vendredi 1 juin 2012

AVIS CCJA: La Radiation: Effets.


ORGANISATION POUR L’HARMONISATION

EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES

                        (OHADA)

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COUR COMMUNE DE JUSTICE

            ET D’ARBITRAGE

                         (CCJA)

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               Assemblée Plénière

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Demande d’Avis  de la République du BURKINA FASO



AVIS N° 01 /2012 du 19 Mars 2012



Séance du 19 mars 2012

     

      La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, réunie en formation plénière à son siège le 19 mars 2012;



      Vu le Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, notamment en ses articles 10 et 14;



      Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) notamment en ses articles 9, 53, 54, 55 et 58;



      Vu la demande d’Avis consultatif de la République du BURKINA FASO en date du 1er Juin 2009 signée du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, enregistrée au Greffe de la Cour le 03 juin 2009 sous le n° 002/2009/AC et ainsi libellée:

       « Objet: Concours de saisine de la CCJA

                      et de la Cour de Cassation nationale

                      Requête afin d’avis consultatif de la Cour

    [ ... ]

      L’article 16 du Traité OHADA dispose ainsi qu’il suit:



      ‘‘ La saisine de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution. Une telle procédure ne peut reprendre qu’après arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se déclarant incompétente pour connaître de l’affaire.’’



      Une ordonnance de radiation rendue par le Président de votre Cour sur le fondement de l’article 44 du Réglement de procédure, par suite du désistement du demandeur de son pourvoi, ne constitue pas une décision d’incompétence au sens de l’article 16 du Traité; quel serait le sort du pourvoi en cassation pendant devant la Cour de Cassation nationale après la radiation ordonnée du pourvoi devant la CCJA.[?]

   [ ... ]

      Il est de l’intérêt d’une bonne administration de la Justice qu’il soit précisé la portée des règles de compétence en cas de saisine de la CCJA et de la Cour de Cassation nationale.



      L’article 54 du Réglement de procédure de votre Cour dispose que “toute demande d’avis consultatif émanant d’un Etat Partie ou du Conseil des Ministres est présentée par requête écrite. Cette requête formule en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est sollicité. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question”.



      En conséquence, l’Etat du Burkina Faso sollicite l’avis de votre Cour sur la question suivante:

   Dans l’hypothése d’un pourvoi en cassation pendant devant la Cour de Cassation nationale et devant la CCJA, le désistement du pourvoi formé devant la CCJA rend-il irrecevable le pourvoi préalablement formé devant la Cour de Cassation nationale au regard de l’article 16 du Traité?



Pièces jointes:



   - Extrait du Traité de l’OHADA contenant l’Art.16

   - Extrait du Réglement de procédure de la Cour contenant l’Art. 54»;





      Vu les observations de la République du Congo du 07 septembre 2009 enregistrées au greffe de la Cour le 23 octobre 2009;



      Sur le rapport de Monsieur Ndongo FALL, Second Vice-président,



      EMET L’AVIS CI-APRES:

    

       La Cour constate que la demande d’avis comporte à l’analyse deux questions relatives d’une part aux effets de la radiation consécutive à un désistement, d’autre part aux effets relatifs à la radiation prononcée comme mesure d’administration judiciaire.



     Sur la première question relative aux effets de la radiation consécutive à un désistement

     

      L’article 16 sus énoncé du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique vise le cas où la procédure du pourvoi devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se déroule jusqu’à son terme et pose le principe de la suspension de l’instance portée devant la juridiction de cassation nationale qui ne peut être poursuivie que par suite d’un arrêt d’incompétence.

    

      L’article 44 du Règlement de procédure traite d’incidents de procédure susceptibles de survenir avant l’arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en  disposant:

      «1. Si avant que la Cour ait statué, les Parties informent la Cour qu'elles renoncent à toute prétention, le Président ordonne la radiation de l'affaire du registre. Il statue sur les dépens. En cas d'accord sur les dépens, il statue selon l'accord.

      2. Si le requérant  fait connaître par écrit à la Cour qu'il entend renoncer à l'instance, le Président ordonne la radiation de l'affaire du registre.

      La Partie qui se désiste est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens par l'autre Partie. Toutefois, à la demande de la Partie qui se désiste, les dépens peuvent être mis à la charge de l'autre Partie, si cela apparaît justifié du fait de l'attitude de cette dernière. A défaut de conclusion sur les dépens, chaque Partie supporte ses propres dépens».

      Ainsi le Réglement de procédure distingue deux situations avec des effets différents qui s’attachent à la radiation ordonnée par le Président de la Cour, à savoir:

-          La radiation consécutive au désistement par renonciation à toute prétention par la partie demanderesse ou défenderesse au pourvoi et qui a pour conséquence de conférer à la décision attaquée un caractére irrévocable qui s’oppose à toute nouvelle saisine d’une quelconque juridiction ou à la poursuite d’une procédure qui serait pendante devant la Cour de cassation nationale;

-         La radiation consécutive au désistement par renonciation du requérant  à l’instance introduite devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage qui emporte déssaisissement de celle-ci et remet la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant la saisine de ladite Cour

Dès lors rien ne s’oppose, aussi longtemps que la péremption n’est pas acquise, à une nouvelle saisine ou à la saisine ou à la poursuite de l’instance suspendue devant la juridiction nationale qui n’est pas pour autant dispensée de verifier sa compétence et doit se déclarer incompétente,  s’il y a lieu, lorsqu’une partie conformément à l’article 18 du Traité soulève cette incompétence.



      Ces deux cas de radiation spécifiques doivent être distingués de la radiation lato sensu qui est une simple mesure d’administration judiciaire



Sur la seconde question relative aux effets de la radiation prononcée comme mesure d’administration judiciaire.



      La radiation qui est une mesure d’administration judiciaire pouvant aussi être prise à la demande d’une partie ou d’office  comme sanction d’un défaut de diligence des parties  laisse subsister le lien juridique d’instance pouvant être ultérieurement reprise devant la Cour après accomplissement des diligences dont le défaut a entrainé la radiation, dès lors qu’il n’est pas justifié d’un désistement d’action  ou d’une péremption d’instance. Cette radiation n’a aucun effet sur la suspension de la procédure pendante devant la juridiction de cassation nationale.

      Il n’est pas inutile de faire observer à ce propos qu’il appartient à la partie qui a intérêt à mettre un terme à la période de suspension de saisir la Cour suivant la procédure d’urgence de l’article 17 du Traité pour statuer in limine litis sur sa compétence s’il lui apparait que cette saisine est faite à des fins purement dilatoires par l’effet de suspension de la procédure pendante devant la juridiction nationale.



      Le présent Avis a été émis par la CCJA de l'OHADA en sa séance du 19 mars 2012 à laquelle étaient présents:

Messieurs : Antoine Joachim OLIVEIRA,               Président

          Maïnassara MAIDAGI,                              Premier Vice-président

                   Ndongo FALL,                                     Second Vice-président                                                                                                     

                    Doumssinrinmbaye BADHJE,              Juge

                    Namuano Franscisco DIAS GOMES,   Juge

                  Abdoulaye Yssoufi TOURE,           Juge

Madame :   Flora DALMEIDA MELE,                     Juge

Messieurs : Don Victorio OBIANG ABOGO,          Juge

                    Marcel SEREKOÏSSE SAMBA,           Juge

          

et  Maître Paul LENDONGO,                                   Greffier chef ;

Ont signé (illisible)

Le Président                                                                      

                                                                                     le Greffier en chef