Communication
délivrée par Maître Jérémie WAMBO
AJ/CCJA/OHADA
LA
SAISINE DE LA COUR COUMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE DE L’OHADA
L’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires a été mise sur pieds par le
Traité de Port-Louis en Ile Maurice le 17 octobre 1993, Traité révisé à Québec
au Canada le 17 octobre 2008. Par la signature dudit Traité, les Etats
signataires s’engageaient à élaborer et adopter des « règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs
économies, par la mise en œuvre des procédures judiciaires appropriées et par
l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends
contractuels »[1].
Pour mener efficacement
ces nobles objectifs qu’elle s’est assignés, l’Organisation s’est dotée d’un
certain nombre d’institutions que sont la Conférence des Chefs d’Etats et de
Gouvernement[2],
le Conseil des Ministres, la Cour commune de justice et d’Arbitrage (CCJA) et le
Secrétariat Permanent auquel est rattachée l’Ecole Régionale Supérieure de la
Magistrature (ERSUMA). Toutefois, sur le terrain, sont plus visibles :
Le
Secrétariat Permanent : c’est l’exécutif de l’Organisation. Aux
termes de l’article 40 du Traité tel que révisé, « le Secrétariat Permanent est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est
dirigé par un Secrétaire Permanent (…) Le Secrétaire Permanent représente
l’OHADA. Il assiste le Conseil des Ministres… ». En outre, c’est le
Secrétariat Permanent qui prépare, en concertation avec les gouvernements des
Etats Parties, les actes uniformes qui sont par la suite soumis pour adoption
au Conseil des Ministres après avis de la CCJA.
L’ERSUMA : elle
est créée par l’article 41 du Traité en ces termes : « il est institué un établissement de
formation, de perfectionnement et de recherches en Droit des Affaires dénommé
Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (E.R.SU.MA)… ». Cette école
a pour missions de former, de recycler et de perfectionner les professionnels
du Droit des Affaires. A cet effet, elle s’est dotée d’impressionnants moyens,
à savoir une bibliothèque et un Centre de Recherches et de Documentation dotés
d’équipements à la pointe de la technologie etc.…
La
CCJA
quant à elle qui fait l’objet de notre présentation est dans son essence même la
juridiction suprême de l’organisation et à ce titre, elle assure, aux termes de
l’article 14 du Traité, l’interprétation et l’application des Actes uniformes
et Règlements pris en vertu du Traité, le but ultime étant d’uniformiser la
jurisprudence communautaire.
Elle est aussi un
centre d’arbitrage dont le rôle est de superviser les règlements des conflits
par des arbitres qu’elle désigne, en organisant la procédure et en examinant
avant leur prononcé les projets de sentences arbitrales[3].
Nous n’examinerons cependant pas dans le cadre de cette présentation cet aspect
des activités de la CCJA qui du reste fait l’objet d’un article rédigé par nos
soins et publié dans un numéro spécial de la Revue de l’ERSUMA[4].
L’article 13 du Traité
indique que « le contentieux relatif
à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel
par les juridictions des Etats Parties ». En d’autres termes, les
juridictions nationales sont chargées d’appliquer en instance et en appel la réglementation communautaire dans les matières relevant de la législation
harmonisée. En cas de difficultés d’interprétation, d’application ou de pourvoi
en cassation dans ces matières là, c’est la CCJA qui doit être saisie.
La mission de la CCJA
comme juridiction est double, à savoir :
·
Donner des avis consultatifs
·
Statuer comme juridiction de cassation
Toutefois, pour que la
CCJA puisse utilement jouer son rôle, elle doit être préalablement saisie.
Cependant, les modes de saisine varient selon que l’on est en matière
consultative (I) ou en matière contentieuse (II).
I
- LA SAISINE DE LA CCJA EN MATIÈRE CONSULTATIVE
Le Traité de Port Louis
tel que révisé énumère limitativement les personnes qui peuvent saisir la Cour
en matière consultative (A). La procédure de saisine quant à elle est définie
par le Règlement de procédure (B).
A
– QUI PEUT SAISIR LA CCJA EN MATIÈRE CONSULTATIVE ?
Il ressort de ce texte
que les seuls organes compétents pour saisir la CCJA en matière consultative
sont :
- * Tout Etat Partie au Traité ;
- * Le Conseil des Ministres ;
- * Toute juridiction nationale saisie en
vertu de l’article 13 du Traité, c’est-à-dire toutes juridiction nationale
appelée à appliquer le droit OHADA dans une cause à elle soumise ;
Par ailleurs, l’article
7 alinéa 2 du Traité prévoit que le Secrétariat Permanent de l’OHADA communique
à la Cour pour avis les projets d’Actes uniformes accompagnés des observations
des Etats Parties. L’avis sollicité ici doit l’être obligatoirement par le
Secrétaire Permanent et n’est pas une simple faculté comme dans les autres cas.
Il résulte de cette
énumération qu’aucune personne physique n’est habilitée à saisir la Cour en
consultation, pas même les Avocats, Conseils des parties, ni les experts
désignés pour éclairer l’office du juge, encore moins les enseignants
d’universités.
B
– LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE CONSULTATIVE
Le déroulement de la
procédure consultative est décrit par les articles 53 à 58 du Règlement de
procédure de la CCJA. Il varie légèrement selon l’auteur de la demande d’avis
(1) et se termine par un avis consultatif de la Cour (2).
1) – La procédure consultative en
elle-même
Lorsque
la demande d’avis émane du Conseil des Ministres ou d’un Etat Partie,
la Cour doit être saisie par une requête écrite. En effet, aux termes de
l’article 54 du Règlement susvisé, « Toute
demande d’avis consultatif émanant d’un Etat Partie ou du Conseil des Ministres
est présentée par requête écrite. Cette requête formule, en termes précis, la
question sur laquelle l’avis de la Cour est sollicité. Il y est joint tout
document pouvant servir à élucider la question ».
Le greffier en chef de la
Cour notifie immédiatement la demande d’avis reçue aux autres Etats Parties
pour leurs observations écrites, lesquelles doivent intervenir dans un délai
fixé par le Président de la Cour. Ces observations sont à leur tour
communiquées aux autres auteurs d’observations pour être éventuellement
discutées « dans les formes, mesures
et délais fixés dans chaque cas par le Président »[5].
Lorsque
la demande d’avis émane d’une juridiction nationale,
c’est la décision par laquelle cette juridiction sollicite l’avis qui est
notifiée à la CCJA et qui la saisit. L’article 56 du Règlement susvisé dispose
que « toute décision par laquelle
une juridiction visée à l’article 14 du Traité sollicite un avis consultatif
est notifiée à la Cour à la diligence de cette juridiction. Cette décision
formule en termes précis la question sur laquelle la juridiction a estimé
nécessaire de solliciter l’avis de la Cour pour rendre son jugement. Il y est
joint tout document pouvant servir à élucider la question ».
Il est question dans ce
cas précis de solliciter l’éclairage de la Cour sur un aspect précis du droit
communautaire, en vue d’avoir une réponse nécessaire à la solution du litige
pendant devant la juridiction. La haute juridiction a d’ailleurs eu à préciser
que « la demande d’avis émanant
d’une juridiction d’un Etat partie doit être consécutive à un contentieux
judiciaire pendant devant ladite juridiction nationale et sur lequel celle-ci a
estimé nécessaire d’être éclairée par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
de l’OHADA avant de rendre sa décision »[6]. Si
la cause pour la solution de laquelle un éclairage est sollicité a déjà été
tranchée et n’est plus pendante devant la juridiction qui sollicite l’avis, la
Cour estime qu’il n’y a pas lieu à avis[7].
Comme dans l’hypothèse
précédente, le greffier en chef notifie la demande d’avis aux Etats Parties
pour leurs observations. Il la notifie également aux mêmes fins aux parties en
cause devant cette juridiction (article 57-1 Règlement de procédure). Les
observations recueillies peuvent faire l’objet de discussions des parties et
autres auteurs d’autres observations dans les conditions de forme et de délais
fixées par le Président de la Cour.
Il se dégage que la Cour
suscite la contradiction par les différentes observations qui sont recueillies,
toute chose qui donne à l’avis à intervenir une presque garantie de justesse ou
une présomption de vérité.
Un rapporteur est par
la suite désigné par le Président qui doit faire le rapport et éventuellement
préparer un projet d’avis qui pourras être discuté et adopté, puis prononcé en
audience.
2) – L’avis consultatif de la Cour
Aux termes des
procédures ci-dessus décrites, le Président de la Cour décide s’il y a lieu à audience.
En d’autres termes, il décide de l’opportunité pour la Cour de se réunir pour
délivrer son avis en audience publique.
Force est de constater
que tous les avis émis par la Cour depuis son installation jusqu’à nos jours
l’ont été en audience publique. Il en résulte que la tenue d’audience est
automatique en matière d’avis consultatif de la Cour[8].
Aux termes de l’article
58 du Règlement de procédure, la Cour rend un avis consultatif qui
contient :
· * L’indication qu’il est rendu par la
Cour ;
· * La date du prononcé ;
· * Les noms des juges qui y ont pris part,
ainsi que celui du greffier ;
· * L’exposé sommaire des faits ;
· * Les motifs ;
· * La réponse à la question posée à la
Cour.
L’avis ainsi donné par
la Cour n’est que consultatif et ne lie même pas l’auteur de l’avis qui peut
passer outre. Mais comme le précise Monsieur MAÏDAGI MAÏNASSARA, ancien juge de
la CCJA et ancien Premier vice président de la Cour « on peut penser que le demandeur d’avis a intérêt à en tenir
compte car si un litige naissait et que l’affaire arrive par la voie de la
cassation devant la CCJA, on voit mal cette dernière se déjuger en rendant une
décision contraire à son avis. A moins que le dossier ne soit suffisamment
illustratif au regard de certaines de ses pièces qui n’étaient pas à la disposition
de la Cour au moment où elle émettait son avis »[9].
Il convient de relever
que la Cour est de moins en moins saisie de demandes relatives à
l’interprétation et l’application des Actes uniformes. C’est du reste ce qui
explique le nombre réduit d’avis émis jusqu’ici. En effet, la Cour a
émis :
-
Trois avis à la demande des juridictions
nationales ;
-
Six avis à la demande des Etats
Parties ;
-
Les avis sur tous les actes uniformes
actuellement en vigueur.
Mais c’est surtout en
matière contentieuse que la Cour est très active et productive, comme en
témoignent les décisions rendues à ce jour.
II
– LA SAISINE DE LA COUR EN MATIERE CONTENTIEUSE[10]
La procédure
contentieuse commence par l’introduction du recours (A) et s’achève par son
jugement (C), en passant par son instruction (B).
A
– L’INTRODUCTION DU RECOURS
Aux termes de l’article 28-1
du Règlement de procédure de la Cour, le recours en cassation doit être
introduit au greffe de la Cour « dans
les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’avocat du
requérant… ». A ce délai de deux mois doit s’ajouter celui prévu par
l’article 25 du même Règlement, qui est fonction de la distance[11],
donc de l’éloignement du plaideur par rapport au siège de la Cour. En outre,
les délais prévus sont francs et ne prennent par conséquent en compte ni le
jour au cours duquel survient l’acte, l’événement, la décision ou la
signification, ni le dernier jour au cours duquel expire le délai. Le délai
peut néanmoins être suspendu dans des cas exceptionnels, comme récemment en
raison des événements sociopolitiques en Côte d’Ivoire[12].
La CCJA tire les conséquences
du non respect du délai en déclarant irrecevables les recours formés hors
délai. C’est ainsi que saisie dans une cause, elle a jugé que : « l’arrêt n°532 rendu le 12 décembre 2002 par
la Cour d’Appel de Dakar a été signifiée le 24 avril 2003 ; que ce jour
étant exclu dans la computation du délai de deux mois accordé au GIE … pour
former son pourvoi, ledit délai qui avait commencé le 25 avril 2003 et expiré
normalement le dimanche 25 juin 2003 était prorogé jusqu’au prochain jour
ouvrable, le 26 juin 2003 ; d’où il suit que le pourvoi formé le 24 avril
2003, mais enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 juin 2003, doit être
déclaré irrecevable »[13].
En outre, le fait que la Cour
soit saisie sur renvoi d’une juridiction nationale en application de l’article
15 du Traité ne dispense pas du respect du délai impératif de deux mois sus
évoqué. C’est du moins ce qu’elle a tenu à préciser en indiquant que : « les pourvois en cassation portés devant la
Cour de céans sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation sont
instruits conformément aux dispositions des articles 23 à 50 de son Règlement
de procédure ; attendu qu’en application des dispositions ci-dessus, le
requérant disposait pour présenter son recours au greffe, d’un délai de deux
mois ayant pour point de départ le 05 août 2002 ; que sons recours ayant
été présenté au greffe le 09 janvier 2003 soit plus de cinq mois après la
signification de l’arrêt attaqué, il suit qu’il doit être déclaré
irrecevable… »[14].
Il convient de souligner que
le fait que le point de départ du délai du recours court à compter de la
signification de la décision attaquée ne fait pas de ladite signification une
condition de recevabilité du pourvoi. En effet, un recours introduit avant même
la signification de la décision est recevable devant la haute juridiction.
Ledit recours doit être accompagné de certaines pièces énumérées par l’article
28 ci-dessus évoqué.
les pièces à produire à
l’appui du recours sont énumérées dans les articles 23 et 28 du Règlement de
procédure de la Cour (1). D’autres pièces non énumérées par le Règlement, mais
invoquées par les parties doivent être produites (2). Enfin le défaut de
production est sanctionné par la Cour (3).
1) – Nomenclature des pièces accompagnant le
recours
Les documents accompagnant le
recours en cassation se résument entre autres :
·
au recours en cassation lui-même, contenant les
nom et domicile du requérant, les noms et domiciles des autres parties à la
procédure devant la juridiction nationale et de leur avocat, les conclusions du
requérant et les moyens invoqués à l’appui de ces conclusions ;
·
à la décision[15]
de la juridiction nationale qui fait l’objet du recours ;
·
à l’exploit de signification de la décision
attaquée à la partie adverse[16] :
Cette pièce est à notre sens facultative (d’autant plus qu’il est simplement
demandé de mentionner la date de la signification), mais revêt toute son
importance dans l’hypothèse où il faut démontrer que le recourant a agi hors
délai.
·
aux statuts ou à un extrait récent du registre
de commerce ou preuve de son existence juridique lorsqu’il s’agit d’une
personne morale[17] ;
·
au mandat spécial donné à l’Avocat[18] :
le mandat en question n’est soumis à aucune forme particulière et peut être
librement formulé, l’essentiel étant de faire ressortir la mission confiée à
l’avocat qui est celle d’agir en lieu et place de la partie à la CCJA. C’est du
moins la substance de la réponse donnée par la Cour à une fin de non recevoir
d’un recours soulevée par un défendeur au pourvoi et tirée de ce que le mandat
spécial donné à l’avocat ne comportait pas la formule « bon pour
acceptation » reproduite en manuscrit[19].
·
à l’indication d’un domicile élu au lieu où la
Cour a son siège, notamment en précisant le nom de la personne qui est
autorisée et qui a consenti à recevoir toutes significations[20].
·
à la preuve de la qualité d’Avocat du Conseil constitué
Sur ce dernier point précis, un
éclairage s’impose. En effet, l’article 23-1 du Règlement de procédure dispose
que : « … est admis à exercer
ce ministère toute personne pouvant se présenter en qualité d’Avocat devant une
juridiction de l’un des Etats Parties au Traité. Il appartient à toute personne
se prévalant de cette qualité d’en apporter la preuve à la Cour … ».
Ceci revient à dire que l’Avocat doit fournir la preuve de son inscription à un
Barreau d’un Etat Partie au Traité. Cette preuve peut être fournie, non par la
présentation d’une carte professionnelle, mais par la production d’une
attestation d’inscription, laquelle devrait être récente, pour permettre aux
sanctions disciplinaires infligées dans l’intervalle à certains Conseils, le
cas échéant, de produire leur plein effet.
Par ailleurs, la CCJA étant
une juridiction de cassation, doit-on en tenir compte pour écarter ou refuser
les recours des Avocats qui ne sont pas admis à plaider en cassation dans leur
Etat en raison de leur législation[21]?
La réponse à cette question est forcément négative, pour la simple raison que
le texte ci-dessus qui ne fait aucune distinction entre Avocats exige juste de
prouver sa qualité d’avocat, d’une part. Il est de principe que là où la loi ne
distingue pas l’on ne peut distinguer, d’autre part. Enfin, les dispositions de
la loi nationale contraires à la loi supranationale qu’est le Règlement de
procédure de la CCJA ne sauraient prévaloir.
2)
– Les
pièces invoquées par les parties
Bien que la CCJA soit une
juridiction de cassation, la procédure n’est pas assise uniquement sur les
pièces exigées au dépôt du recours. Il arrive très souvent qu’une partie
invoque une pièce non énumérée au rang de celles devant être produites à
l’appui du recours, mais déterminante pour éclairer la religion du juge. C’est
par exemple le cas lorsqu’une partie contestant une décision qui a validé une
saisie attribution contestée ne produit pas au dossier de procédure le
procès-verbal de ladite saisie. Ou encore la partie qui invoquant une
forclusion s’abstient de produire tout document ou acte susceptible de
l’attester.
Il est évident que ces pièces
ne figurent pas au nombre de celles dont le défaut de production peut entraîner
la sanction envisagée à l’article 28 ci-dessus, à savoir l’irrecevabilité.
3)
–
Sanction du défaut de production de pièces
La sanction attachée au défaut
de production de pièces varie selon que la pièce est énumérée au nombre de
celles des articles 23 et 28 du Règlement de procédure, ou simplement invoquée
par une partie.
En effet, la production de la
première catégorie de pièces est une condition même de la régularité ou de la
conformité du recours, si bien que le défaut de l’une d’elles constitue un
obstacle à la recevabilité même du recours. Mais avant d’en arriver là, le
Greffier en Chef de la Cour doit inviter la partie défaillante à faire le nécessaire
dans un délai précis. C’est du moins le sens de l’article 28-5 du Règlement de
procédure qui précise que : « si
le recours n’est pas conforme aux conditions prévues au présent article, le
Greffier en chef fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de
régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées ci-dessus. A
défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, la
Cour décide de la recevabilité du recours ».
En clair, la Cour ne décide
pas de la recevabilité d’un recours non conforme avant d’en avoir donné
l’occasion de régularisation à la partie concernée par l’intermédiaire du
Greffier en chef qui très souvent accorde un délai d’un mois pour réparer
l’anomalie.
La Cour a toujours déclaré
irrecevables les recours lorsqu’invitées à les régulariser les parties
concernées s’en sont abstenues[22].
La Cour est d’autant plus rigoureuse qu’elle déclare même irrecevable le
recours non signé de la main de l’Avocat constitué. Ainsi, dans une espèce,
elle a soutenu que « Monsieur … n’ayant
pas donné suite à la lettre précitée de Monsieur le Greffier en chef de la Cour
de céans à lui envoyée il y a lieu de considérer que le présent recours
dépourvu de la signature de l’avocat prétendument constitué n’a pas été
régulièrement formé et doit être déclaré irrecevable »[23].
Il est vrai que l’article 27-1 du Règlement de procédure indique que
« l’original de tout acte de procédure doit être signé par l’avocat de la
partie », mais il ne prévoit aucune sanction en cas de défaut de signature.
Nous pensons que la sanction d’irrecevabilité se justifie amplement lorsqu’on
sait qu’invitée à régulariser son recours, la partie concernée n’a pas cru
devoir s’y conformer. Il est évident que dans ces circonstances, les recours
n’ont même pas pu être examinés.
Cependant, tel n’est pas le
cas lorsque les pièces invoquées n’ont pas été produites. En effet, si une
pièce invoquée dans le recours n’est pas produite, la Cour peut (c’est une
faculté), à défaut d’en tirer les conséquences et statuer, solliciter sa
production par l’intermédiaire du Greffier en chef qui adresse une
correspondance dans ce sens et impartit un délai pour la production. Mais la
carence de la partie sollicitée pour production de la pièce ne saurait
entraîner l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où la défaillance
concerne le fond. Elle peut simplement entraîner le rejet du recours s’il
s’agit du recourant, ou fonder la cassation
s’il s’agit du défendeur au pourvoi incapable de consolider une
situation à lui acquise par la décision attaquée, cette circonstance mettant la
Cour dans l’impossibilité d’exercer son contrôle. C’est pourquoi il est
important de lister les pièces importantes et déterminantes dans la cause,
après les avoir visées dans le rappel des faits et les développements
subséquents.
A contrario, dans une espèce,
la Cour avait déclaré irrecevable un recours, motif pris de ce que le recourant
avait produit pour la première fois en cassation des pièces qui n’avaient pas
été produites et discutées devant les juges d’instance. Elle avait notamment
précisé que « à aucun moment, dans
l’arrêt attaqué, il n’est fait état des Imprimeries X… ni dans les prétentions
des parties, ni dans la motivation du juge d’appel ; que dès lors, il
apparaît manifestement clair que les éléments liés aux Imprimeries X… dont se
prévaut Mme Y… constituent des pièces nouvelles présentées pour la première
fois en cassation alors qu’elles n’ont pas été débattues devant les juges du
fond ; qu’il est de principe qu’il n’est pas permis aux parties de
produire en cassation des pièces qui n’ont pas été soumises au juge du fond et
que seule la solution légale donnée et les moyens débattus devant les premiers
juges sont examinés ; que dans ces conditions, le pourvoi doit être
déclaré irrecevable comme mélangé de fait et de droit »[24].
Cette décision quelque peu critiquable à notre avis paraît avoir été
inutilement sévère, dans la mesure où, à notre sens, c’est le moyen fondé sur
les pièces nouvellement produites (et qui forcément est mélangé de fait et de
droit) qui devait être déclaré irrecevable, et entraîner le rejet du recours
comme non fondé, et non son irrecevabilité.
Le cas particulier du recours fondé sur
l’article 18 du Traité
Le recours prévu par
l’article 18 du Traité OHADA est un recours comme les autres, mais qui présente
la particularité d’être dirigée contre une décision d’une juridiction nationale
de cassation dont on sollicite précisément l’annulation. En effet, le texte
dispose « toute partie qui, après
avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale de cassation estime
que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de
la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un
délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée… ».
Il découle de cette disposition que la haute Cour ne peut valablement statuer
que si trois conditions cumulatives sont remplies :
·
Il doit s’agir d’une décision d’une juridiction
nationale de cassation.
·
La matière doit relever des ou d’un acte
uniforme
·
Le recourant doit avoir soulevé en vain
l’incompétence de la juridiction nationale de cassation qui est passée outre.
L’article 52 du Règlement de
procédure décrit sommairement la procédure à suivre par le requérant qui doit
déposer son recours au greffe de la Cour, lequel recours est immédiatement
signifié à toutes les parties devant la juridiction nationale. Ces dernières
doivent déposer au greffe dans les trois mois un mémoire, lequel est communiqué
à nouveau au requérant.
Cette procédure est
pratiquement identique à celle du recours en cassation, avec la particularité
cette fois que le Président de la Cour « décide s’il y a lieu à audience » (art.52-3). On ne peut
s’empêcher de s’interroger sur l’opportunité de cette disposition dans la
mesure où la Cour, appelée à statuer par arrêt, doit forcément vider sa saisine
en audience publique au terme de cette procédure au demeurant contradictoire.
La juridiction communautaire
veille d’entrée de jeu à ce que les conditions d’exercice de ce recours soient
remplies et n’hésite pas à sanctionner d’irrecevabilité les recours qui ne s’y
conforment pas. Dans une espèce, elle a jugé que : « il est constant, comme résultant de l’examen
des pièces de la procédure, que si l’incompétence du Président de la Cour
Suprême a été soulevée par la Sté X… Lors de l’examen de la demande de
liquidation d’astreinte, elle l’a été non pas parce que la Sté X … a estimé que
l’affaire soulève une question relative au contentieux de l’application des
Actes uniformes et Règlements de l’OHADA, mais plutôt parce qu’elle a considéré
que l’affaire relève de la compétence du juge du fond et non de celle du juge
des référés ; qu’il suit que le recours formé par la Sté X … ne répond pas
aux conditions énumérées aussi bien par l’article 14 que par l’article 18 du
Traité susvisé ; qu’il échet en conséquence de déclarer ledit recours
irrecevable »[25].
Force est de constater que
jusqu’ici, les irrecevabilités prononcées ont été tirées du défaut pour le
recourant d’avoir préalablement soulevé l’incompétence de la juridiction de
cassation[26], ou simplement d’avoir
justifié qu’il avait soulevé cette incompétence en vain[27].
Cependant, dans une espèce où les conditions n’étaient pas réunies, la haute
Cour s’est plutôt déclarée incompétente, après avoir indiqué que : « s’il est vrai que Maître … a soulevé
l’incompétence du Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire lors de
l’audience de référé qui a abouti à l’Ordonnance n°077/06 du 02 octobre 2006
dont elle demande, conformément à l’article 18 susvisé, l’annulation par son
recours, il s’avère, d’une part, que ladite ordonnance n’a pas été rendue par
une juridiction statuant en cassation et, d’autre part, qu’elle n’a pas statué
sur une demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie
conservatoire comme prévu à l’article 49 (…) ; qu’il échet de se déclarer
incompétent »[28].
Lorsque le recours en vertu
de l’article 18 du Traité remplit les conditions exigées, la Cour prononce
l’annulation de la décision déférée, en application des articles 18-3 et 52-4
qui indiquent à l’unisson que : « si
la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la
décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ».
C’est ce qui transparaît de l’arrêt n°047/2009 du 12 novembre 2009 de la CCJA
in Recueil CCJA n°14, P.39 dans une affaire au sujet de laquelle la Cour
Suprême de Guinée avait cru devoir statuer dans une cause relative à
l’application de l’Acte uniforme sur les sûretés, malgré le déclinatoire de
compétence soulevé par une partie[29].
De même, dans une autre
espèce, la CCJA a déclaré nul et non avenu l’arrêt d’une Cour Suprême qui
malgré le déclinatoire de compétence soulevé, avait retenu sa compétence
prétextant de ce que « si l’article
14 alinéa 1er du Traité OHADA dispose que la CCJA assure dans les
Etats Parties l’interprétation et l’application dudit Traité, des Règlements
pris pour son application et des Actes uniformes, il en est autrement lorsque
la juridiction nationale de cassation est saisie d’un pourvoi soulevant à la
fois des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme et d’un texte
de droit interne ; qu’en l’espèce, le demandeur au pourvoi ayant invoqué
la violation de l’article 49 alinéa 1er de l’Acte uniforme sur les
voies d’exécution et de l’article 3 du Code de Procédure Civile, Commerciale et
Administrative Ivoirien comme moyens de cassation, la Chambre Judiciaire doit
retenir sa compétence »[30].
Cette décision a été déclarée nulle et non avenue par arrêt n°038/2008 rendu la
17 juillet 2008 par la haute Cour[31].
En définitive, contrairement
au recours en cassation, il n’est pas permis à la Cour ici d’évoquer après
annulation, la partie y ayant intérêt devant introduire un recours en cassation
en bonne et due forme. L’article 52-4 du Règlement de procédure le dit de
manière péremptoire « … Toute partie
devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du
jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la
décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité
et aux articles 23 à 50 du présent Règlement », et rencontre échos
dans la jurisprudence de la haute Cour qui « … Déclare en conséquence nul et non avenu l’arrêt n°252 du 08 mai 2003
rendu par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ; Dit
qu’il n’y a pas lieu à évocation et renvoie les parties à se conformer aux
dispositions de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la Cour Commune de
Justice et d’Arbitrage de l’OHADA »[32].
B - L’INSTRUCTION
DU RECOURS
L’instruction du recours est
menée de bout en bout par le Greffier en chef de la Cour qui doit entre autres
s’assurer de sa conformité, et par le Président de la Cour. L’intervention
prépondérante du Greffier en chef à ce niveau a fait dire à un expert que
« le greffier en chef, dans
l’appréciation de la conformité du recours, devient un juge de la mise en état… »[33].
L’instruction se fait en deux
étapes simples : la réception du dossier par le Greffier en chef (1) et la
supervision des échanges des écritures et pièces par les parties (2).
1 – La réception
du recours par le Greffier en chef
L’article 28-1 et 23-1
combinés du Règlement de Procédure précisent que le recours est déposé au
greffe de la Cour par l’avocat du requérant
muni d’un mandat spécial dans les deux mois de la signification de la
décision attaquée. Ledit recours est ensuite signifié à toutes les parties à la
procédure devant la juridiction nationale, par les soins du Greffier en chef
(art. 29).
Toutefois, le Greffier en
chef ne peut signifier le recours s’il n’est pas conforme. Autrement dit, si le
recours n’a pas été introduit conformément à l’article 28 susvisé, il se doit
d’inviter le recourant comme le lui recommande ce texte, à le régulariser dans
un délai qu’il indiquera, et ce n’est qu’après cette régularisation qu’il
pourra procéder aux notifications d’usage.
Sur ce point précis de
l’invitation du requérant à régulariser son recours, il convient de faire
observer que cela a été et demeure une source de lenteur des procédures à la
Cour. En effet, la possibilité de régularisation des recours est une porte
ouverte à la chicane ou au dilatoire, car des parties peuvent déposer des
recours incomplets sachant bien qu’il leur sera demandé de les régulariser, ce
qui leur permettra de gagner du temps. Cela est d’autant plus préoccupant que
s’agissant d’une institution judiciaire dont les principaux animateurs sont
disséminés aux différents points du continent, les délais à octroyer tiennent
compte des distances, toute chose qui rallonge le temps de traitement des
dossiers.
Il est tout de même
préoccupant que malgré cette possibilité de régularisation, la Cour, du fait
des parties elles-mêmes, rend et continue de rendre des décisions
d’irrecevabilité pour non production par les requérants de certaines pièces
exigées par l’article 28. Certes, dans la quasi-totalité des cas, les parties
ont été invitées en vain par le Greffier en chef à l’effet de régulariser leur
recours. A notre avis, un contrôle rigoureux des pièces au moment du dépôt du recours,
avec à la clé le refus systématique de tout dossier non-conforme, permettrait
de faire l’économie de ce temps perdu à attendre la régularisation, rendant du
même coup inutile de l’article 28-5.
Le Greffier en chef fixe une
consignation[34] à payer au greffe par le
requérant. Cette consignation permettra de faire face aux différents frais que
nécessiteront les significations des recours et autres pièces aux autres
parties. Cette consignation qui pour l’instant est de FCFA 30 000, est
insignifiante[35] pour faire face aux frais
nécessités par la procédure, notamment les envois recommandés avec accusé de
réception[36], absolument
indispensables pour prouver que les parties ont été touchées par les
notifications, étant de plus en plus chers.
Il faut noter que cette
consignation est due aussi bien lorsque la Cour a été saisie directement par
une partie que lorsqu’elle a été saisie sur renvoi d’une juridiction nationale
de cassation, cette circonstance n’ayant aucune incidence sur l’instruction du
recours.
2 – La
signification du recours et les échanges[37] d’écritures et pièces
Le Greffier en chef signifie
le recours conforme aux autres parties au moyen de la consignation ci-dessus
indiquée, aux adresses des défendeurs telles qu’indiquées dans le recours.
La partie qui reçoit du
Greffier en chef signification du recours déposé à la Cour dispose d’un délai
de trois mois à compter de ladite réception, augmenté des délais de distance,
pour faire parvenir à la Cour son mémoire en réponse. Ce mémoire qui doit
obligatoirement être déposé par un avocat muni d’un mandat spécial[38],
doit contenir aussi élection de domicile au lieu où siège la Cour à Abidjan,
l’indication de la date à laquelle le recours lui a été signifié, les
conclusions et les moyens ainsi que les autres pièces énumérées à l’article
28-3.
Il est important d’indiquer
que le mémoire en réponse doit en effet répondre point par point et de manière
précise aux différents moyens articulés et développés par le demandeur au
pourvoi. Si le défendeur au pourvoi a une fin de non recevoir à opposer au
requérant, il doit le faire dès le dépôt de son mémoire. L’article 32-1 précise
que « toute exception à la
compétence de la Cour ou à la recevabilité du recours doit être présentée dans
le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanant de la
partie soulevant l’exception… ». La partie qui ne se conforme pas à
cette exigence voit son exception déclarée irrecevable comme tardive. Tel a
notamment été le cas dans une cause où la Cour a retenu que « si le mémoire en réponse est parvenu à la
Cour de céans le 20 janvier 2003, soit dans le délai requis, ledit mémoire ne
s’est limité qu’à répondre aux moyens du pourvoi sans soulever une quelconque
exception de procédure ; que l’exception d’irrecevabilité soulevée ne l’a
été que dans le mémoire en duplique daté du 06 juin 2003 et reçu au Greffe de
la Cour de céans le 10 juin 2003 ; qu’en application des dispositions sus
énoncées de l’article 32.1, la SGBC aurait dû présenter l’exception
d’irrecevabilité du présent pourvoi qu’elle soulève dans le délai à lui imparti
par la Cour de céans pour le dépôt de sa première pièce de procédure… »[39].
Mais la Cour, qui n’est pas tenue de répondre immédiatement à l’exception, peut
la joindre au fond par arrêt avant-dire-droit[40],
bien que l’article 17 du Traité dispose que « l’incompétence manifeste de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
peut être soulevée d’office ou par toute partie au litige in limine litis. La
Cour statue dans les trente jours ».
Pour éviter de tomber dans
certains travers, la meilleure approche lorsqu’il faut répondre à un recours
consiste à examiner au préalable si toutes les conditions de compétence de la
Cour, ainsi que celles de recevabilité dudit recours ont été remplies. Si
certaines conditions font défaut ou n’ont pas été observées, on les soulève et
on axe les premiers développements là-dessus, en sollicitant l’incompétence ou
l’irrecevabilité du recours. Si par contre toutes les conditions ont été
observées, on passe au fond pour peaufiner son argumentaire. Ce n’est que
lorsque ces problèmes sont évacués que les écritures peuvent être prises sur
l’ensemble du dossier, notamment sur le fond, puis transmises à la Cour. Un
mémoire ficelé de cette façon n’aura plus besoin d’être appuyé par des répliques.
En somme, s’agissant du
mémoire en réponse, le formalisme paraît moins important ici, puisqu’il est
simplement question de répondre aux moyens de l’adversaire qu’on peut même
balayer d’un revers de la main s’ils ne sont pas pertinents. Mais une question
non moins importante s’impose : est-il possible, à la lecture des moyens
du requérant, de former par ses écritures un pourvoi incident ?
Le Règlement de procédure est
muet sur la question. Mais nous pensons que rien n’interdit au défendeur au
pourvoi de former dans son mémoire en réponse un pourvoi incident dont la Cour
décidera de la recevabilité.
Au reçu par le Greffier en
chef du mémoire en réponse, ce dernier le signifie à nouveau à la partie requérante, cette fois par
l’intermédiaire de son domicile élu au lieu du siège de la Cour lorsque cette
partie réside en dehors dudit siège. Celle-ci dispose dès lors d’un délai de 15
jours à compter de la réception pour, si elle l’estime utile, solliciter de
Monsieur le Président de la Cour l’autorisation d’y répliquer.
Si dans le délai de 15 jours
à elle imparti cette partie ne sollicite pas l’autorisation de déposer des
répliques[41], elle ne pourra plus le
faire et le dossier est censé être en état.
Si par contre elle sollicite
l’autorisation dans ledit délai, deux situations possibles peuvent se
présenter :
-
le Président refuse d’autoriser le dépôt des
répliques, pour une raison ou pour une autre. Dans ce cas, le dossier est censé
être en état de recevoir une décision et il est dès lors introduit dans le
circuit de traitement à décrire ci-dessous.
-
Le Président autorise la partie concernée à
déposer des répliques. Dans ce cas, il lui impartit un délai pour le faire,
naturellement augmenté des délais de distance. Ce délai est très souvent de 15
jours à compter de la réception de l’autorisation, laquelle autorisation est
accordée par simple lettre[42]
adressée à cette partie.
Le même cheminement ci-dessus
décrit est observé par le Greffier en chef lorsqu’il reçoit le dépôt des
répliques. Il doit en effet les notifier à l’autre partie et lui impartir 15
jours pour faire savoir si elle entend déposer des dupliques et auquel cas
solliciter l’autorisation du Président de la Cour à cet effet, lequel procède
comme il vient d’être dit plus haut.
Il convient de faire observer
que de l’article 31-1 du Règlement de procédure donne la latitude au Président
de la Cour d’autoriser, d’office, le dépôt de mémoire en réplique ou en
duplique ou tout autre mémoire, lorsqu’il le juge nécessaire. A notre avis,
cette disposition est difficile à mettre en pratique, dans la mesure où il
faudra impérativement compulser chaque fois, voire étudier le dossier de
procédure en vue d’apprécier la nécessité de déposer de nouvelles écritures.
C’est sans doute la raison pour laquelle le Président n’autorise les dépôts de
nouvelles écritures qu’à la demande des parties, ceci participant du souci
d’avoir le plus d’éléments possibles pour rendre des décisions qui reflètent
l’application stricte et éclairée du droit.
Au-delà de toutes
considérations, il est important de s’interroger sur l’opportunité de tels
échanges qui revêtent les apparences d’un jeu de ping-pong lorsqu’on sait que
le dossier qui arrive à la Cour a déjà été suffisamment instruit en instance et
ne recèle pratiquement rien de nouveau, toute chose qui rend inutile une
nouvelle et interminable instruction. Il est question pour les parties en
cassation, en effet, de contester pour l’une la décision qui a été rendue,
notamment en indiquant en quoi elle a violé les textes, et pour l’autre de
démontrer qu’il a été bien jugé. Pour ce faire, les écritures déposées en une
seule fois par les parties doivent contenir le maximum d’éléments pouvant
permettre à la haute juridiction d’exercer son contrôle sur la décision
attaquée, sans avoir besoin de production d’informations complémentaires ou de
nouvelles écritures. De la sorte, toute partie qui ne mettra pas la Cour dans
la possibilité d’exercer pleinement son rôle verra celle-ci en tirer toutes les
conséquences de droit. Ceci permettra à la Cour d’éviter de se rendre complice,
à son insu, de dilatoires dont le but inavoué est de paralyser l’aboutissement
de procédures dont le sort est parfois déjà scellé depuis longtemps. D’autant
plus que si la Cour autorise une partie à déposer des répliques, il serait illogique,
voire attentatoire au principe du contradictoire de refuser à l’autre partie
l’autorisation de déposer des dupliques.
Par ailleurs, nous pensons
raisonnablement que pour éradiquer définitivement les lenteurs occasionnées par
les significations et autres communications entre les parties et le Greffier en
chef, il conviendrait de les supprimer purement et simplement, et mettre en
place un nouveau mécanisme qui permet aux parties d’échanger entre elles les
écritures et pièces contre décharges qu’elles déposent à la Cour.
Concrètement, il est possible
d’exiger que tout recours ne soit déposé qu’avec la preuve qu’il a été
préalablement signifié à l’autre partie et les pièces communiquées. Cette autre
partie disposerait alors d’un délai à compter de cette signification pour
déposer à la Cour un mémoire en réponse. Cela est d’autant faisable que les
parties très souvent relèvent de la même nationalité et ont des avocats qui
appartiennent au même Barreau et qui peuvent se faire des significations et
communications plus simplement sans avoir à passer par la Cour. Ainsi, les
recours auront toutes les chances d’être en état dès leur dépôt, ou en tout cas
ne mettront plus autant de temps qu’actuellement pour être en état.
C - LE
JUGEMENT DU POURVOI
Cette phase est celle qui
voit le prononcé de la décision de la Cour. Elle comporte deux étapes, à savoir
l’examen du dossier et la rédaction du rapport (1), et le prononcé en audience
publique de l’arrêt de la Cour (2).
1 – La
rédaction du rapport
Après l’attribution du
dossier à une chambre, le rapport du juge-rapporteur désigné par le Président de la chambre
concernée rédige un rapport (b), lequel est précédé par une note juridique
rédigée par l’Assistant Juriste Référendaire (a) qui épluche le dossier en
premier[43].
a – La
rédaction de la note juridique par l’assistant juriste
La fonction d’Assistant
Juriste Référendaire[44],
qui n’existe formellement ni de part le Traité, ni de part le Règlement de
procédure de la Cour, mais qui est d’une importance capitale dans le processus
de traitement des recours, a été créée pour permettre un travail en amont
destiné à alléger le travail de la Cour. En effet, le Président désigne aussi
un Assistant Juriste chargé d’étudier le dossier, de faire des recherches
documentaires, doctrinales et jurisprudentielles et de rédiger une note
juridique. Cette note juridique doit ressortir :
-
l’esquisse des faits de la cause et la
procédure suivie ;
-
les moyens de cassation et de réponse des
parties ;
-
les problèmes juridiques auxquels la Cour doit
répondre ;
-
le cas échéant, la jurisprudence antérieure de
la Cour se rapportant aux cas similaires ;
-
les diverses propositions de solutions.
Ce travail de fourmis,
indispensable pour un traitement efficient du dossier, permet de réduire
considérablement le temps mis par le juge rapporteur à ficeler son rapport et
partant le temps mis par la Chambre à préparer la décision.
Il est signaler qu’il a été
aussi assigné aux Assistants Juristes par la Manuel des procédures actuellement
en vigueur au sein de l’Institution la tâche d’assister le Greffe dans la mise
en état des dossiers. S’il est vrai que l’Assistant Juriste n’est pas
formellement associé à la mise en état des dossiers, il faut tout de même noter
que dans le travail qu’il fait en amont, il relève les irrégularités, lorsqu’il
y en a et saisit le Greffier en chef qui, en vertu de l’article 28.5 du
Règlement de procédure, invite la partie concernée à régulariser son recours.
Entretemps, le dossier qui était déjà entre les mains d’un Assistant Juriste est
soit retourné au greffe en attendant l’accomplissement de la diligence, soit
simplement mis en instance.
Nous ne pouvons nous abstenir
de relever sur ce point précis une autre porte ouverte au dilatoire, dans la
mesure où, quand bien même le Greffier en chef en demandant de régulariser le
recours, impartit un délai pour le faire, cela intervient lorsque l’instruction
est pratiquement close, très souvent une, deux ou trois années auparavant. D’où
l’impérieuse nécessité de relire cette disposition du Règlement de procédure et
supprimer entre autres l’alinéa 5.
La note juridique de
l’Assistant Juriste rendue, le dossier est retourné au Greffe qui est chargé de
le transmettre à nouveau au Président de chambre pour remise au
Juge-rapporteur.
b – Le
rapport du juge-rapporteur
Le juge-rapporteur est celui
désigné par le Président de la Cour pour le traitement d’un dossier précis. Aux
termes de l’article 24-2 du Règlement Intérieur de la Cour en matière
contentieuse « pour chaque dossier,
le Président désigne un juge-rapporteur. Celui-ci fait une analyse du dossier
dont il présente les résultats sous forme d’un Rapport accompagné d’un projet
d’Avis ou d’Arrêt ».
En effet, l’article 9 du
Règlement de Procédure précise que la Cour siège en formation plénière, mais peut
également se constituer en Chambres[45]
de trois ou cinq juges présidées par le Président de la Cour ou l’un des
Vice-présidents. Pour l’heure, la CCJA fonctionne avec trois Chambrées
présidées, la première par le Président de la Cour lui-même, la deuxième par le
Premier Vice-président et la troisième par le Deuxième Vice-président.
Dans ce mode de
fonctionnement, les dossiers sont côtés par le Président de la Cour aux
Chambres dont les Présidents se chargent de désigner les rapporteurs en leur
sein.
Le rapporteur désigné procède
comme il est dit plus haut et produit un rapport et un projet d’arrêt. Ce
rapport fera l’objet de débats, puis adopté, le cas échéant, après
délibération. Le rapport, inspiré ou pas par la note juridique précédemment
rédigée par l’Assistant Juriste, propose une solution définitive qui peut être
adoptée ou modifiée lors de la séance en Chambre.
Si la solution proposée dans
le rapport est agréée en chambre, aussi bien le rapport que le projet d’arrêt
sont adoptés. Dans le cas contraire, une autre solution est proposée, soumise à
discussion et donne lieu à une position commune qui fera l’objet d’un autre
projet d’arrêt à adopter. Les dossiers ainsi traités, il ne reste plus à la
Cour qu’à programmer une ou des audiences à l’effet de les vider.
2 – L’audience
publique
Lorsque la Chambre a bouclé
ses dossiers par l’adoption des différents rapports et autres projets d’arrêts,
il ne reste plus qu’à fixer une date (A) en vue de la tenue de l’audience pour
le prononcé des décisions (B).
a – La
fixation de la date d’audience
Aux termes de l’article 20 du
Règlement de Procédure de la Cour « les
dates et heures des séances de la Cour sont fixées par ordonnance du Président »[46].
Mais il s’agit là d’une décision fixant globalement les jours de la semaine,
ainsi que les heures auxquelles doivent se tenir les audiences de la Cour. Ce
cadre général fixé, il reste convoquer une audience toutes les fois où des
dossiers sont en état de faire l’objet des décisions.
Ainsi, à la demande du
Président de la Cour ou du Président de la Chambre dont les dossiers sont
prêts, le Greffier en chef arrête une date d’audience. Il adresse par la suite
convocations aux parties par l’intermédiaire de leurs domiciles élus, le cas
échéant, et leur indique que leur cause sera appelée et vidée en audience
publique.
b – La
tenue de l’audience
Advenue l’audience indiquée,
la cause est appelée. Bien que la procédure suivie soit orale ou écrite (1),
cela n’a pas d’incidence sur la décision
prononcée par la Cour (2).
b1 – La procédure
suivie
La procédure suivie est en
principe écrite (b) et exceptionnellement orale (a).
·
La procédure orale
Elle est organisée de manière
assez laconique par les articles 34 à 38 du Règlement de procédure.
Le principe posé par
l’article 34-1 du Règlement de procédure est celui du caractère essentiellement
écrit de la procédure à la CCJA.
Le même texte admet cependant
exceptionnellement la possibilité d’organiser dans certaines affaires une
procédure orale, mais seulement à la demande des parties.
Cependant, il semble, pour
notre part, que la procédure orale dont il est question ici n’en est pas
véritablement une au sens propre de l’expression. Il s’agit en réalité de la
possibilité donnée aux parties de développer oralement, à l’audience, les points
soulevés dans leurs écritures et autres pièces précédemment déposées et
communiquées entre elles. Car on ne saurait d’organiser une procédure
entièrement orale puisque dans cette hypothèse, les juges, à l’audience,
auraient de la peine à saisir les débats et les plaidoiries qui seraient forcément longs et ennuyeux.
La nature de cette procédure,
eu égard à ses contraintes, commande qu’à l’issue des débats et des plaidoiries
(qui peuvent prendre des heures), la Cour se retire pour délibérer et peut même
renvoyer le prononcé de la décision à plus tard. La lourdeur de cette procédure
et ses contraintes font que la Cour n’y recourt pas assez, d’autant plus que
les éléments déposés par les parties sont généralement suffisants pour lui
permettre de se prononcer en toute connaissance de cause. Certes, la présence
des parties à l’audience par l’intermédiaire de leurs conseils permet à la Cour
de leur poser directement des questions ou de leur demander de l’éclairer sur
tel ou tel aspect flou du dossier en vue d’une meilleure compréhension, mais il
est fort probable que les débats et plaidoiries ne changent rien ou pas grand
chose à sa conviction.
Par ailleurs, il paraît
toujours plus sécurisant pour la partie de déposer des écritures et pièces, car
ne dit-on pas que les paroles s’envolent et les écrits restent ? D’où
l’importance de la procédure écrite.
·
La procédure écrite
La procédure écrite est celle
décrite plus haut. Elle est organisée par les articles 27 à 33 du Règlement de
Procédure et s’achève, tout comme la procédure orale, par le prononcé d’une
décision. Il nous paraît inutile de revenir sur cet aspect qui a déjà fait
l’objet d’abondants développements. Il convient plutôt de s’appesantir sur les
décisions à rendre par la Cour.
b2 – Le
prononcé de la décision
La Cour statue par arrêt (a).
Mais dans certains particuliers expressément prévus par le Règlement de
procédure, elle se prononce par ordonnance (b).
Les
arrêts rendus par la Cour
La CCJA rend des arrêts qui
peuvent être tantôt d’irrecevabilité, tantôt d’incompétence, tantôt de rejet du
recours, tantôt d’annulation de la décision attaquée, tantôt de cassation de
l’arrêt déféré. L’arrêt de la Cour, qui doit être rendu en audience publique,
les parties dûment convoquées, a force obligatoire à compter du jour de son
prononcé (art. 40 et 41 Règlement de procédure). En outre, quelque soit l’arrêt
rendu, il doit être statué sur les dépens de l’instance tel qu’il est exigé par
l’article 43.1 du Règlement. En vertu de l’article 43.2, les Conseils des
parties peuvent faire taxer par ordonnance du Président de la Cour leurs frais
récupérables[47].
·
Arrêt d’irrecevabilité
Ainsi que nous l’avons relevé
plus haut, lorsque le recours n’est pas conforme aux dispositions de l’article
28 du Règlement de procédure et en l’absence de régularisation, la Cour le
déclare irrecevable.
·
Arrêt d’incompétence
Lorsque la décision déférée à
la censure de la haute Cour ne rentre pas dans le cadre de sa compétence telle
que définie par l’article 14 alinéa 3 et 4 du Traité, la Cour se déclare
incompétente à statuer.
·
Arrêt de rejet
Lorsque les moyens invoqués à
l’appui du recours ne sont pas pertinents, donc de nature à justifier la
cassation de l’arrêt attaqué, la Cour rejette le pourvoi. C’est notamment le
cas lorsqu’elle estime qu’il a été bien jugé et qu’aucun texte ou Acte Uniforme
n’a été violé[48].
·
Arrêt d’annulation
Ici précisément, il s’agit de
l’arrêt rendu sur recours fondé sur les articles 18 du Traité et 52 du
Règlement de procédure tel qu’il a été explicité plus haut. Il s’agit également
de certains arrêts annulant des ordonnances des juridictions suprêmes
nationales ordonnant les sursis à exécution en violation du droit uniforme.
·
Arrêt de cassation
La décision rendue ici est
l’anéantissement par la cassation du jugement (en matière immobilière
précisément) ou de l’arrêt dont pourvoi. Ici, la Cour fait droit au recours en
cassation, soit en se fondant sur un ou plusieurs moyens pertinents développés,
soit en se fondant sur un moyen relevé d’office, comme un moyen de pur droit[49].
L’élément majeur qui est une
particularité de cette juridiction est que la Cour ne se contente pas de casser
l’arrêt comme les autres juridictions de cassation. En effet, l’article 14-5 du
Traité dispose qu’en cas de cassation « elle évoque et statue sur le
fond ». Il est donc question pour la Cour de se saisir de l’entier litige
et de le réexaminer. Ainsi donc, le pouvoir d’évocation dont elle est investie
lui confère cette prérogative « d’examiner
complètement le dossier d’une affaire, de le réformer, de corriger les erreurs
de qualification des juges primitivement saisis, de relever toutes les
circonstances légales qui accompagnent les faits »[50].
La Cour peut-elle évoquer et statuer au fond sans rentrer dans les faits de la
cause ?
Il n’est en effet pas
possible que la Cour évoque et statue au fond sans examiner les faits. En le
faisant, il cesse d’être simplement une juridiction de cassation pour devenir
un troisième degré de juridiction. D’aucuns ont trouvé dans cette « immixtion du juge de cassation dans les faits »[51]
des dangers qui amènent à se demander entre autres si elle reste une véritable
juridiction communautaire.
L’exercice de son pouvoir
d’évocation par la Cour l’amène à devoir, entre autres, apprécier l’application
par le juge national, de la loi interne. C’est l’épineux problème des pourvois
mixtes, c’est-à-dire des pourvois dont l’examen appelle à la fois
l’interprétation et l’application aussi bien de la législation harmonisée que
la législation nationale. La CCJA retient sa compétence et en arrive à casser
des arrêts de Cour d’Appel pour violation de dispositions du droit national[52],
et à annuler des arrêts de Cour Suprême nationale ayant statué en cassation
dans les matières relevant de la législation harmonisée[53].
Ce qui crée du coup un risque de « divergence
jurisprudentielle entre le juge supranational et le juge suprême national ».
Le risque est d’autant
présent que la Cour ne dispose pas toujours des textes législatifs applicables
dans les Etats Parties. Quand bien même elle disposerait de ces textes, elle
pourrait en donner des interprétations différentes de celles que les cours de
cassation nationales ont données à travers leur jurisprudence.
Pour éviter les incohérences
jurisprudentielles et enrayer les problèmes engendrés par la mise en ouvre du
pourvoir d’évocation de la CCJA, plusieurs experts ont proposé tantôt sa
réforme, tantôt son encadrement. En effet, certains ont suggéré « la rétrocession pure et simple du pouvoir
d’évocation aux juridictions d’appel, en impartissant toutefois un délai de
douze (12) mos à compter de la cassation à la Cour pour vider sa saisine »[54],
ou alors le maintien du pouvoir d’évocation, mais uniquement lorsque la CCJA
casse pour une seconde fois.
D’autres par contre pensent
que l’évocation, loin d’être un impératif, devrait être une faculté pour la
CCJA qui devrait pouvoir en apprécier souverainement l’opportunité, car elle
seule « doit décider si les
conditions de l’évocation sont réunies, en particulier, si l’affaire est
susceptible de recevoir une décision définitive »[55].
De ce fait, elle pourrait évoquer partiellement sur les questions touchant aux
matières harmonisées, et renvoyer la cause aux juridictions internes en ce qui
concerne le droit interne, d’une part, et refuser d’évoquer dans certains cas,
notamment « lorsqu’elle estime que
les juges internes seront mieux à même de rendre une décision satisfaisante sur
le fond, en raison de la méconnaissance de l’état de la jurisprudence locale
sur des questions dont elle n’a pas la totale maîtrise »[56],
d’autre part.
Quoiqu’il en soit, le pouvoir
d’évocation de la haute Cour mérite d’être revu à la perfection. En attendant,
elle casse et annule la décision à elle déférée et statue dans le sens dont
elle estime que les juges de fond auraient dû se prononcer. La décision ainsi
rendue n’est plus susceptible d’aucun recours, à l’exception des voies de
recours extraordinaires susceptibles d’être exercées. Cependant, la Cour rend
aussi des ordonnances dans certains cas limitativement énumérés.
Le cas particulier des Ordonnances rendues par
la Cour
Le Règlement de procédure de
la Cour a prévu plusieurs hypothèses où celle-ci peut être amenée à statuer par
voie d’ordonnance. Ce qui exclut conséquemment la tenue d’audiences.
Ainsi, l’article 32-2 dispose
« lorsque la Cour est manifestement
incompétente pour connaître du recours ou lorsque celui-ci est manifestement
irrecevable ou manifestement non fondé, elle peut à tout moment rejeter ledit
recours par voie d’ordonnance motivée ». L’expression « à tout
moment » signifie justement que la Cour n’a pas besoin de fixer une
audience, encore moins convoquer les parties, et peut se prononcer toutes les
fois où, que ce soit à l’introduction du recours, lors de son instruction ou de
son examen, elle se rend compte que les conditions sont réunies pour que
l’article 32-2 s’applique. Cependant, qu’elle sanctionne l’incompétence
manifeste de la Cour, l’irrecevabilité manifeste du recours, ou encore le
caractère manifestement non fondé du recours, l’ordonnance rendue par la Cour
est celle de rejet. Bien qu’elle doive en principe être rendue par plusieurs
juges, cette décision demeure une ordonnance qui n’est pas rendue en audience
publique.
La Cour statue aussi par voie
d’ordonnance rendue par le Président seul à la demande d’une partie en cas de
désistement[57].
Par ailleurs, lorsque la Cour
est saisie d’une demande de sursis à exécution de sa propre décision, le
Président statue par voie d’ordonnance motivée non susceptible de recours ainsi
qu’il est spécifié à l’article 46 du Règlement. L’ordonnance ainsi rendue peut
faire droit à la demande ou la rejeter[58].
En définitive et d’une
manière générale, les décisions rendues par la Cour en matière contentieuse ne
sont plus susceptible de voies de recours. Néanmoins, certaines voies de
recours extraordinaires sont prévues par la Règlement de procédure.
[1] Article 1er Traité
OHADA
[2] L’article 3 du Traité OHADA
révisé a érigé la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements en
institution de l’organisation.
[3]
L’article 21 alinéa 2 du
Traité dispose que « la Cour commune
de justice et d’arbitrage ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme
ou confirme les arbitres, est informé du déroulement de l’instance, et examine
les projets de sentences… »
[4] Revue de l’ERSUMA, numéro
spécial novembre/décembre 2011, P. 59 ; Voir aussi http://revue.ersuma.org
[5] Article 55-3 du Règlement de
procédure
[6] CCJA, AVIS N° 01/2006/JN du 17 octobre 2006, in Recueil de jurisprudence de la
CCJA n°11, janvier – juin 2008, P. 129 et suiv.
[7] CCJA, AVIS N° 01/2006/JN du 17 octobre 2006, cité plus haut : dans cette
cause, le Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville avait sollicité
l’avis de la Cour alors qu’elle s’était déjà prononcée et l’affaire était
désormais pendante devant la Cour d’appel de Brazzaville. La CCJA a « Dit n’y avoir lieu à avis sur l’objet de la
demande ».
[8] Cela est d’ailleurs corroboré
par l’avis n°01/2006/JN ci-dessus où la Cour s’est réunie en Assemblée Plénière
pour dire n’y avoir lieu à avis.
[9] Actes du colloque sur le droit
communautaire en Afrique « De la concurrence à la cohabitation des droits
communautaires », du 24 au 26 janvier 2011 à Cotonou, publiés par
l’ERSUMA, 1èr édition, octobre 2011.
[10] Extrait
de l’ouvrage « La saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA
en matière contentieuse : guide pratique à la lumière de la jurisprudence »
[11] Voir en
annexe Décision 002/99/CCJA du 04 février 1999 Augmentant les délais de
procédure en raison de la distance.
[12] Voir en
annexe Décision n°009/2011/CCJA du 16 mai 2011 Suspendant les délais de
procédure en raison de la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire
[13] CCJA,
Arrêt n°017/2005 du 24 février 2005, Recueil CCJA n°5, P. 11. Voir dans le même
sens CCJA, Arrêt n°029/2009 du 3à Avril 2009, Recueil CCJA n°13, P. 17.
[14] CCJA,
arrêt n°004/2007 du 1er février 2007, Recueil n°9, P.5
[15]
Bien que le texte ne le précise pas expressément, il s’agit de l’expédition de
la décision telle que délivrée par le Greffe, et non une photocopie de
l’expédition ou de la grosse, encore moins de la copie-grosse.
[16]
Il est important de noter comme l’a indiqué la Cour, que « la signification d’un arrêt n’est pas la condition du recours
contre celui-ci (…) mais marque plutôt le point de départ de la computation du
délai dans lequel le recours doit être exercé » CCJA, arrêt n°030/2010
du 29 avril 2010, Recueil n°15, P.156
[17]
Répondant à une fin de non recevoir tirée du défaut de production par le
recourant personne morale de ses statuts harmonisés, la Cour a indiqué qu’il
était juste question de produire les statuts ou un extrait du registre de
commerce ou toute autre preuve de son existence juridique : CCJA, arrêt
n°058/2005 du 22 décembre 2005.
[18]
La question s’est posée de savoir si un avocat agissant pour son propre compte
a besoin de produire un mandat spécial. La Cour a répondu par la négative en
précisant que «il n’est pas contesté que
la requérante est avocate inscrite au Barreau du C… et qu’à ce titre elle peut
représenter tout justiciable devant la Cour de céans ; qu’il serait
contraire à l’esprit du texte sus énoncé (art.23) de la priver de son droit d’agir
par elle-même ; que l’on ne saurait lui exiger de produire un mandat
spécial qu’elle se serait donné à elle-même… » CCJA, arrêt n°010/2004
du 26 février 2004, Recueil n°3, P.24
[19]CCJA,
arrêt n°030/2010 du 29 avril 2010, Recueil n°15, P.156
[20]
D’aucuns ont cru que ce domicile élu devait obligatoirement être un Cabinet
d’Avocat, ce que le texte ne dit. On peut néanmoins comprendre que compte tenu
de la délicatesse du recours et des diligences y afférentes, les Avocats soient
prudents en optant pour l’élection de domicile aux cabinets d’avocats, supposés
à même d’apprécier l’importance et l’urgence des diligences et des délais à
agir.
[21]
En RDC par exemple, l’article 103 de l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 28 Septembre
1979 portant Organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du
corps des mandataires de l’Etat dispose «le
droit de postuler et de conclure, d’assister et de représenter les parties
devant la Cour Suprême de Justice siégeant comme juridiction de cassation
appartient exclusivement aux avocats de la Cour Suprême de Justice »
[22] CCJA,
arrêt n°04/2001 du 11 octobre 2001, Recueil n° spécial janvier 2003 ; CCJA, arrêt n°006/2001 du 11 octobre 2001,
même Recueil ; CCJA, arrêt n°005/2002 du 10 janvier 2002, dans le même
recueil ; arrêt n°025/2009 du 30 avril 2009, Recueil n°13, P.13
[23] CCJA,
arrêt n°032/2010 du 03 juin 2010, Recueil n°15
[24] CCJA,
arrêt n°057/2008 du 11 décembre 2008, Recueil n°12, P.19
[25] CCJA,
arrêt n°004/2005 du 27 janvier 2005, Recueil n°5 Vol.1, P.5
[26] CCJA,
arrêt n°009/2003 du 24 avril 2003, Recueil n°1, P.7 ; arrêt n°006/2005 du
27 janvier 2005, Recueil n°5
[27] CCJA,
arrêt n°008/2009 du 26 février 2009, Recueil n°13, P.8
[28] CCJA,
arrêt n°020/2010 du 25 mars 2010, Recueil n°15, P.26
[29] « qu’ainsi
la procédure relative à la rétention exercée sur la provision des comptes étant
engagée le 19 janvier 2006 par exploit d’huissier devant le juge des référés du
Tribunal de Première Instance de Conakry, elle relève désormais, en cassation,
de la compétence de la Cour de céans par application de l’article 14 du
Traité; que la Cour Suprême de Guinée s’étant par conséquent déclarée
compétente à tort pour connaître du pourvoi en cassation exercé par les
Etablissements… contre les arrêts n°…
et n°… de la Cour d’Appel de Conakry, sa décision est réputée nulle et non
avenue en application de l’article 18 du Traité précité »
[30] Cour
Suprême de Côte d’Ivoire, arrêt n°24/05 du 13 Janvier 2005.
[31] Recueil
CCJA n°12, P. 150
[32] CCJA,
arrêt n°031/2004 du 04 novembre 2004, Recueil n°4, P.48 ; Voir aussi arrêt
n°015/2008 du 24 avril 2008, Recueil n°11, P.114
[33] Birika
Jean-Claude BONZI, commentaires sous article 28 du Règlement de Procédure CCJA,
in OHADA, Traité et Actes Uniformes commentés et annotés, 3è Ed. 2008,
Juriscope.
[34] « En matière contentieuse, pour chaque
affaire, il sera constitué par la partie demanderesse une provision dont le
montant sera fixé par le Greffier en Chef de la Cour(…) Toute contestation
relative au montant fixé est tranchée par une ordonnance du Président »
Articles 32 Règlement Intérieur de la Cour en matière contentieuse et 2 de la
Décision n°003/99/CCJA du 04 février 1999 fixant les tarifs des actes du greffe
de la CCJA (voir l’intégralité de ces textes en annexes).
[35] Il
convient de noter que le Greffier en chef peut toujours saisir le Président de
la Cour qui ordonne, en cas de besoin, le versement d’un supplément de
consignation.
[36] Article
24 Règlement de Procédure
[37] Il ne
s’agit pas à proprement parler d’échanges directs ici entre les parties. Nous
utilisons le terme pour illustrer le respect du principe du contradictoire qui
veut que tout ce que chaque partie dépose dans le cadre de la procédure soit
transmis à l’autre pour ses observations.
[38] Le
ministère d’Avocat étant obligatoire devant la Cour, l’obligation de produire
un mandat spécial incombe aussi à l’avocat du défendeur au pourvoi, faute de
quoi ses mémoires en réponse et en duplique sont déclarés irrecevables, même si
ceux-ci revêtent la signature de l’avocat chez qui domicile a été élu à Abidjan
en vertu de l’article 28 alinéa 3 : CCJA, arrêt n°030/2005 du 26 mai 2005,
Recueil n°5, P.18
[39] CCJA,
arrêt n°013 du 18 mars 2004, Recueil n°3, P.101
[40] CCJA,
arrêt n°016/2003 du 29 juillet 2003, Recueil n°2, P.47
[41]
D’aucuns, pour ne pas perdre inutilement du temps, écrivent immédiatement en
réponse au Greffier en chef pour lui indiquer qu’ils n’entendent pas répliquer
ou déposer de nouvelles écritures.
[42] M.
BONZI cité plus haut s’interrogeait déjà, dans son commentaire sous l’article
31 du Règlement de Procédure, sur la forme de l’autorisation accordée par le
Président de la Cour
[43] Il
convient d’indiquer qu’en raison de la complexité d’un dossier ou de l’importance
des questions juridiques qu’il soulève, celui-ci peut être examiné en Assemblée
plénière regroupant tous les membres de la Cour.
[44] Cette
fonction n’a été ni pensée, ni créée au moment d’instituer la Cour. Malgré son
encrage aujourd’hui incontestable et même incontournable dans la chaîne de
traitement des recours, l’Organisation tarde encore à définir un statut
juridique précis de l’Assistant Juriste.
[45] Voir en
annexe Décision n°46/2011/CCJA du 10 juillet 2011 de Monsieur le Président
créant trois chambres de trois juges à la CCJA
[46] Voir en
annexe l’Ordonnance n°017/2001 du 05 septembre 2001 fixant les date et heure
d’audience.
[47]
Ordonnance n°001/2009/CCJA du 19 janvier 2009, Recueil n°13, P.173
[48] En
application de l’article 32 alinéa 2 du Règlement de Procédure, un recours peut
aussi être rejeté par voie d’ordonnance lorsqu’il est manifestement non fondé
[49] Moyen
qui peut « être mis en œuvre par la Cour de Cassation sans que celle-ci
ait de quelque manière que ce soit à se livrer à une appréciation des faits à
laquelle les juges du fond n’auraient pas déjà procédé » :
Marie-Noëlle Jobard-Bachelier et Xavier Bachelier : La technique de
cassation, Pourvois et Arrêts en matière civile, Dalloz, 6è Ed, 2006, P.6
[50] Bakary DIALLO, Réflexions sur le pouvoir
d’évocation de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dans le cadre du
Traité de l’OHADA, in Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des
Affaires n°001, P.57
[51] Bakary DIALLO sus cité
[52] C’est
notamment, à titre purement indicatif, le cas lorsque dans une matière relevant
de la législation harmonisée, la voie de recours exercée au plan national, sur
renvoi de la loi communautaire, n’a pas été conforme à la disposition du droit
national de renvoi.
[53] Voir
supra, arrêt n°038/2008 du 17 Juillet 2008
[54] Félix
ONANA ETOUNDI et Pierre BOUBOU : La problématique de l’Unification de la
jurisprudence par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, Coll. Pratique et
Contentieux de Droit Communautaire, Ed. Droit au Service du Développement,
février 2008, P.27
[55] Bakary
DIALLO, ibid. P.76
[56] Bakary
DIALLO, ibid. P.77
[57] Voir
plus haut les développements sur le désistement et la radiation.
[58] Voir
Ordonnance n°01/2004/CCJA du 28 janvier 2004, Recueil n°3, P.142