communautaire en Afrique « De la concurrence à la cohabitation des droits communautaires », du 24 au 26 janvier 2011 à Cotonou, publiés par l’ERSUMA, 1èr édition, octobre 2011.
[10] Extrait de l’ouvrage « La saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse : guide pratique à la lumière de la jurisprudence »
[11] Voir en annexe Décision 002/99/CCJA du 04 février 1999 Augmentant les délais de procédure en raison de la distance.
[12] Voir en annexe Décision n°009/2011/CCJA du 16 mai 2011 Suspendant les délais de procédure en raison de la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire
[13] CCJA, Arrêt n°017/2005 du 24 février 2005, Recueil CCJA n°5, P. 11. Voir dans le même sens CCJA, Arrêt n°029/2009 du 3à Avril 2009, Recueil CCJA n°13, P. 17.
[14] CCJA, arrêt n°004/2007 du 1er février 2007, Recueil n°9, P.5
[15] Bien que le texte ne le précise pas expressément, il s’agit de l’expédition de la décision telle que délivrée par le Greffe, et non une photocopie de l’expédition ou de la grosse, encore moins de la copie-grosse.
[16] Il est important de noter comme l’a indiqué la Cour, que « la signification d’un arrêt n’est pas la condition du recours contre celui-ci (…) mais marque plutôt le point de départ de la computation du délai dans lequel le recours doit être exercé » CCJA, arrêt n°030/2010 du 29 avril 2010, Recueil n°15, P.156
[17] Répondant à une fin de non recevoir tirée du défaut de production par le recourant personne morale de ses statuts harmonisés, la Cour a indiqué qu’il était juste question de produire les statuts ou un extrait du registre de commerce ou toute autre preuve de son existence juridique : CCJA, arrêt n°058/2005 du 22 décembre 2005.
[18] La question s’est posée de savoir si un avocat agissant pour son propre compte a besoin de produire un mandat spécial. La Cour a répondu par la négative en précisant que «il n’est pas contesté que la requérante est avocate inscrite au Barreau du C… et qu’à ce titre elle peut représenter tout justiciable devant la Cour de céans ; qu’il serait contraire à l’esprit du texte sus énoncé (art.23) de la priver de son droit d’agir par elle-même ; que l’on ne saurait lui exiger de produire un mandat spécial qu’elle se serait donné à elle-même… » CCJA, arrêt n°010/2004 du 26 février 2004, Recueil n°3, P.24
[19]CCJA, arrêt n°030/2010 du 29 avril 2010, Recueil n°15, P.156
[20] D’aucuns ont cru que ce domicile élu devait obligatoirement être un Cabinet d’Avocat, ce que le texte ne dit. On peut néanmoins comprendre que compte tenu de la délicatesse du recours et des diligences y afférentes, les Avocats soient prudents en optant pour l’élection de domicile aux cabinets d’avocats, supposés à même d’apprécier l’importance et l’urgence des diligences et des délais à agir.
[21] En RDC par exemple, l’article 103 de l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 28 Septembre 1979 portant Organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat dispose «le droit de postuler et de conclure, d’assister et de représenter les parties devant la Cour Suprême de Justice siégeant comme juridiction de cassation appartient exclusivement aux avocats de la Cour Suprême de Justice » 
[22] CCJA, arrêt n°04/2001 du 11 octobre 2001, Recueil n° spécial janvier 2003 ;  CCJA, arrêt n°006/2001 du 11 octobre 2001, même Recueil ; CCJA, arrêt n°005/2002 du 10 janvier 2002, dans le même recueil ; arrêt n°025/2009 du 30 avril 2009, Recueil n°13, P.13
[23] CCJA, arrêt n°032/2010 du 03 juin 2010, Recueil n°15
[24] CCJA, arrêt n°057/2008 du 11 décembre 2008, Recueil n°12, P.19
[25] CCJA, arrêt n°004/2005 du 27 janvier 2005, Recueil n°5 Vol.1, P.5
[26] CCJA, arrêt n°009/2003 du 24 avril 2003, Recueil n°1, P.7 ; arrêt n°006/2005 du 27 janvier 2005, Recueil n°5 
[27] CCJA, arrêt n°008/2009 du 26 février 2009, Recueil n°13, P.8
[28] CCJA, arrêt n°020/2010 du 25 mars 2010, Recueil n°15, P.26
[29] « qu’ainsi la procédure relative à la rétention exercée sur la provision des comptes étant engagée le 19 janvier 2006 par exploit d’huissier devant le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Conakry, elle relève désormais, en cassation, de la compétence de la Cour de céans par application de l’article 14 du Traité; que la Cour Suprême de Guinée s’étant par conséquent déclarée compétente à tort pour connaître du pourvoi en cassation exercé par les Etablissements… contre les arrêts n°… et n°… de la Cour d’Appel de Conakry, sa décision est réputée nulle et non avenue en application de l’article 18 du Traité précité »
[30] Cour Suprême de Côte d’Ivoire, arrêt n°24/05 du 13 Janvier 2005.
[31] Recueil CCJA n°12, P. 150
[32] CCJA, arrêt n°031/2004 du 04 novembre 2004, Recueil n°4, P.48 ; Voir aussi arrêt n°015/2008 du 24 avril 2008, Recueil n°11, P.114
[33] Birika Jean-Claude BONZI, commentaires sous article 28 du Règlement de Procédure CCJA, in OHADA, Traité et Actes Uniformes commentés et annotés, 3è Ed. 2008, Juriscope.
[34] « En matière contentieuse, pour chaque affaire, il sera constitué par la partie demanderesse une provision dont le montant sera fixé par le Greffier en Chef de la Cour(…) Toute contestation relative au montant fixé est tranchée par une ordonnance du Président » Articles 32 Règlement Intérieur de la Cour en matière contentieuse et 2 de la Décision n°003/99/CCJA du 04 février 1999 fixant les tarifs des actes du greffe de la CCJA (voir l’intégralité de ces textes en annexes).
[35] Il convient de noter que le Greffier en chef peut toujours saisir le Président de la Cour qui ordonne, en cas de besoin, le versement d’un supplément de consignation.
[36] Article 24 Règlement de Procédure
[37] Il ne s’agit pas à proprement parler d’échanges directs ici entre les parties. Nous utilisons le terme pour illustrer le respect du principe du contradictoire qui veut que tout ce que chaque partie dépose dans le cadre de la procédure soit transmis à l’autre pour ses observations.
[38] Le ministère d’Avocat étant obligatoire devant la Cour, l’obligation de produire un mandat spécial incombe aussi à l’avocat du défendeur au pourvoi, faute de quoi ses mémoires en réponse et en duplique sont déclarés irrecevables, même si ceux-ci revêtent la signature de l’avocat chez qui domicile a été élu à Abidjan en vertu de l’article 28 alinéa 3 : CCJA, arrêt n°030/2005 du 26 mai 2005, Recueil n°5, P.18
[39] CCJA, arrêt n°013 du 18 mars 2004, Recueil n°3, P.101
[40] CCJA, arrêt n°016/2003 du 29 juillet 2003, Recueil n°2, P.47
[41] D’aucuns, pour ne pas perdre inutilement du temps, écrivent immédiatement en réponse au Greffier en chef pour lui indiquer qu’ils n’entendent pas répliquer ou déposer de nouvelles écritures.
[42] M. BONZI cité plus haut s’interrogeait déjà, dans son commentaire sous l’article 31 du Règlement de Procédure, sur la forme de l’autorisation accordée par le Président de la Cour
[43] Il convient d’indiquer qu’en raison de la complexité d’un dossier ou de l’importance des questions juridiques qu’il soulève, celui-ci peut être examiné en Assemblée plénière regroupant tous les membres de la Cour.
[44] Cette fonction n’a été ni pensée, ni créée au moment d’instituer la Cour. Malgré son encrage aujourd’hui incontestable et même incontournable dans la chaîne de traitement des recours, l’Organisation tarde encore à définir un statut juridique précis de l’Assistant Juriste.
[45] Voir en annexe Décision n°46/2011/CCJA du 10 juillet 2011 de Monsieur le Président créant trois chambres de trois juges à la CCJA
[46] Voir en annexe l’Ordonnance n°017/2001 du 05 septembre 2001 fixant les date et heure d’audience.
[47] Ordonnance n°001/2009/CCJA du 19 janvier 2009, Recueil n°13, P.173
[48] En application de l’article 32 alinéa 2 du Règlement de Procédure, un recours peut aussi être rejeté par voie d’ordonnance lorsqu’il est manifestement non fondé
[49] Moyen qui peut « être mis en œuvre par la Cour de Cassation sans que celle-ci ait de quelque manière que ce soit à se livrer à une appréciation des faits à laquelle les juges du fond n’auraient pas déjà procédé » : Marie-Noëlle Jobard-Bachelier et Xavier Bachelier : La technique de cassation, Pourvois et Arrêts en matière civile, Dalloz, 6è Ed, 2006, P.6
[50]  Bakary DIALLO, Réflexions sur le pouvoir d’évocation de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dans le cadre du Traité de l’OHADA, in Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des Affaires n°001, P.57
[51]  Bakary DIALLO sus cité
[52] C’est notamment, à titre purement indicatif, le cas lorsque dans une matière relevant de la législation harmonisée, la voie de recours exercée au plan national, sur renvoi de la loi communautaire, n’a pas été conforme à la disposition du droit national de renvoi.
[53] Voir supra, arrêt n°038/2008 du 17 Juillet 2008
[54] Félix ONANA ETOUNDI et Pierre BOUBOU : La problématique de l’Unification de la jurisprudence par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, Coll. Pratique et Contentieux de Droit Communautaire, Ed. Droit au Service du Développement, février 2008, P.27
[55] Bakary DIALLO, ibid. P.76
[56] Bakary DIALLO, ibid. P.77
[57] Voir plus haut les développements sur le désistement et la radiation.
[58] Voir Ordonnance n°01/2004/CCJA du 28 janvier 2004, Recueil n°3, P.142