lundi 25 janvier 2016

mercredi 6 janvier 2016

AVIS RENDUS PAR LA CCJA EN 2015

Demande d’Avis n°255/SP/DAJ/OHADA/2015 du 21 avril 2015 du Secrétariat Permanent de l’OHADA
                                            
                                               AVIS N° 001 du 17 JUIN 2015
 
La  Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) réunie en formation plénière à son siège le 17 juin  2015
          Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique en ses articles 6 et 7 ;
            Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) notamment en ses articles 9, 53, 54 et 58 ;
            Vu la demande d’Avis consultatif du Secrétariat Permanent de l’OHADA en date du 21 avril 2015 signée de Monsieur le Secrétaire permanent, enregistrée au greffe de la Cour le   sous le numéro   et tendant à recueillir l’avis de la Cour sur le  projet d’Acte uniforme en révision portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) ;
            La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) s’est réunie en formation plénière à Abidjan (République de Côte d’Ivoire), le 17 juin 2015 aux fins d’examiner, pour avis, le projet d’Acte uniforme en révision portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
            Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
 
            La Cour émet un avis favorable à l’adoption dudit projet sous réserves des observations   tant  préliminaires que de forme et de fond  ci-après :
I-             Observations préliminaires
I-1 Présentation
La Cour, conformément à ses avis antérieurs, dont notamment ses avis n°1, 2 et 3 de l’année 1997 et n°1 de l’année 1998, rappelle la présentation de l’Acte uniforme, omise dans le projet à elle soumise. Elle propose la présentation ci-après :
ACTE UNIFORME REVISE PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF
Le Conseil des Ministres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)
·         Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé à Port Louis le 17 octobre 1993, tel que révisé à Québec le 17 octobre 2008, notamment en ses articles 2, 5 à 10 et 12 ;
·         Vu le rapport du Secrétariat Permanent et les observations des Etats Parties ;
·         Vu l’avis n°     en date du    de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
·         Après en avoir délibéré, adopte à l’unanimité des Etats Parties présents et votants, l’Acte uniforme dont la teneur suit :
I-2 Pertinence de la procédure de conciliation
La Cour ne perçoit  pas bien la nécessité et l’opportunité de l’introduction d’une procédure de conciliation qui risque d’alourdir inutilement la recherche de solutions aux difficultés de l’entreprise. Procédure de conciliation susceptible de générer des frais qui vont alourdir le passif de l’entreprise en difficulté. Il vaut mieux permettre, comme c’est le cas actuellement, la saisine directe de la juridiction compétente dès l’apparition des difficultés. La Cour fait remarquer, du reste, que la procédure de règlement préventif est quasiment une forme de conciliation. La Cour rappelle au surplus qu’un Acte uniforme sur la médiation et la conciliation est en cours d’élaboration, lequel s’il est adopté deviendra le droit commun de toute procédure de conciliation dans l’espace OHADA. Elle propose en conséquence la suppression de tous les articles  relatifs à la procédure de conciliation dans le présent projet,  notamment, les articles 1-1, 1-2, 1-3 alinéa 1 et le chapitre I du titre II à savoir les articles 5 jusqu’à l’article 5-14.  
            I-3 Pertinence de la création de la commission nationale
La Cour ne perçoit ni la pertinence ni l’utilité véritable d’un tel organe national, elle note que, l’efficacité même d’une telle commission est chimérique en raison, notamment, de sa composition et du fait qu’elle ne siège que de manière épisodique et qu’elle ne soit pas véritablement un organe des procédures collectives
 
Aussi, la Cour propose la suppression des articles 4 jusqu’à l’article 4-37 créant cet organe complexe et budgétivore ; elle plaide plutôt pour une spécialisation des magistrats tant du siège que du parquet intervenant dans cette matière et un renforcement du pouvoir de contrôle du juge-commissaire et du rôle de veille du ministère public. La Cour souhaite également qu’un regard particulier soit porté par le projet sur le profil des experts intervenant dans cette matière.
II-            Observations de fond ou de forme, article par article
  • L’article premier a été omis du projet transmis, la Cour propose de le récupérer du tableau de bord et de  modifier, dans un souci de cohérence, ses dispositions ainsi qu’il suit : «  Le présent Acte uniforme, qui modifie et remplace l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du 10 avril 1998, a pour objet :
-d’organiser les procédures ………. » ;
·         Article 1-1 : suivant la même logique expliquée dans le tableau de bord, la Cour  estime qu’il est aussi préférable, dans un souci de précision, de viser également expressément les sociétés coopératives dont  la section 2, article 196 de l’Acte uniforme portant sociétés coopératives a prévu la liquidation judiciaire, citée parmi les causes de dissolution de la société coopérative ( chapitre 1, section 1, article 177 de l’Acte uniforme portant sociétés coopératives). 
·         Article 1-3, in fine, la Cour propose d’harmoniser en reconduisant la définition du journal d’annonces légales prévue à  l’article 257 de l’AUDCG GIE. Elle relève, d’autre part que, des définitions, dont la suppression n’a pas été proposée par la plénière des commissions nationales OHADA  et qui figurent sur le tableau de bord, n’ont pas été reprises à l’article 1-3 ; elle s’interroge, s’il s’agit d’un oubli ou d’une suppression décidée par le consultant ?
·         Article 3, La Cour propose le maintien des dispositions de l’article 3 actuel. La juridiction étant un terme générique, il appartient à chaque Etat partie de désigner ladite juridiction compétente  en matière de procédure collective.
 
·         L’article 3-1, in fine, et  l’article 3-2, alinéa 4 et 5 se contredisent. La Cour propose la suppression de la dernière phrase de l’article 3-1.
 
·         L’article 4-5 est une reprise des dispositions de  l’article 4-4, la Cour propose de  récupérer  la bonne écriture de l’article 4-5 dans le tableau de bord.
 
·         CHAPITRE III : CONDITIONS D’EXERCICE, la Cour propose d’ajouter, DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
·         CHAPITRE V : RESPONSABILITÉ ET ASSURANCE PROFESSIONNELLES, la Cour propose d’ajouter également, DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
·         CHAPITRE I : LA CONCILIATION, la Cour propose la  suppression de l’article partitif « la » dans un souci d’harmonisation.
·         Article 4-9, alinéa 2, la Cour s’interroge sur  l’intérêt d’une telle communication, pour laquelle  aucune conséquence n’est tirée et propose la suppression de cet alinéa. 
·         Article 4, la Cour propose le maintien de l’article 4 actuel d’où sont tirés les articles 3-1 et 3-2 dont la  suppression est proposée par elle.
·         Article 4-15, la Cour propose la réécriture, afin d’assurer les garanties d’indépendance, de neutralité et d’impartialité des experts au règlement préventif et des syndics, ci-après : « Il est institué dans chaque Etat Partie un ordre des experts au règlement préventif et des syndics.
L’exercice de la mission d’experts au règlement préventif ou de syndics est incompatible avec toute autre activité de nature à porter atteinte à son indépendance, sa neutralité et son impartialité.
Les cas d’incompatibilités visés à l’alinéa précédent sont déterminés par chaque Etat Partie. ».
·         Article 5-14, la Cour propose la suppression du dernier alinéa de cet article  qui parait superfétatoire.
 
·         Article 6, la Cour propose, dans un souci de cohérence,  la réécriture des alinéas 2 et 4, dudit article,  fondus en un seul alinéa 2 ainsi rédigé : « La Juridiction compétente est saisie par requête du débiteur, adressée au président de la juridiction compétente et déposée au greffe contre récépissé. ».
 
·         Article 11-1, remplacer « l’homologation du règlement préventif » par « l’homologation du concordat préventif ».
  • Article 14 alinéa 1, la Cour propose, dans un souci de cohérence, la réécriture  suivante : « Dans les huit (08) jours du dépôt du rapport de l’expert, le président de la juridiction compétente saisie convoque le débiteur à comparaître à une audience non publique  pour y être entendu. Il convoque également à cette audience l'expert ainsi que tout créancier qu'il juge utile d'entendre. Dans ce même délai, le débiteur peut saisir lui-même la juridiction compétente.
  • Article 15 alinéa 3 à supprimer, car l’hypothèse prévue à l’article 11-1 doit être postérieure à l’homologation du concordat préventif, elle ne peut donc être imaginée ici. La Cour propose également d’éclater l’actuel alinéa 4 du projet en deux alinéas. Le premier alinéa allant de « au cas où …… » jusqu’à « parvenir à un accord. », le nouvel alinéa devant être une reprise de l’alinéa 3 du texte actuel, mieux rédigé et ainsi libellé : « Dans le cas où le concordat préventif comporte une demande de délai n’excédant pas deux, ans , la juridiction peut rendre ce délai opposable aux créanciers qui ont refusé tout délai et toute remise sauf si ce délai met en péril l’entreprise de ces créanciers. ». La Cour est pour  la suppression de la proposition de versement de 25% du montant au créancier non signataire du concordat préventif qui aura pour effet de vider l’opposabilité du délai de son sens.
  • Article 32 in fine, écrire plutôt «  la juridiction compétente ne peut renvoyer l’affaire au rôle général » au lieu de « inscrire ».
  • Article 33 alinéa 4, supprimer le mot « d’office ».
·         Article 40, afin de permettre à la juridiction de pouvoir s’autosaisir en respectant le délai de 8 jours, la Cour fait la proposition de réécriture ci-après :
« Le juge-commissaire statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence dans le délai de huit (08) jours à partir de sa saisine. S'il n'a pas statué dans ce délai, il est réputé avoir rendu une décision de rejet de la demande.
Les décisions du juge-commissaire sont immédiatement déposées au greffe qui les notifie au président de la juridiction compétente, et par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, y compris le courrier électronique, à toutes personnes à qui elles sont susceptibles de faire grief.
Ces décisions peuvent être frappées d'opposition formée par simple déclaration au greffe de la juridiction compétente dans les huit (08) jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l'alinéa premier du présent article. Pendant ce même délai, la juridiction compétente peut se saisir d'office et réformer ou annuler les décisions du juge-commissaire.
La juridiction compétente statue à la première audience utile. ».
  • Article 43, alinéa 2, la Cour propose la suppression du bout de phrase : « selon la loi de chaque État partie.  » qui n’ajoute rien.
  • Article 43, alinéa 5, la Cour fait la proposition ci-après de réécriture dudit alinéa, afin d’exclure toute périodicité laissée à la convenance du juge-commissaire :
« Le syndic a l’obligation de remettre un rapport écrit sur sa mission et sur le déroulement de la procédure de redressement ou de liquidation des biens au juge-commissaire  au moins  une (01) fois tous les deux (2) mois et, dans tous les cas, chaque fois que le juge-commissaire le lui demande. Il indique, en outre, dans son rapport, le montant des deniers déposés au compte de la procédure collective ouvert dans les conditions prévues par l'article 4-35 ci-dessus.  ». 
·         Article 44, la Cour estime que la convocation d’un représentant de la Commission Nationale disposant d’un pouvoir disciplinaire est nécessaire si cet organe est maintenu.
·         Article 51, la Cour propose le maintien de la disposition actuelle qui a le mérite de n’exclure que les personnes impliquées dans la procédure.
·         Article 101, il y a un point (.) de plus à la fin qu’il convient de supprimer.
 
·         Article 145-4, alinéa 2, mettre un point (.) à la fin du texte.
 
·         Article 145-9, le début de l’article est un alinéa et ne peut commencer par un tiret.
·         Article 179-3, l’alinéa 1er de cet article mérite d’être supprimé car il est superfétatoire, l’alinéa 2 devient alinéa 1 et doit commencer par « Le syndic peut …. ».
·         Article 183in fine, remplacer « les moindres délais » par « les brefs délais ».
·         Article 229, 6°), mettre un point (.) à la fin, au lieu d’une virgule (,).
 
·         Article 257, La Cour propose de ramener le bout de phrase « qui modifie et remplace l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du 10 avril 1998  » à l’article 1 et la réécriture du nouvel article 257  qui serait :
« Les dispositions du présent Acte uniforme ne sont applicables qu'aux procédures préventives et collectives ouvertes après son entrée en vigueur. ».  
·         Article 256-24 et  256-25, la Cour préfère l’expression « dans la mesure du possible » à « dans la mesure possible ».
 
·         Article 256-28, 1°) remplacer le point virgule (;) par deux points (:) à la fin. Mettre un point virgule (;) à la fin du 1°)-b). Mettre deux points ( :) à la fin du 2°) en lieu et place du point virgule ( ;).
             Le présent Avis a été émis par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en sa séance du  . 
 
 
 

AVIS N°002/2015 DU 23 JUIN 2015

 
Séance du 23 Juin 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, réunie en formation plénière à son siège le 23 juin 2015 ;
 
Vu le Traité de Port-Louis du 17 Octobre 1993 relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Affaires en Afrique, tel que révisé à Québec le 17 octobre 2008, notamment en ses articles 10 et 14 ;
 
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, notamment en ses articles 9, 53, 54, 55 et 58 ;
Vu la demande d’avis consultatif de la République Démocratique du Congo formulée par courrier en date du 25 septembre 2014 de Monsieur le Ministre de la Justice et des Droits Humains, enregistré au Greffe de la Cour sous le n°002/2014/AC en date du 14 octobre 2014, et ainsi libellée :
 
« 1. INTRODUCTION
 
1.1.  Par la présente, se référant à l’article 14 du Traité de l’OHADA et aux articles 53 et suivants du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), la République Démocratique du Congo a l’honneur de solliciter l’avis consultatif de la haute juridiction sur diverses dispositions du droit uniforme se rapportant à la transformation des sociétés commerciales, à la mise en harmonie des statuts sociaux en période transitoire et au processus de régularisation juridique.
1.2.  En effet, l’article 14 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, tel que révisé le 17 octobre 2008 dispose :
« La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure l’interprétation et l’application communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des Actes uniformes et des décisions.
La Cour peut être consultée par tout Etat partie ou par le Conseil des Ministres sur toute question entrant dans le champ de l’alinéa précédent. La même faculté de solliciter l’avis consultatif de la Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ci-dessus ».
1.3. En outre, il résulte de l’article 54 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice  et d’Arbitrage du 18 avril 1996 modifié par le Règlement n°01/2014 du 30 janvier 2014 que :
« Toute demande d’avis consultatif émanant d’un Etat partie ou du Conseil des Ministres est présentée par requête écrite. Cette requête formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est sollicité. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question ».
1.4. L’Avis de la haute Cour communautaire permettra, le cas échéant, de promouvoir la régularisation des sociétés commerciales qui,  durant la période transitoire (12 septembre 2012 -12 septembre 2014), ont irrégulièrement accompli le devoir de mise en harmonie des statuts sociaux.
1.5. Il sied de relever que l’article 50 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général reconnaît à l’organe ou au greffe compétent la possibilité de prendre des mesures correctives et décisoires nécessaires dans un délai de trois mois :
« Dès réception du formulaire de demande d’immatriculation dûment rempli et des pièces prévues par le présent Acte uniforme, le greffier ou le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie délivre au demandeur un accusé d’enregistrement qui mentionne la date de la formalité accomplie et le numéro d’immatriculation.
Le Greffier ou le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie dispose d’un délai de trois mois pour exercer son contrôle tel que prévu par l’article 66 du présent Acte uniforme et le cas échéant notifier à la partie intéressée le retrait de son immatriculation et procéder à sa radiation ».
1.6.  La République Démocratique du Congo remercie, à l’avance, la haute Cour de sa diligence dans l’examen de la présente demande et de la suite qui en résultera.
 
2. CONTEXTE
 
2.1. La République Démocratique du Congo a adhéré à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) en date du 13 juillet 2012 par le dépôt de son instrument d’adhésion au gouvernement de la République du Sénégal, Etat dépositaire du Traité de Port Louis.
2.2.  Avant l’entrée en vigueur du droit uniforme, en date du 12 septembre 2012, le droit congolais des sociétés commerciales reposait essentiellement sur les textes suivants :
- Articles 446.1 à 446.6 du Code civil livre III ;
- Décret du 27 février 1887 sur les sociétés commerciales ;
- Arrêté royal du 22 juin 1926 sur la société par actions à responsabilités limitée (équivalent de la société anonyme/SA belge, français et OHADA).
2.3.  En vertu d’une ordonnance du 14 mai 1886 (article 1er), il est permis, en cas de lacune du droit, de recourir aux « principes généraux » du droit des « pays civilisés » : « Quant la matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulgués, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité ».
2.4.  La pratique judiciaire puise de temps à autre sur les droits belge et français, sans que ce procédé soit systématique et dépasse le cadre des matières pouvant entrer dans la catégorie des principes généraux du droit.
2.5.  En tout état de cause, comme l’a souligné l’auteur d’une thèse de doctorat (annexe 5 cote 40) : « L’adhésion à l’OHADA entraine que les dispositions de ce dernier droit devront s’appliquer dès l’instant où les Actes uniformes seront entrés en vigueur en RDC ».
2.6.  Avant l’avènement de l’OHADA en République Démocratique du Congo, cinq types de sociétés coexistaient en vertu des textes susvisés : société en nom collectif (SNC), Société en Commandite simple (SCS), Société Privée à Responsabilité Limitée (SPRL), Société par Actions à Responsabilité Limitée (SARL) et Société Coopérative.
2.7. L’article 42 du décret du 27 février 1887 permet à la société privée à Responsabilité Limitée (SPRL) de se transformer en une société d’une autre forme juridique ; aucun autre texte législatif ou réglementaire ne traite de la transformation des sociétés commerciales.
2.8.  Malgré son acronyme « SPRL », la SPRL congolaise est l’équivalente de la SPRL Belge et de la Société à responsabilité limitée (SARL) OHADA ou française : les textes sont similaires et les statuts sont semblables (à de rares exceptions près). De même en est-il de la similarité entre la société par actions  à responsabilité limitée (SARL) congolaise et la Société anonyme (SA) belge, français ou OHADA (voir aussi infra n°2.10 et annexe).
2.9.  En réalité, la législation régissant la SARL congolaise est lacunaire (trois articles dont un seul véritablement usité). C’est l’arrêté royal du 22 juin 1926, dont l’article 1er 6°f alinéa 2, inséré par l’article 1er de l’arrêté royal du 24 février 1985, dispose : « les dispositions sub litteris c) t f) ci-dessus ne s’appliquent pas à l’acte constitutif d’une société par actions à responsabilité limitée, spécialement et exclusivement constituée soit afin de reprendre tout actif et le passif, ainsi que l’ensemble des éléments de l’activité sociale d’une société anonyme belge exerçant son activité au Congo, soit afin de reprendre une partie de l’avoir social, ainsi que les éléments de l’activité sociale exercée au Congo, d’une société anonyme belge exerçant une partie de son activité au Congo ».
2.10.  En pratique, la plupart des rédacteurs des statuts des sociétés par actions à responsabilité limitée (SARL) se sont toujours inspirés des statuts des sociétés anonymes (SA) belges et français.
2.11.  Enfin, comme l’illustre le récapitulatif en annexe 5, la doctrine congolaise a toujours mis en évidence l’équivalence entre société par actions à responsabilité limitée (SARL) congolaise et société anonyme (SA) belge, français ou OHADA ainsi que la similarité entre société privée à responsabilité limitée (SPRL) congolaise et SPRL belge ou SARL français et OHADA, malgré les différences d’acronymes.
2.12. L’article d’un praticien diffusé sur Internet (annexe 6) est d’un avis différent et pose le postulat selon lequel le passage d’une société par actions à responsabilité limitée (SARL) congolaise en société anonyme (SA) OHADA requerrait une transformation de la forme juridique (parce que l’intitulé « société par actions à responsabilité limitée » sera remplacé par « société anonyme »).
2.13.  Un professeur d’université a également abondé dans le même sens en conseillant les entreprises du portefeuille de l’Etat (vingt entreprises publiques transformées en société commerciales depuis 2008), bien que sa thèse de doctorat proclame l’équivalence entre SARL congolaise et S.A française et OHADA, sous réserve de quelques nuances (annexe 5, cotes 27 et suivants).
2.14.  Bien que minoritaires, bon nombre de sociétés commerciales ont opté pour cette solution vers la fin de la période transitoire (12 septembre 2014) durant laquelle les commerçants et sociétés ont mis les conditions d’exercice de leur activité en harmonie avec le droit OHADA.
2.15.  Pourtant, selon les recommandations de la Commission Nationale OHADA de la RDC (« CNO-RDC »), la mise en harmonie consiste, pour les sociétés commerciales, à se référer aux articles 908 et suivants pour, soit amender les statuts, soit adopter de nouveaux statuts.
2.16.  Dans la majorité des cas, ce schéma a été suivi : une résolution de l’assemblée générale extraordinaire décide de l’harmonisation des statuts (option sur la méthodologie) et une seconde adopte, consécutivement à la résolution précédente, les amendements ou, hypothèse très fréquente, la nouvelle rédaction des statuts.
2.17.  Il est des cas où une seule résolution a suffi à la fois pur la méthodologie et l’adoption des amendements ou des nouveaux statuts.
2.18.  Certaines entreprises ont choisi un processus en vertu duquel l’assemblée générale prend une première résolution déterminant la méthodologie : option pour l’harmonisation par voie, soit d’amendements, soit de nouvelle rédaction des statuts.
2.19.  Ladite résolution se limite strictement à la méthodologie, sans accomplir le processus de mise en harmonie par l’adoption effective des amendements ou de nouveaux statuts.
2.20.  Une seconde résolution déclare que l’harmonisation des statuts rend obligatoire la transformation de la société et, en conséquence, l’assemblée générale décide de transformer la société de la forme juridique du droit congolais « société par actions à responsabilité limitée » (SARL) en la forme « société anonyme » (SA) du droit OHADA.
2.21.  Cette résolution ne repose ni sur la loi congolaise (qui, pour ce type de société, ne comporte aucun article sur la transformation), ni sur le droit uniforme qui ne prévoit pas ce mécanisme entre un droit national et le droit uniforme ou vice versa (article 188 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique). La résolution en question se fonde, non pas sur des textes législatifs ou réglementaires ou encore sur le droit uniforme, mais uniquement sur des statuts sociaux prévoyant que la « société par actions à responsabilité limitée » (SARL) congolaise pourra se transformer en « société anonyme » (SA) du droit OHADA.
2.22.  Cette résolution et la précédente ne semblent pas constituer la mise en harmonie prévue aux articles 908 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement intérêt économique.
2.23. Une troisième résolution, consécutive à celle décidant la transformation, porte sur l’adoption des amendements ou de nouveaux statuts.
2.24.   Il s’agit probablement de la formalisation du processus de transformation, la mise en harmonie prévue aux articles 908 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique n’étant cependant pas accomplie.
 
3. QUESTIONS
 
3.1.  Première thématique : la transformation de la forme juridique des sociétés.
 
3.1.1.  Textes
 
1°) Article 181 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La transformation de la société est l’opération par laquelle une société change de forme juridique par décision des associés.
La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Elle ne constitue qu’une modification des statuts et est soumise aux mêmes conditions de forme et de délai que celle-ci.
Toutefois, la transformation d’une société dans laquelle la responsabilité des associés est limitée à leurs apports en une société dans laquelle la responsabilité des associés est illimitée est décidée à l’unanimité des associés. Les délibérations prises en violation des dispositions du présent alinéa sont nulles ».
2°) Article 184 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La décision de transformation met fin aux pouvoirs des organes d’administration ou de gestion de la société.
Les personnes membres de ces organes ne peuvent demander des dommages et intérêts du fait de la transformation ou de l’annulation de la transformation que si celle –ci a été décidée dans le seul but de porter atteinte à leurs droits ».
3°) Article 188 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« Lorsque la société, à la suite de sa transformation, n’a plus l’une des formes sociales prévues par le présent Acte uniforme, elle perd la personnalité juridique si elle exerce une activité commerciale ».
4°) Article 911 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« la transformation de la société ou l’augmentation de son capital par un moyen autre que l’incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d’apports, d’émission ou de fusion, ne peut être réalisée que dans les conditions normalement requises pour la modification des statuts ».
 
3.1.2. Questions
 
1°) Quelle définition doit-on retenir de la « transformation » en droit uniforme ?
 
2°) Faut-il distinguer deux types de transformation : la transformation « classique » (changement de la forme de la société) et la transformation « moderne » ou « récente » (consistant en fusion, scission ou modification de l’objet social, du capital, etc.) ?
 
3°) Faut-il, au contraire, se limiter à reconnaître et distinguer les conceptions suivantes : transformation, opérations de concentration/restructuration et simples modifications des statuts ?
 
4°) Un changement d’acronyme dans le processus de mise en harmonie des statuts (par exemple, la « société privée à responsabilité limitée » /SPRL congolaise équivalente à la « société à responsabilité limitée » /SARL de l’OHADA) constitue-t-il une transformation de société ?
 
5°) En d’autre termes, le fait de mettre en harmonie les statuts sociaux d’une société privée à responsabilité limitée (SPRL) congolaise en l’instituant « Société à responsabilité limitée » (SARL) dans les nouveaux statuts (mis en harmonie) constitue-t-il une transformation ou une simple adaptation découlant du processus établi par les articles 908 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ?
 
6°) L’article 188 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique justifie-t-il ou non la transformation d’une société de droit national en une société de droit uniforme et vice versa ?
 
7°) Le passage d’une forme juridique du droit national (par exemple, société par actions à responsabilité limitée / SARL) à une forme du droit uniforme (par exemple, société anonyme / S.A ou société par actions simplifiée/ SAS) est-il possible ?
 
8°) Le passage évoqué à la question précédente est-il réalisable si les statuts sociaux l’ont prévu, malgré le silence de la loi nationale en cette matière ?
 
9°) Ce passage serait-il envisageable si le principe de transformation d’une forme de société en une autre est reconnu par la loi nationale ?
 
 
10°) Cette mutation d’une forme juridique de droit national en une forme juridique OHADA équivalente ou différente, ou vice versa, est-elle concevable, malgré les termes de l’article 188 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ?
 
11°) Pour comparaison, la partie anglophone du Cameroun a-t-elle recouru à la transformation de la société camerounaise équivalente à la SARL (ou de celle équivalente à la SA) de l’OHADA en SARL (ou SA), ou la mise en harmonie prévue à l’article 908 a pu suffire ?
 
12°) Qu’en a-t-il été de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale ?
3.2. Deuxième thématique : la mise en harmonie des statuts en période transitoire.
3.2.1. Textes
 
1°) L’article 908 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« Les sociétés et les groupements d’intérêt économique constitués antérieurement à l’entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont soumis à ses dispositions. Ils sont tenus de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions du présent Acte uniforme dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur.
Les sociétés en commandite par actions existant régulièrement dans l’un des Etats parties devront être transformées, dans ce même délai de deux ans, en sociétés anonymes sous peine d’être dissoutes de plein droit à l’expiration dudit délai ».
2°) l’article 909 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La mise en harmonie a pour objet d’abroger, de modifier et de remplacer, le cas échéant, les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives du présent acte uniforme et de leur apporter les compléments que le présent acte uniforme rend obligatoire ».
3°) L’article 910 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La mise en harmonie peut être accomplie par voie d’amendement aux statuts anciens ou par l’adoption de statuts rédigés à nouveau en toutes leurs dispositions ».
4°) L’article 911 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La transformation de la société ou l’augmentation de son capital par un moyen autre que l’incorporation de réserves, de bénéfice ou de primes d’émission, ne pourra être réalisée que dans les conditions normalement requises par la modification des statuts ».
5°) L’article 919 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (1997) :
« Sont abrogées, sous réserve de leur application transitoire pendant une période de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, aux sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, toutes dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte uniforme.
Toutefois, nonobstant les dispositions de l’article 10 du présent Acte uniforme, chaque Etat partie pourra, pendant une période transitoire de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, maintenir sa législation nationale applicable pour la forme de l’établissement des statuts ».
6°) L’article 919 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciale et du groupement d’intérêt économique (2014).
« Est abrogé, sous réserve de son application transitoire pendant une période de deux (2) ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, aux sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ».
3.2.2. Questions
1°) Quelle définition doit-on retenir de la « mise en harmonie des statuts » ?
 
2°) Le processus de mise en harmonie prévu par les articles 908 et suivants AUSCGIE rend-elle obligatoire la transformation de la société, par cela seul que l’acronyme « société par actions à responsabilité limitée » en droit national deviendra « société anonyme » en droit uniforme (alors que les statuts révèlent la similarité entre « société par actions à responsabilité limitée » congolaise et « société anonyme » de l’OHADA) ?
 3°) Si la transformation sus décrite ne constitue pas une mise en harmonie des statuts, quel est le sort des sociétés qui ont tout de même procédé par transformation au lieu d’une mise en harmonie complète en bonne et due forme (qui aurait consisté en l’adoption des statuts ou l’amendement des anciens statuts, sans transformation) ?
 4°) En cas de silence de la loi nationale (par exemple, loi congolaise) en matière de transformation d’une société par actions à responsabilité limitée, peut-on se référer aux principes généraux du droit pour justifier la transformation, en passant outre les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en période transitoire, en se référant à l’article 919 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique daté du 30 janvier 2014 qui renvoie à l’Acte uniforme  relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique daté du 17 avril 1997 dont l’article 919 organise la survie des dispositions légales durant la période transitoire pour les sociétés n’ayant pas encore mis leurs statuts sociaux en harmonie avec ledit Acte uniforme ?
5°) Au regard de l’article 919 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique daté du 17 avril 1997, auquel renvoie le même Acte uniforme en sa version du 30 janvier 2014, peut-on considérer que l’absence de disposition légale ou réglementaire nationale sur la transformation qui auraient pu s’appliquer aux sociétés n’ayant pas encore harmonisé leurs statuts, rend applicable l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique depuis son entrée en vigueur en RDC, singulièrement durant les deux années de la période transitoire, tout au moins en matière de transformation ?
 
6°) Cette solution reste-t-elle la même lorsque le régime particulier (dispositions légales ou réglementaires) auquel est soumis la société concernée ne prévoit rien sur la transformation ?
7°) Dans l’affirmative, l’article 184 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique met-il fin aux pouvoirs des organes d’administration ou de gestion des sociétés ayant décidé, par le biais de l’assemblée générale, leur transformation en une société d’une autre forme ?
 
8°) Si ces sociétés sont passées outre certaines conditions de fond ou de forme ou si elles ont omis de déposer un exemplaire du procès-verbal de nomination des nouveaux dirigeants sociaux, comme l’exige l’article 265 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, l’article 184 du même Acte uniforme s’applique-t-il encore ?
3.3. Troisième thématique : la régularisation du défaut de mise en harmonie
 
3.3.1. Textes
 
1°) l’Article 1er alinéa 5 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général :
« Passé ce délai, tout intéressé peut saisir la juridiction compétente afin que soit ordonnée cette régularisation, si nécessaire sous astreinte ».
2°) L’article 68 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général :
« Faute par un assujetti à une formalité prescrite au présent Acte uniforme de demander celle-ci dans le délai prescrit, la juridiction compétente ou l’autorité compétente dans l’Etat partie, statuant à bref délai, peut, soit d’office, soit à la requête du greffe ou de l’organe compétent dans l’Etat partie en charge du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ou de tout autre requérant, rendre une décision enjoignant à l’intéressé de faire procéder à la formalité en cause.
Dans les mêmes conditions, la juridiction compétente ou l’autorité compétente dans l’Etat partie peut enjoindre à toute personne physique ou morale immatriculée au Registre du commerce et du crédit mobilier de faire procéder :
- soit aux mentions complémentaires ou rectificatives soumises ;
- soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète ;
- soit à sa radiation ».
3°) L’article 75 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« Si les statuts ne contiennent pas toutes les mentions exigées par le présent Acte uniforme ou si une formalité prescrite par celui-ci pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente, dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée, sous astreinte, la régularisation de la constitution. Le ministère public peut également agir aux mêmes fins ».
4°) L’article 247 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique :
« La juridiction compétente saisie d’une action en nullité peut, même d’office, fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité. Elle ne peut pas prononcer la nullité moins de deux (2) mois après la date de l’exploit introductif d’instance.
Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s’il est justifié d’une convocation régulière de cette assemblée, la juridiction compétente accorde le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision.
Si à l’expiration du délai prévu aux alinéas précédents, aucune décision n’a été prise, la juridiction compétente statue à la demande de la partie la plus diligente ».
5°) L’article 63 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives :
« Si les statuts ne contiennent pas toutes les énonciations exigées par le présent Acte uniforme ou si une formalité prescrite par celui-ci pour la constitution de la société coopérative a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente ou à l’autorité administrative compétente dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée la régularisation de la constitution. Le ministère public peut également agir aux mêmes fins ».
6°) L’article 200 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives :
« Le tribunal saisi d’une action en nullité peut, même d’office, fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité. Il ne peut pas prononcer la nullité moins de deux mois après la date de l’exploit introductif d’instance.
Si à l’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent aucune décision n’a été prise, le tribunal statue à la demande de la partie la plus diligence ».
 
3.3.2.  Questions
 1°) Si, à la suite de la décision de transformer la forme juridique, les dirigeants sociaux ont perdu leurs pouvoirs, comment régulariser la situation des sociétés concernées pour leur passage de l’empire du droit national à celui du droit OHADA ?
 
2°) A supposer que la juridiction compétente ordonne la régularisation sur la base de l’article 1er alinéa 5 ou de l’article 68 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, doit-elle convoquer l’assemblée générale qui décidera les modifications des statuts nécessitées par le processus de régularisation ?
3°) L’Acte uniforme relatif au droit des société coopératives ne contenant pas d’équivalent de l’article 1er alinéa 5 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, doit-on procéder à la régularisation, le cas échéant, en se fondant sur l’article 63 (équivalent de l’article 75 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique) qui semble se limiter au seul cas de la constitution de la société ?
4°) L’article 75 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique peut-il servir de fondement à une régularisation juridique nécessitée par un défaut de mise en harmonie des statuts sociaux ?
 
 
5°) L’article 247 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique peut-il servir de fondement à une régularisation juridique nécessitée par un défaut de mise ne harmonie des statuts sociaux, notamment (mais non exclusivement) lorsque le procès-verbal consignant les délibérations de l’assemblée générale comporte un vice pouvant justifier la sanction de nullité ?
 
6°) La réponse à la précédente question est-elle transposable, mutatis mutandis, au cas des sociétés coopératives en vertu des dispositions pertinentes régissant cette matière ? » ;
Vu les observations de la République du Congo en date du 09 février 2015, enregistrées au Greffe de la Cour de céans le 18 février 2015 ;
 
Vu les observations de la République du Togo en date du 20 avril 2015, enregistrées au Greffe de la Cour de céans le 11 mai 2015 ;
 
Vu les observations de la République du Benin en date du 07 mai 2015, enregistrées au Greffe de la Cour de céans le 27 mai 2015 ;
 
Sur le rapport de Monsieur DJIMASNA N’DONINGAR, Juge ;
 
EMET L’AVIS CI-APRES :
 
I – Première thématique : la transformation de la forme juridique des sociétés
 
Sur la première et la deuxième questions
 La transformation de la société, au sens de l’article 181 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E, est l’opération par laquelle les associés, ayant opté initialement pour une forme sociale donnée, dans les limites des prévisions légales, décident d’abandonner cette forme au profit d’une forme nouvelle mieux adaptée à leurs besoins, choisie impérativement parmi les formes sociétales autorisées dans l’espace OHADA dont la liste exhaustive est dressée à l’article 6, alinéa 2 de l’Acte uniforme précité.
 
Les opérations de fusion, de scission, de modification de l’objet social ou du capital social ne sont pas des opérations de transformation au sens de l’article 181 ci-dessus.
 
Sur la troisième question
Les opérations de transformation, de concentration, de structuration et de modification des statuts sont des opérations de nature différente qui peuvent affecter la société commerciale au cours de sa vie sociale, avec un sens et une portée différents pour chaque opération, même si l’une de ces opérations peut entraîner une autre.
 Sur la quatrième et la cinquième questions
 Le changement d’acronyme d’une société dont la forme juridique est issue du droit interne d’un Etat partie en un acronyme d’une société choisie parmi les formes sociétales autorisées dans l’espace OHADA peut nécessiter la mise en harmonie des statuts de cette société avec les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E.
Cette opération ne sera pas qualifiée de transformation si les caractéristiques de la nouvelle société choisie sont identiques à celles de la société initiale et n’entraîne pas de changement de la forme juridique.
Sur la sixième, septième, huitième, neuvième et dixième questions
 
L’article 188 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E prévoit la perte de la personnalité juridique pour une société commerciale qui, à la suite d’une transformation, n’a plus une forme sociale prévue par l’Acte uniforme. Cela implique qu’une société de droit national n’ayant pas une forme sociale prévue par l’Acte uniforme susvisé doit impérativement subir une transformation pour acquérir une forme sociale prévue par cet Acte uniforme si elle exerce une activité commerciale, au risque de perdre sa personnalité juridique, qualité qui lui permet d’être titulaire de droits et de devoirs.
Le passage d’une forme juridique du droit national à une forme juridique du droit uniforme OHADA est possible et réalisable si les statuts sociaux l’ont prévu, malgré le silence de la loi nationale, ou même en cas de reconnaissance de cette opération par la loi nationale, dans la mesure où à partir de l’entrée en vigueur du droit uniforme OHADA, ce n’est plus cette loi nationale qui s’applique en matière de sociétés commerciales, mais l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E, lequel prévoit cette opération de transformation en ses articles 181 à 188.
 
Sur la onzième et la douzième questions
 L’article 10 du Traité relatif à l’Harmonisation du droit des Affaires en Afrique ayant affirmé la force obligatoire des Actes uniformes et leur suprématie sur les dispositions du droit interne des Etats parties, l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E s’applique sur l’ensemble du territoire des Etats parties, sans distinction.
 
II – DEUXIEME THEMATIQUE : LA MISE EN HARMONIE DES STATUTS EN PERIODE TRANSITOIRE
 Sur la première, la deuxième et troisième questions
La  mise en harmonie des statuts est une opération qui consiste à rendre conformes les dispositions statutaires d’une société préexistante à celles impératives de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E, soit par l’élaboration de nouveaux statuts, soit par la modification des statuts existants ou par le remplacement de certaines clauses de ces statuts.
L’opération de mise en harmonie des statuts ne rend pas obligatoire la modification de la forme juridique de la société, mais peut parfois l’entraîner ou la nécessiter.
La modification de la forme juridique de la société ne se limite pas seulement au changement d’acronyme de cette société, mais s’accompagne éventuellement d’une mise en harmonie des statuts pour les rendre conformes aux dispositions impératives de l’Acte uniforme. Un changement d’acronyme non suivi d’une mise en harmonie des statuts aura pour conséquence que les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives de l’Acte uniforme révisé seront réputées non écrites.
Sur la quatrième question
 
La seule référence pour les opérations de transformation ou de mise en harmonie des statuts des sociétés pendant la période transitoire est l’Acte uniforme révisé à l’exclusion de toute disposition du droit interne d’un Etat partie. L’article 919 de l’Acte uniforme révisé permet seulement la survivance durant la période transitoire de deux (2) ans, à partir de son entrée en vigueur, des dispositions de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E, qui est normalement abrogé, pour les sociétés qui n’auraient pas mis en harmonie leurs statuts durant cette période.
 Sur la cinquième et la sixième questions
 
            L’article 919 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E prévoit la survivance des dispositions nationales pour les sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions de cet Acte uniforme durant la période transitoire de deux (2) ans à compter de son entrée en vigueur. En l’absence de dispositions nationales légales ou réglementaires sur la transformation, seules prévalent les dispositions des articles 181 à 188 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E qui réglementent la transformation de la société commerciale. Cette solution est la même pour les sociétés soumises à un régime particulier dont traite l’article 916 de l’Acte uniforme de 1997 susmentionné.
 
            Sur la septième et la huitième questions
 
            La décision de transformation met fin aux pouvoirs des organes d’administration ou de gestion des sociétés ayant décidé leur transformation en une société d’une autre forme, au regard de l’article 184 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E révisé.
Les formalités prévues à l’article 265 de l’Acte uniforme ne sont nécessaires que pour l’opposabilité aux tiers de la décision de transformation et de désignation des nouveaux organes sociaux. Les effets de l’article 184 restent intacts, même en cas d’omission de ces formalités, sauf l’inopposabilité de cette décision aux tiers.
 
III – TROISIEME THEMATIQUE : LA REGULARISATION DU DEFAUT DE MISE EN HARMONIE
 
            Sur la première et la deuxième questions
 
            Si, à la suite de la décision de transformation de la société, des formalités ont été omises ou mal accomplies, toute personne intéressée ou le ministère public peut demander la régularisation de ces formalités, comme la juridiction compétente peut d’office l’ordonner.
 
Si la décision prise par la juridiction compétente ordonnant la régularisation nécessite la convocation d’une assemblée générale pour décider des modifications des statuts nécessitées par le processus de régularisation, un mandataire judiciaire ou ad hoc peut être nommé à cet effet.
            Sur la troisième question
L’article 63 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives ne peut servir de fondement à la régularisation nécessitée par le défaut de mise en harmonie des clauses statutaires prévue par l’article 390, que si l’action intervient dans la période des deux (02) ans prescrite pour la mise en harmonie des statuts.
             Sur la quatrième question
 
            L’article 75 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E ne peut servir de fondement à la régularisation nécessitée par le défaut de mise en harmonie des statuts sociaux prévue par l’article 908, que si l’action intervient dans la période des deux (02) ans prescrite pour la mise en harmonie des statuts.
            Sur la cinquième et la sixième questions
            L’article 247 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E ne peut pas servir de fondement à une régularisation juridique nécessité par un défaut de mise en harmonie des statuts sociaux que si l’action intervient dans la période des deux (02) ans prescrite pour la mise en harmonie des statuts.
Cette préconisation ne peut être transposée aux sociétés coopératives, lesquelles sont soumises à l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives dont les dispositions sont d’ordre public.
 
Le présent Avis a été émis par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en sa séance du 23 juin 2015 à laquelle étaient présents :


Demande d’Avis n° 001/2015/AC de la République du BENIN

           

AVIS N° 03/2015 du 05 novembre 2015

 

SEANCE DU 05 NOVEMBRE 2015

 
   La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA,  réunie en formation plénière à son siège le 05 novembre 2015,
 

   Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, notamment en ses articles 10 et 14 ;

 
   Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), notamment en ses articles 9, 53, 54, 55 et 58 ;
 

   Vu la demande d’avis consultatif de la République du BENIN, présentée par lettre n° 0838/MJLDH/DC/SGM/DLCS/SP-C en date du 23 décembre 2014 du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme, enregistrée au greffe de la Cour le 12 janvier 2015 sous le n°001/2015/AC, et libellée en ces termes :

 

   « En application des dispositions de l’article 14 alinéas 1 et 2 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires tel que révisé à Québec le 17 octobre 2008, et de l’article 54 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, j’ai l’honneur de soumettre à la Cour la présente au nom de l’Etat de la République Bénin en vue d’obtenir votre avis consultatif sur les problèmes posés par le concours du Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA) et de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises et son annexe, le Système Comptable OHADA.
  
FAITS ET PROCEDURE :
 
   Le 24 mars 2000, le Conseil des Ministres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a adopté l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises.
 L’article 113 de cet Acte uniforme dispose « Le présent Acte uniforme auquel est annexé le Système comptable OHADA sera publié au Journal Officiel de l’OHADA et des Etats parties. Il entrera en vigueur :
-   pour les « comptes personnels des entreprises », le 1er janvier 2001 : opérations et comptes de l’exercice ouvert à cette date ;
-   pour les « comptes consolidés » et les « comptes combinés », le 1er janvier 2002 : opérations et comptes de l’exercice ouvert à cette date ».
 
Les entreprises installées dans l’un quelconque des Etats parties au Traité de l’OHADA sont donc tenues d’harmoniser leur comptabilité selon les règles du droit comptable du système comptable OHADA. L’OHADA confirme ainsi la force obligatoire des Actes uniformes et leur supériorité sur les normes juridiques existantes et mêmes futures (cf. article 112 de l’Acte uniforme).
 
Tenant compte de cette évolution juridique dans l’espace de l’OHADA, et en vue d’assurer la compatibilité du Système comptable de l’UEMOA avec l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, un nouveau Règlement n°72001/CM/UEMOA du 20 septembre 2001 a été adopté par l’UEMOA. Il a pour objet de modifier les articles 11, 13, 38, 56, 70, 72, 73, 74, 89, 97, 98, 103, 104, 108 et 111 du Règlement n°04/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant adoption d’un référentiel comptable commun au sein de l’UEMOA.
 
Depuis lors, le système comptable de l’UEMOA et celui de l’OHADA coexistent, étant entendu qu’il n’existe aucune disposition contraire du Système Comptable UEMOA par rapport à celui de l’OHADA.
 
Mais le 28 juin 2013, l’UEMOA, après révision du Système Comptable de l’Ouest Africain (SYSCOA), a adopté un nouveau Règlement n°5/CM/UEMOA modifiant le Règlement n°04/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant adoption d’un Règlement comptable commun au sein de l’UEMOA. Ce système comptable a apporté des modifications substantielles aux articles 8, 11, 13, 25, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 38, 45 et 54 du système comptable de l’UEMOA préexistant.
 
Désormais force est de constater que le système comptable de l’UEMOA est contraire, tant dans la forme que dans le fond à celui institué par l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises.
 
Pourtant, ce nouveau système comptable de l’UEMOA a été mis en exécution par le Règlement d’exécution n°005/2014/COM/UEMOA portant détermination des modalités d’application du référentiel comptable commun au sein de l’UEMOA en date du 30 mai 2014 pour prendre effet à compter du 1er janvier 2014.
 
Le droit comptable devient ainsi aléatoire dans l’espace territorial couvert à la fois par l’UEMOA et l’OHADA. Une telle situation place les entreprises dans le désarroi parce que les principes comptables et la nomenclature des états financiers ont été substantiellement modifiés et ne sont plus conformes aux règles du droit OHADA auxquelles se réfère le commissaire aux comptes pour la certification des comptes des entreprises dans l’espace OHADA.
 
La coexistence dans l’espace OHADA d’un autre référentiel contraire à celui de l’OHADA peut conduire à l’insécurité juridique ; ce qui pourrait remettre en cause le principe d’harmonisation posé par le Droit OHADA.
 
La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement (CCEG) de l’OHADA, qui s’est tenue à Ouagadougou le 17 octobre 2013, a relevé la contrariété des deux référentiels comptables dans l’espace géographique OHADA et instruit le Conseil des Ministres de poursuivre la révision de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises pour en faire « l’unique référentiel  en vigueur dans les Etats parties ».
 
A la suite du CCEG, le Conseil des Ministres de l’OHADA qui s’est tenu les 30 et 31 janvier 2014 à Ouagadougou a rappelé la résolution prise par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OHADA à l’occasion de leur réunion du 17 octobre 2013, en vertu de laquelle le système comptable OHADA « devait constituer l’unique référentiel comptable en vigueur dans l’espace OHADA » et « invité toutes les instances concernées à s’y conformer ».
 
Il reste que l’unification décidées par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement n’est pas réalisée à ce jour.
 
C’est pourquoi, la République du Bénin sollicite l’avis de la Haute Cour de céans sur les questions suivantes :
 
   Article 112 de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises : « Sont abrogées à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme et son Annexe toutes les dispositions contraires ».
 
Question 1 : L’article 112 de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises impose-t-il la supériorité des règles de l’OHADA sur les règles et les systèmes comptables existants et futurs ?
 
Question   2 : Quel système comptable appliquer dans les Etats parties au Traité relatif à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ?
 
B-      Selon l’Acte Uniforme de l’OHADA portant sur le Droit Commercial Général :
Article 13 : « Tout commerçant, personne physique ou morale, doit tenir un journal enregistrant au jour le jour ses opérations commerciales.
Il doit également tenir un Grand Livre, avec balance générale récapitulative, ainsi qu’un livre inventaire.
Ces livres doivent être tenus conformément aux dispositions de l’Acte uniforme relatif à  l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des entreprises
Tout commerçant, personne physique ou morale, doit en outre respecter les dispositions prévues par l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique, et l’Acte uniforme relatif à l’organisation et l’harmonisation des comptabilités des entreprises ».
 
C-   Selon l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
 
Article 137 : « A la clôture de chaque exercice, le gérant ou le conseil d’administration ou l’administrateur général, selon le cas, établit et arrête les états financiers de synthèse conformément aux dispositions de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ».
 
Article 140 : « Dans les sociétés anonymes et, le cas échéant, dans les sociétés à responsabilité limitée, les états financiers de synthèse annuels et le rapport de gestion sont adressés aux commissaires aux comptes… 
 Ces documents sont présentés à l’assemblée générale de la société statuant sur les états financiers de synthèse… ».
 
Article 269 : « Les sociétés commerciales sont tenues de déposer au greffe du tribunal pour être annexés au registre du commerce et du crédit mobilier, dans le mois qui suit leur approbation par l’assemblée générale des actionnaires, les états financiers de synthèse, à savoir le bilan, le compte de résultat, le tableau financier des ressources et emplois et l’état annexé de l’exercice écoulé ».
 
Article 710 : « Le commissaire aux comptes certifie que les états financiers sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat et des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».
 
D-  Selon l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises :
 
Article 890 : « Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui auront sciemment, même en l’absence de distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, un image fidèle des opérations de l’exercice, la situation financière et du patrimoine de la société, à l’expiration de cette période ».
 
Question 3 : Les dispositions ci-dessus citées des Actes uniformes font obligation aux commerçants personnes physiques et morales d’établir tous les ans leurs états financiers de synthèse. Les états financiers dont il s’agit doivent-ils être établis impérativement et exclusivement selon les modèles fixés par les dispositions des articles 8 et 25 à 34 de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ou selon les règles et principes comptables du Système comptable de l’Ouest africain révisé le 30 mai 2014 et mis application dans les Etats de l’UEMOA ?
 
Question 4 : Quelle valeur juridique peut-on accorder à un référentiel comptable mis en application dans les Etats parties à l’OHADA et contraire au droit comptable de l’OHADA ?
 
Question 5 : Le commissaire aux comptes peut-il fonder son opinion sur un référentiel comptable contraire au référentiel comptable de l’OHADA pour certifier les états financiers de synthèse d’une entreprise dans l’espace OHADA ?
 
E-   Selon l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises :
 
Article 8 : « Les états financiers annuels comprennent le Bilan, le Compte de résultat, le Tableau financier des ressources et des emplois, ainsi que l’Etat annexé.
 
Ils forment un tout indissociable et décrivent de façon régulière et sincère les évènements, opérations et situations de l’exercice pour donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.
 
Ils sont établis et présentés conformément aux dispositions des articles 25 et 34 ci-après, de façon à permettre leur comparaison dans le temps, exercice par exercice, et leur comparaison avec les états financiers annuels des autres entreprises dressés dans les mêmes conditions de régularité, de fidélité et de comparabilité ».
 
Question 6 : Peut-on présenter dans l’espace OHADA des états financiers sans le Tableau financier des ressources et des emplois (TAFIRE) mais avec un autre document appelé Tableau des flux de trésorerie dont le contenu est différent du TAFIRE, préconisé par l’article 8 de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ?».
 
Vu les observations de la République du Togo, de la République BURKINA FASO et de la  République du CAMEROUN en dates respectives des 20 mai, 23 juin et 02 juillet 2015 ;
 
Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ;
 
EMET L’AVIS CI-APRES :
 
1 - Sur la première question :
 
En abrogeant, à partir de sa date d’entrée en vigueur, toutes les dispositions contraires aux siennes dans les Etats-parties, l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, en son article 112, impose en effet la supériorité des règles de l’OHADA sur les règles et les systèmes comptables existants et futurs dans les Etats-parties au Traité.
 
2- Sur les deuxième et quatrième questions :
 
L’objectif spécifique de l’OHADA est d’harmoniser le droit des affaires, dont le droit comptable est une des branches. Les personnes physiques ou morales commerçantes ayant leur établissement ou leur siège social dans un Etat partie au Traité de Port-Louis sont exclusivement régies, tant dans leur forme que dans leur fonctionnement, par les dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, notamment en ses articles 13 et 15 et de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, notamment en ses articles 137, 140, 269, 710 et 890.
 
Toutes les dispositions précitées faisant obligation aux entreprises ayant leur siège ou leur établissement dans un Etat-partie au Traité de Port-Louis, d’harmoniser leurs comptabilités conformément aux dispositions de l’Acte uniforme relatif à l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des entreprises, le système comptable de l’OHADA demeure le seul applicable dans lesdits Etats, tout autre référentiel y étant dépourvu de valeur juridique.
 
3- Sur les troisième, cinquième et sixième questions :
 
En conséquence de ce qui précède, les états financiers de synthèse des entreprises ayant leur siège ou leur établissement dans un Etat partie au Traité de l’OHADA doivent être établis impérativement et exclusivement selon les modèles fixés par les  dispositions des articles 8 et 25 à 34 de l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ; et  l'intervention du commissaire aux comptes doit se faire sur la base des états financiers établis conformément au référentiel comptable de l’OHADA, tous documents financiers établis sur d'autres bases devant faire l'objet d'un refus de certification.
 
            Le présent Avis a été émis par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en sa séance du 05 novembre 2015 à laquelle étaient présents :