Le 10 septembre 2015, le
Conseil des Ministres de l'OHADA procédait à Grand Bassam ( Côte d'Ivoire), à
la révision de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d'apurement du passif (AUPC) adopté à Libreville le 10 avril 1998 et entré en
vigueur le 1er janvier 1999. Cette révision s'inscrivait non seulement dans la
continuité du processus enclenché depuis quelques temps par le Conseil des
Ministres en vue de la révision des Actes uniformes, mais également et surtout
dans le besoin unanime de moderniser cette matière en apportant des réponses
aux grosses difficultés élevées dans la mise en œuvre de cet Acte uniforme.
Le texte de 1998 a été substantiellement
refondu, puis enrichi de nouvelles procédures et autres innovations qui font du
nouvel Acte uniforme entré en vigueur le 24 décembre dernier un formidable
outil de protection des créanciers et des débiteurs des entreprises en
difficulté dans l'espace OHADA. Bien que ce texte conserve ses 258 articles
comme l'ancien, il est important de relever qu'il a enregistré 115 nouvelles
dispositions qui pour la plupart ont été intégrées dans les articles déjà
existants dont certains ont plutôt été reformulés ou substitués.
Toutefois, afin de mieux
comprendre la philosophie du nouvel AUPC, il convient d'abord de dresser un
état des lieux avant la révision (I), avant d'examiner les principales
innovations et leur impact sur le nouvel environnement juridique des entreprises
en difficulté dans l'espace OHADA (II).
L'Acte uniforme du 10
avril 1998 avait, dans le but d'assurer un traitement rapide et efficace des
difficultés des entreprises, mis en place trois procédures (A) qui malheureusement
ont brillé par leurs insuffisances (B).
L'AUPC de 1998 avait
organisé la procédure de règlement préventif (1), la procédure de redressement
judiciaire et la de liquidation des biens de l'entreprise (2).
L'article 2 alinéa 1 de
l'AUPC de 1998 définissait le règlement préventif comme "une procédure destinée à éviter la cessation
des paiements ou la cessation d'activités de l'entreprise et à permettre l'apurement
de son passif au moyen d'un concordat préventif". Il s'agissait donc
d'une procédure de prévention avec pour principal objectif d'éviter dans la
mesure du possible l'effondrement définitif de l'entreprise, en prenant des
mesure appropriées pour la sauver à temps. Mais la mise en œuvre de cette
procédure était subordonnée à certaines conditions (a) et produisait des effets
considérables (b). La décision rendue était susceptible de voies de recours
(c).
Les conditions sont de
fond et de forme.
* Les conditions de fond
concernent le bénéficiaire du règlement préventif et sa situation financière.
S'agissant du
bénéficiaire, il y a lieu d'indiquer que ne pouvaient bénéficier du règlement
préventif que les personnes physiques ou morales commerçantes, les personnes
physiques ou morales non commerçantes et toute entreprise publique soumise au
régime de droit privé.
S'agissant de la
situation financière du bénéficiaire, elle devait être difficile, mais non
irrémédiablement compromise. Autrement dit, la situation financière du
bénéficiaire devait être telle qu'elle pouvait être redressée, donc viable.
Cette situation devait être telle que si rien n'était fait le bénéficiaire
déboucherait sur une cessation des paiements. En clair, le règlement préventif
ne pouvait s’ouvrir que si la situation du débiteur restait viable[1].
* Les conditions de forme
tiennent à la juridiction qui est saisie, à la décision qui est rendue,
laquelle produit des effets.
La requête adressée à la
juridiction compétente, accompagnée d'un certain nombre de pièces parmi
lesquelles un état de trésorerie du bénéficiaire, d'un état chiffré de créances
et de dettes ainsi que d'une offre concordataire, donnait lieu, le cas échéant[2], à une ordonnance qui
prescrivait la suspension des poursuites individuelles à l'encontre du
bénéficiaire pour faire un rapport sur sa situation financière et les
perspectives de redressement.
Le rapport de l'expert
désigné devait avoir pour finalité de faciliter la conclusion entre les
créanciers et le débiteur d'un règlement préventif devant être homologué par le
tribunal. Le tribunal n'homologuait le concordat préventif que s'il offrait de
perspectives sérieuses de redressement. Dans le cas contraire, il pouvait, même
d'office, prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des biens
après avoir constaté la cessation des paiements: "... attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au
dossier de la procédure qu’aucun concordat sérieux n’est proposé par le
débiteur qui, à la date de la saisine du tribunal, devait près de six (06)
milliards de FCFA exigibles..."[3].
Le jugement
d'homologation produisait des effets aussi bien à l'égard des créanciers qu'à
l'égard des débiteurs.
* A l'égard des
créanciers, l'homologation du concordat le rendait obligatoire à l'égard de
tous les créanciers antérieurs au règlement préventif : : « … attendu
que le jugement précité n’ayant fait l’objet d’aucune voie de recours, la
décision de règlement préventif a donc acquis force de chose jugée et doit être
exécutée conformément aux prescriptions de l’articles 9 de l’Acte uniforme
susvisé, lequel rend le concordat préventif homologué obligatoire pour tous les
créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif, que leurs créances
soient chirographaires ou garanties par une sûreté ; que dès lors, l’obligation
édictée par ledit article s’imposait à toutes les parties litigantes mais
surtout aux requérantes et, ce, pendant une durée de trois ans à compter du 30
octobre 2000, délai que ces dernières ont elles-mêmes librement consenti selon
les termes du jugement d’homologation susénoncé ; qu’il s’ensuit que les
requérantes ne pouvaient remettre en cause ledit concordat en initiant une
saisie conservatoire sur les aéronefs de leur débitrice, la Société Air
Continental, la décision de suspension des poursuites individuelles
interdisant, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 9 précité, « aussi bien
les voies d’exécution que les mesures conservatoires »[4].
Le tribunal
pouvait même rendre opposable aux créanciers ayant refusé le concordat ou ayant
refusé de consentir des remises, le délai contenu dans ledit concordat, à
condition que ce délai n'excède pas deux ans. A noter que les créanciers de
salaire ne pouvaient consentir aucune remise ni se voir imposer un délai qu'ils
n'ont pas consenti.
A l'égard du débiteur,
une fois la décision de règlement préventif devenue définitive, il recouvrait
sa liberté d'administration de ses biens (art.18 al.5 AUPC), sauf que le
tribunal pouvait désigner un syndic pour surveiller sa gestion.
Enfin, le débiteur ne
pouvait introduire aucune requête en règlement préventif avant l'expiration
d'un délai de 5 ans précédent la première ayant abouti à une décision de
règlement préventif (art.5 al.3)[5].
Les décisions relatives
au règlement préventif étaient exécutoires par provision. Elles étaient
susceptibles d'appel dans un délai de 15 jours à compter de leur prononcé
(art.23 al.1). Par ailleurs, la cour d'appel devait statuer dans le mois de la
saisine.
Le même délai d’appel
était prévu pour les décisions rendues en matière de redressement judiciaire et
de liquidation des biens, de même que le juge devait statuer dans le mois de sa
saisine. Aucune sanction n’était cependant prévue en cas d’inobservation, par
la cour d’appel, de ce délai, et la jurisprudence en tirait les
conséquences : « … attendu que
le fait de ne pas statuer dans le délai n’est nulle part, sanctionné dans
l’Acte uniforme et n’a en rien préjudicié au gérant qui, bien au contraire, a
continué la gestion tout seul »[6]. L'AUPC du 10 septembre
2015, en son article 23 alinéa 1 n'a pas non plus prévu de sanction si la cour
d'appel ne statue pas dans le délai prévu[7].
La cour d'appel pouvait
confirmer la décision de règlement préventif ou, si elle constatait la
cessation des paiements, elle fixait la date de celle-ci[8] et prononçait le
redressement judiciaire ou la liquidation des biens.
Le redressement judiciaire est une procédure
dont l'objectif est de sauvegarder l'entreprise et l'apurer au moyen d'un
concordat de redressement. L'ouverture de cette procédure et celle de la
liquidation des biens était subordonnée à la réunion d'un certain nombre de
conditions autant de forme que de fond (a) débouchant sur un jugement
déclaratif (b).
Les conditions sont de
fond et de forme.
* Les conditions de fond
sont relatives à la qualité du débiteur et à sa situation financière.
S'agissant de la qualité
du débiteur, il y a lieu de se reporter à l'article 2 qui énumérait les
personnes pouvant en bénéficier, en l’occurrence celles visées en ce qui
concerne le règlement préventif.
S'agissant de la
situation financière du débiteur, elle était précisée à l'article 25 qui
indiquait que le débiteur qui était dans l'impossibilité de faire face à son
passif exigible avec l'actif disponible devait déclarer la cessation des
paiements aux fins d'ouverture de la procédure (3 éléments constitutifs: arrêt
des paiements, situation financière obérée et preuve de l'arrêt des paiements).
* Les conditions de forme
Elles se résumaient à la
saisine de la juridiction compétente, à l'enquête préalable, au jugement
d'ouverture, à la publicité du jugement d'ouverture.
Sur la saisine de
la juridiction compétente, elle pouvait être faite par les créanciers, par le
débiteur ou même d'office par la juridiction compétente informée de la
situation du débiteur: «… mais attendu qu’il ressort des pièces du
dossier de la procédure que les premiers juges n’ont pas statué sur la base
d’une assignation formée par les sieurs AKUYA Bienvenu, Casimir ESSAKIBA et
MOKOSSO Serge ; que le tribunal s’est plutôt saisi d’office en raison des
informations fournies par le Collectif des Travailleurs de la SOCALIB pour
prononcer la liquidation de ladite société ; que par conséquent il n’y a
pas lieu à rechercher si les sieurs sus indiqués avaient ou non la qualité pour
ester en justice… »[9].
L'article 32 al.2 de
l'AUPC précisait qu'avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire,
la Président de la juridiction compétente pouvait désigner un juge ou toute
personne qualifiée à l'effet d'enquêter sur la situation financière du débiteur[10], ses agissements et le
concordat[11]
fait par ce dernier. C'est le rapport qui résultait de l'enquête diligentée qui
devait déterminer le juge dans le choix entre le redressement judiciaire et la
liquidation des biens : « … que
la cour d’appel par son arrêt confirmatif du jugement d’instance qui s’est
fondé sur les conclusions de l’expert désigné qui a constaté que la CCI, en
état de cessations des paiements, avait un passif exigible supérieur à son
actif réalisable et disponible de plus de 26 milliards de FCFA, de sorte
qu’elle est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible et qu’en
plus, le plan de restructuration présenté ne peut être réalisé faute de
ressources financières… »[12].
Le jugement intervenu
constatait l'état de cessation des paiements, nommait les organes chargés de la
mise en œuvre de la procédure (art.35 : le juge-commissaire, les syndics –
trois au maximum – les contrôleurs s’il y a lieu) et fixait la date de la
cessation des paiements, laquelle ne pouvait être antérieure de plus de 18 mois
au prononcé de la décision d’ouverture (art.34 al.2).
Le jugement d’ouverture
rendu opérait une sorte de main mise sur les biens du débiteur qui ne pouvait
plus les aliéner de son propre gré.
Le jugement prononçant le
redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire et fixant la date de
cessation des paiements était inscrit au registre du commerce et du crédit
mobilier si le débiteur était commerçant. Il était également inséré par
extraits dans un journal d’annonces légales, avec avertissement aux créanciers
de produire leurs créances auprès du syndic.
Cependant, les procédures
ci-dessus succinctement décrites ont présenté d’énormes insuffisances qui
justifient la récente réforme.
Les insuffisances
pratiques et fonctionnelles (1) ont poussé les experts et autres observateurs à
réclamer à corps et à cri des réformes (2).
Les insuffisances de la
réglementation ont été amplifiées par sa non maîtrise par les acteurs
judiciaires ou non, les irrégularités récurrentes entraînant la disparition
même des entreprises qui pouvaient être sauvées et des pertes pour les
créanciers. Un auteur a pu dire que « la
pratique montre que les magistrats ne semblent pas encore maîtriser les
différentes opérations qui jalonnent la procédure, face à des syndics qui
disposent d’une grande liberté d’action »[13].
En effet, l’auteur qui
fait observer que le juge-commissaire est le personnage central de la procédure
collective en déduit que « le succès
de la procédure dépend très largement de son implication et de sa clairvoyance
sur le travail effectué par le syndic ». Il relève ensuite, avec
amertume que dans la pratique, bien souvent, le juge-commissaire, après sa
nomination, abandonne le dossier « entre
les mains du syndic qui dispose ainsi de toute latitude pour conduire la
procédure à sa guise ». Cette attitude dénotant d’un laxisme n’a
souvent eu pour conséquence que de compromettre les intérêts de l’entreprise et
principalement des créanciers à qui il était difficilement donné l’occasion de
s’exprimer.
En réalité, l’absence de
spécialisation à l’origine de la non maîtrise des textes a souvent été à la
base de l’effacement du juge-commissaire qui préférait laisser la place au
syndic dont il attendait simplement les comptes rendus. Or, dans la plupart des
cas, les syndics ne se sont pas préoccupés du devenir de l’entreprise encore
moins du sort des créanciers, préférant se servir au passage en foulant aux
pieds toutes les règles de procédures[14].
Afin d’accroître
l’efficacité du juge-commissaire dans sa mission de contrôle, il a été suggéré
à son profit des connaissances en matière financière, économique et comptable,
car « dans la mesure où la procédure
collective peut s’accompagner de la continuation de l’exploitation commerciale,
le juge-commissaire doit avoir la capacité d’apprécier l’opportunité de
certaines décisions du syndic »[15].
Une difficulté importante
unanimement soulevée résidait dans la rémunération des syndics, laquelle
n’était fondée sur aucun critère fiable et était très souvent arbitraire et
disproportionnée, de sorte que, à titre purement indicatif, pendant que certaines liquidations
clôturaient pour insuffisance d’actif, les syndics en étaient à réclamer de
faramineuses sommes après s’être déjà servis des rémunérations à plusieurs
titres. Cette situation était entretenue par le vide juridique sur la
rémunération des syndics qui pouvaient alors facilement s’allier avec les juges
qui les désignaient pour se servir ensemble, ce qui justifiait que les actes
des syndics soient entérinés aussi facilement par les juges.
Au total, des
insuffisances ont été observées à tous les niveaux, depuis les débiteurs
appelés à redresser sur la base du concordat par eux proposé mais qui se
détournent et organisent leur insolvabilité, jusqu’à la fin biaisée de la
procédure en passant par la négligence et l’insouciance des organes appelés à
intervenir, toutes choses qui ont dépourvu cette matière de leur intérêt auprès
de nombreux opérateurs économiques et autres praticiens.
En outre, pour beaucoup
d’autres raisons non énumérées ici, il devenait plus qu’urgent de réformer le
droit OHADA des procédures collectives.
La
Banque Mondiale, dans son rapport Doing business de 2012, indiquait déjà que
« … en dépit des efforts de
coopération régionale déployés sous l’égide de l’OHADA, l’Afrique subsaharienne
manque d’expérience en matière de solutionnement de l’insolvabilité. La région
compte la plus importante proportion d’économies ne disposant pas, ou peu, de
pratique en matière de faillites. Ainsi, 7 des 46 économies de la région, dont
3 parmi les Etats membres de l’OHADA, n’ont enregistré aucun cas de faillite au
cours des 5 dernières années »[16].
Le
rapport poursuit en précisant que « les
coûts de fermeture d’une entreprise dans les Etats membres de l’OHADA s’élèvent
à 25 % de la valeur des biens du débiteur, les délais moyens sont de 3,75 ans,
et le taux de créance recouvrée est d’environ 20 % du montant des créances ;
ces résultats sont comparables à ceux de l’Afrique subsaharienne ».
Ces
constats qui ne sont autres que les conséquences des insuffisances relevées
plus haut ont été à l’origine de la réforme appelée de tous leurs vœux aussi
bien par les acteurs de ces procédures que par les personnes qui, même sans en
être actrices, en subissaient les conséquences.
Bien
que la situation ne fût pas reluisante dans tous les pays de l’espace OHADA,
certains pays se démarquaient d’autres et arrivaient à diligenter des
procédures collectives qui, sans être exemplaires, produisaient des résultats
passables. C’est ainsi que les créanciers de la Côte d’Ivoire pouvaient
recouvrer en un peu plus de deux ans 40% de leurs créances pendant que ceux du
Niger ou du Gabon n’en recouvraient que la moitié en pratiquement quatre années[17].
En
définitive, les décideurs de l’OHADA, ont eu le temps de faire le constat de
« l’absence de règlementation des
mandataires judiciaires, durée trop longue des procédures, lourdeur et
inadaptation des procédures pour les micro-entrepreneurs, absence d’une
procédure préventive de conciliation moderne pour promouvoir les négociations
privées et les accords extrajudiciaires entre le débiteur et ses créanciers et
absence d’un régime adéquat pour les faillites internationales ouvertes hors de
l’espace OHADA »[18].
Dès
lors, il était question d’opérer des réformes en mettant en place un cadre
juridique approprié et en s’assignant des objectifs dont la philosophie
générale devait être de rendre plus efficientes les procédures, de rechercher
la qualification des administrateurs judiciaires, toutes choses devant en
définitive contribuer à préserver les intérêts de tous les intervenants.
C’est
à ce besoin que l’Acte uniforme du 10 septembre 2015 essaie de répondre aux termes
d’une réforme fastidieuse entamée en 2007. Cette réforme introduit dans cette
matière des innovations qui révolutionnent véritablement la matière des procédures
collectives d’apurement du passif dans l’espace OHADA.
Les
spécialistes des procédures collectives OHADA affirment qu'une "législation efficace en matière de
procédures collectives doit satisfaire à trois exigences principales
conformément à l'analyse économique du droit:
- Réhabiliter les entreprises viables
et liquider rapidement les entités non viables;
- Maximiser les montants recouvrés par
les créanciers, sur la base de la valeur du marché du patrimoine de
l'entreprise débitrice;
- Etablir un ordre précis de paiement
des créances garanties et non garanties"[19].
C’est
au demeurant ce qui ressort de l’article 1er de l’Acte uniforme du
10 septembre qui dispose que l’objectif visé est de :
-
« Organiser les procédures préventives de
conciliation et de règlement préventif ainsi que les procédures curatives de
redressement judiciaire et de liquidation des biens afin de préserver les
activités économiques et les niveaux d’emploi des entreprises débitrices, de
redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non
viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des
débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par les créanciers et d’établir
un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties ;
-
Définir la
règlementation applicable aux mandataires judiciaires ;
Il convient dès lors, pour cerner cette réforme dans tous ses contours, d’examiner tour à tour les procédures de prévention (A), l’intervention des mandataires judiciaires (B) avant de repréciser le redressement judiciaire et la liquidation des biens (C) avec la spécificité que des procédures simplifiées adaptées aux petites entreprises ont été mises en place (D).
Les procédures préventives mises en place par
l’AUPC se résument à la conciliation (1) et au règlement préventif qui a été refondu par rapport à l’ancien Acte
uniforme (2).
La
procédure de conciliation dont l'exigence de confidentialité a été expressément
soulignée par le législateur[20] a pour but de faciliter
un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers et éventuellement ses cocontractants,
en vue de lui éviter la cessation des paiements. En effet, par la signature
d’un accord amiable, les créanciers et autres cocontractants du débiteur
« lui donnent une chance de
surmonter ses difficultés qui, par hypothèse, ne sont pas encore trop graves,
ce qui lui permettra finalement de régler ses dettes et leur conservera un
partenaire, client ou fournisseur… »[21].
Toutefois,
pour mieux cerner cette procédure, il convient de l’examiner aussi bien du
point de vue des conditions de son déclanchement (a) que de celui de son
déroulement et son issue (b).
La
procédure de conciliation ne peut être mise en branle que si la qualité du
débiteur et sa situation le lui permettant il saisit le président de la
juridiction compétente (a1), lequel désigne un conciliateur à qui il assigne
une mission précise (a2).
Aux
termes de l’article 5-1, la conciliation est ouverte à toutes les personnes
concernées par les procédures collectives tel que précisé à l’article 1-1[22] qui connaissent des
« difficultés avérées ou prévisibles
mais qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements ».
Sur
la qualité du débiteur, aucun problème particulier ne se pose.
Cependant,
c'est au niveau de sa situation financière que des interrogations peuvent être
soulevées, notamment quant au sens à donner à "difficultés avérées ou prévisibles". On peut penser que
"difficultés prévisibles" signifie que le débiteur, qui n'est pas
encore en difficulté, "doit être
confronté à assez court terme à un problème grave qu'il ne peut résoudre avec
des moyens ordinaires, tel un simple crédit bancaire, et qui, non traité, met
en danger l'exploitation normale de l'entreprise"[23]. Le débiteur ne doit en
outre pas être dans une situation irrémédiablement compromise car, si tel était
le cas, la procédure de conciliation ne serait pas appropriée.
En
ce qui concerne l'ouverture de la procédure, l’article 5-2 dispose que le
Président de la juridiction compétente[24] est saisi par une requête
du débiteur ou une requête conjointe[25] du débiteur et ses
créanciers. Cette requête qui expose les difficultés du débiteur et les moyens
d’y faire face doit être accompagnée d’un certain nombre de documents qui
doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par le requérant :
-
Une
attestation d’immatriculation ou d’inscription ou de déclaration d’activité à
un registre ou à un ordre professionnel ou, à défaut, tout autre document de
nature à prouver la réalité de l’activité exercée par le débiteur ;
-
Le
cas échéant, les états financiers de synthèse comprenant le bilan, le compte de
résultat, un tableau financier des ressources et emplois ;
-
Un
état de la trésorerie et un état chiffré des créances et dette avec indication
des dates d’échéances ;
-
Un
document indiquant le nombre de travailleurs déclarés et immatriculés ;
-
Une
attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas
être en état de cessation des paiements et précise qu’il n’est pas soumis à une
procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens qui ne serait pas clôturée ;
-
Si
le débiteur propose un conciliateur, un document indiquant les noms, prénoms,
qualités et domicile de la personne proposée et une attestation de cette
dernière indiquant ses compétences professionnelles ;
-
Le
cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domicile des créanciers
qui se joignent à la demande du débiteur et le montant de leurs créances et
éventuelles sûretés dont elles sont assorties.
C’est
au vu des documents ci-dessus que le président de la juridiction saisie ouvre
la procédure de conciliation par la désignation d’un conciliateur à qui il
assigne des tâches bien précises.
La
désignation du conciliateur répond à certaines exigences (a2.1) qui, remplies,
permettent de présumer que le conciliateur nommé sera à la hauteur des missions
à lui assignées.
Le
président de la juridiction compétente, statuant à huis, rend une décision
d’ouverture de la conciliation ou de rejet de la demande.
Dans
l’hypothèse de l’ouverture de la conciliation, il désigne par la même décision
un conciliateur, qui peut être celui proposé par le débiteur dans sa requête,
ou alors celui qu’il a lui-même choisi. On peut tout de même se poser la
question de savoir ce qu'il adviendrait si jamais le débiteur ne partageait pas
le choix du président dans la désignation du conciliateur.
Tout
compte fait, cette désignation doit obligatoirement tenir compte des exigences
posées par l’article 5-4 alinéa 2 qui précise que « le conciliateur doit avoir le plein exercice de ses droits civils,
justifier de sa compétence professionnelle et demeurer indépendant et impartial
vis-à-vis des parties concernées par la conciliation ». En clair, il
doit est d’une rectitude morale certaine, ne pas avoir une réputation entachée
et n’avoir aucun lien avec aucune partie prenante à la conciliation.
L’article
5-3 qui indique que le président de la juridiction statue et rend une décision
d’ouverture ou de rejet de la conciliation ne précise pas la nature de la
décision rendue et ne dit pas si elle est susceptible de recours ou pas.
Certes, étant donné que le président de la juridiction statue seul, on peut
raisonnablement en déduire qu’il se prononce par ordonnance. Mais peut-on dire
s’il s’agit d’une ordonnance gracieuse[26] ou d’une ordonnance
contentieuse[27]?
L'article
5-4 alinéa 3 précise que dès qu'il est informé de sa désignation, le
conciliateur doit attester qu'il remplit les conditions exigées[28]. Il doit pour arrêter sa
mission à tout moment s'il arrivait qu'il cesse de remplir ces conditions-là.
Les
modalités et les critères de rémunération du conciliateur doivent être
consignés dans un document signé conjointement par le débiteur et le
conciliateur, lequel document est annexé à la décision d'ouverture.
Quoiqu’il
en soit, les missions assignées au conciliateur permettent de mieux apprécier
la portée de cette procédure.
Aux
termes de l'article 5-5; la mission du conciliateur consiste à favoriser la
conclusion, entre le débiteur et ses principaux créancier, ainsi que, le cas
échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin
aux difficultés financières de l'entreprise. Il est donc question pour lui de
mettre tout en œuvre, notamment par des négociations et autres discussions,
pour permettre aux parties de conclure un accord amiable acceptable.
L’article
5-3 alinéa 1 précise que la conciliation est ouverte pour une période de trois
mois qui ne peut être exceptionnellement prorogée que d’un mois, à la demande
du débiteur, le conciliateur entendu.
En
accomplissant sa mission de favoriser la conclusion d'un accord, le
conciliateur est un personnage central dans cette procédure. Toutefois, il doit
rendre régulièrement compte au président de l'état d'avancement de ladite
mission et faire des observations si cela s'avère nécessaire[29]. Il est parfaitement
informé de la situation du débiteur et de son évolution et peut même requérir
de ce dernier toutes les informations nécessaires ou utiles au bon déroulement
de sa mission.
De
la sorte, si la situation du débiteur s'aggrave dans l'intervalle au point
qu'il se trouve être en cessation des paiements, le conciliateur est tenu d'en
informer le président qui mettra immédiatement fin à la conciliation et à Sa
mission du, après l’avoir entendu avec le débiteur[30].
Le
président peut reporter le paiement de sommes dues à un créancier partie à la
conciliation et même suspendre les poursuites y relatives lorsque les
réclamations sont adressées durant la conciliation. Mais ces mesures prennent
fin à la fin de la conciliation[31].
Si
la conciliation n’aboutit pas à un accord, le conciliateur adresse un rapport
écrit au président qui, après avoir entendu le débiteur, met à sa mission et à
la conciliation.
Si
par contre survient un accord, celui-ci est déposé au rang des minutes d’un
notaire ou alors homologué ou exéquaturé par le président statuant à huis clos.
La décision d’homologation n’est susceptible d’aucun recours. Il reçoit
apposition de la formule exécutoire et des copies exécutoires peuvent être
délivrées aux parties.
Pendant
la durée de son exécution, l’accord conclu interrompt ou interdit toute action
en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tendant au
paiement des sommes objet de l’accord.
Le
président de la juridiction compétente peut prononcer la résolution de l’accord
en cas d’inexécution et dans ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de
leurs créances.
Toutefois,
si le débiteur se trouve dans une situation de difficultés économiques
sérieuses, sans être en cessation des paiements, il peut opter plutôt pour le
règlement préventif.
Aux
termes de l’article 6, « le
règlement préventif est ouvert au débiteur qui, sans être en état de cessation
des paiements, justifie de difficultés économiques ou financières sérieuses ».
Le nouveau règlement préventif qui vise le même objectif que l’ancien s’en
démarque par des innovations déterminantes qui permettent désormais aux
différentes parties prenantes de voir leurs intérêts sauvegardés.
La
requête en règlement préventif, qui émanait du débiteur seul, peut désormais
être initiée par lui, ou conjointement avec un ou plusieurs créanciers[32] et déposée au greffe de
la juridiction compétente contre récépissé[33]. Au nombre de pièces qui
étaient exigées, une dizaine, se sont ajoutées cinq autres, portant le nombre à
14[34], pièces qui doivent dater
de moins de trente jours. Le législateur a énuméré neuf (9) de ces pièces qui doivent
accompagner la requête, à peine d’irrecevabilité.
Les
documents nouvellement exigés se résument à :
-
Une
attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas
être en état de cessation des paiements ;
-
Si
le débiteur propose une personne à la désignation en qualité d’expert au
règlement préventif conformément au premier alinéa de l’article 8, un document
indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de cette personne et une
attestation de cette dernière précisant qu’elle remplit les conditions prévues
aux articles 4-1 et 4-2 ;
-
Le
cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domiciles des
personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de
fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 11-1, avec
l’indication du montant de l’apport ou de la valeur du bien ou du
service ;
-
Un
projet de concordat préventif[35] ;
-
Le
cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domiciles des
créanciers qui se joignent à la demande du débiteur, et le montant de leurs
créances et des éventuelles sûretés dont elles sont assorties.
L'article
8 énonce que si le projet de concordat est sérieux, la président de la
juridiction ouvre une procédure de règlement préventif et désigne un expert au
règlement préventif qui satisfait aux critères du conciliateur dans la
procédure de conciliation, lequel est chargé de faire un rapport sur la
situation financière du débiteur et les perspectives de redressement.
Une
innovation majeure ici consiste dans le pouvoir conféré au président de la
juridiction saisie de juger du caractère sérieux du projet de concordat. Sous
l'ancien régime, dès réception de la requête et des pièces, il rendait
immédiatement une ordonnance de suspension des poursuites individuelles et
désignait l'expert devant faire le rapport. Désormais, il examine si le projet
de concordat est sérieux avant d'ouvrir la procédure de règlement préventif.
La
décision d'ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les
poursuites individuelles tendant au recouvrement des créances nées antérieurement
à ladite décision, pour une durée de 4 mois au maximum. A peine de nullité de
droit, ladite décision interdit au débiteur entre autres de payer en tout ou en
partie les créances nées antérieurement à ladite décision, de faire tout acte
de disposition étranger à l'exploitation normale de la société ou de consentir
une sûreté. Cette décision est susceptible d'appel des créanciers et du
ministère public dans un délai de 15 jours à compter de la première publicité
prévue à l'article 37 s'ils estiment que le débiteur est en cessation des
paiements.
L'expert
au règlement préventif remplit sa mission dans les mêmes conditions que le
conciliateur dans la procédure de conciliation. Il rend régulièrement compte au
président de sa mission et le tient informé de la situation financière du
débiteur.
Dès
le dépôt du rapport de l'expert, la président de la juridiction saisie convoque
sans délai[36]
les parties prenantes (lé débiteur, l'expert et tout créancier pouvant être
entendu). Il doit se prononcer au plus tard dans les 30 jours qui suivent sa
saisine.
Si
le rapport n'est pas déposé dans le délai imparti ou si la juridiction n'est
pas saisie ou ne se prononce par dans le délai de trente jours à compter de sa
saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit et les créanciers et
le débiteur recouvrent chacun leur liberté d'action[37]. Cette innovation est
très importante en ce qu'on ne peut plus assister à des suspensions de
poursuites interminables comme par le passé, suspensions qui n'étaient devenues
que des moyens juridiques habiles pour torpiller les créanciers et ne pas les
payer.
Le
président de la juridiction qui constate que des créanciers ont refusé de
consentir des délais ou remises au débiteur s'investit et provoque de nouvelles
négociations pour que les parties parviennent à un accord. Si malgré cette implication un
accord n'est pas trouvé et si le concordat préventif comporte une demande de
délai n'excédant pas deux ans, la juridiction peut rendre ce délai opposable à
tous les créanciers qui ont refusé tout délai ou toute remise, à condition que
cela ne mette pas en péril l'entreprise des créanciers (art.15 AUPC). Dans ce
cas, seul le délai leur est opposable et non les remises consenties au
concordat: "... attendu qu’il ressort des pièces du dossier que la BICICI s’est
toujours opposée à la remise de dettes de 80% proposée dans le concordat ;
qu’elle a soutenu que c’est le délai de deux ans qui lui est opposable en cas
de refus d’acceptation du concordat ; que conformément à l’article 15.2 de
l’Acte uniforme sus indiqué, à l’exception du délai de deux ans qui lui est
opposable, la BICICI n’est pas tenue d’accepter la remise proposée dans le
concordat, celui-ci ne lui étant pas opposable ; qu’il convient donc
d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a rendu la remise
opposable à la BICICI et dire que seule la durée de deux ans du concordat
est opposable à la BICICI laquelle n’a pas accepté la remise proposée par le
débiteur"[38].
Le
président peut constater que la situation du débiteur ne relève d'aucune
procédure collective, il peut également rejeter le concordat préventif proposé
et dans ce cas le règlement préventif prend fin immédiatement et les parties
reprennent leur liberté de mouvement. La décision ainsi rendue est susceptible
d'appel dans un délai de 15 jours à compter de son prononcé[39].
Le
président de la juridiction homologue le concordat préventif si les conditions
sont réunies, par une décision qui met fin aux missions de l'expert. Les délais
consentis ne doivent pas excéder 3 ans pour l'ensemble des créanciers et un an
pour les salariés.
Cette
décision peut désigner d'office ou à la demande du débiteur ou d'un créancier
un syndic et/ou un ou des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du
concordat homologué. Il désigne également un juge-commissaire qui contrôle les
activités du syndic ou des contrôleurs, lequel lui adresse un rapport tous les
trois mois ou à sa demande.
La
décision d'homologation est susceptible d'appel des créanciers et du ministère
public dans le délai de 15 jours à compter de son prononcé pour le ministère
public, à compter de la première mesure de publicité pour les créanciers.
Le
concordat préventif homologué s'impose à toutes les parties prenantes,
notamment les créanciers antérieurs et le débiteur. Le syndic ou les
contrôleurs désignés contrôlent l'exécution du concordat préventif et signalent
tout manquement au juge-commissaire. Ils lui rendent compte tous les trois mois
du déroulement de leurs missions.
La
rémunération du syndic en qualité de contrôleur est désormais encadrée et
enfermée dans un barème institué à l'article 4-19.
Au
sens de l’article 1-3 de l’AUPC, l’expression « mandataire judiciaire » renvoie à l’expert au règlement
préventif et au syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
Jusqu’à la nouvelle règlementation, les missions dévolues à cet organe central
des procédures collectives étaient exercées dans un certain flou, compromettant
ainsi gravement l’avenir des entreprises qui pouvaient être redressées ou
sauvées.
La
nouvelle règlementation a mis en place un cadre juridique général qui permet
désormais d’avoir une lisibilité sur ses fonctions, ses obligations, sa
rémunération et ses responsabilités, ce cadre devant faire l’objet au niveau national
d’un texte plus élaboré dans chaque Etat partie[40].
D’une
manière générale, le socle mis en place par le législateur communautaire
définit de manière générale les conditions d’accès et d’exercice des fonctions
de mandataire judiciaire (1) ainsi que la rémunération du mandataire judiciaire
(2).
Le
législateur communautaire demande aux Etats parties d’exercer un contrôle, une
supervision des mandataires judiciaires opérant sur leur territoire, « au besoin en mettant en place à cet effet
une autorité nationale dont il fixe l’organisation, la composition et le
fonctionnement ». Il s’agit en réalité de mettre en place un organe
chargé de contrôler l’accès et
l’exercice des fonctions de mandataire judiciaire, de prononcer et suivre
l’application des sanctions disciplinaires et globalement de mettre en place un
code déontologique applicable à tous les mandataires judiciaires inscrits. Cet
organe devrait jouer pratiquement le même rôle que certains ordres professionnels
tel que l’Ordre des Avocats, l’Ordre des Experts comptables, la Chambre
nationale des Notaires etc… Bref, il s’agit d’une profession règlementée[41] que ne pourront exercer
que des personnes en remplissant les conditions et préalablement inscrits sur
une liste[42].
Pour
exercer la profession de mandataire judiciaire, il faut être inscrit sur la
liste nationale des mandataires judiciaires. Cinq conditions sont requises pour
être inscrit sur ladite liste, lesdites conditions pouvant être rallongées[43] par chaque Etat partie :
-
Avoir
le plein exercice de ses droits civils et civiques ;
-
N’avoir
subi aucune sanction disciplinaire, une condamnation définitive à une peine
privative de liberté d’au moins 3 mois ou commis un délit contre les biens ou
une infraction économique ou financière ;
-
Etre
expert-comptable ou habilité par la législation nationale ;
-
Justifier
d’un domicile fiscal dans l’Etat Partie et être à jour de ses obligations
fiscales ;
-
Présenter
des garanties de moralité jugées suffisantes par l’autorité de supervision ou
par la juridiction compétente
L’inscription
sur cette liste qui est communiquée aux juridictions de l’Etat partie est faite
par décision de l’autorité nationale, susceptible de recours devant la
juridiction compétente en cas de refus d’inscription.
D’aucuns
ont soutenu que de l’énumération des conditions telle qu’elle a été faite
« se trouvent exclus de l’accès à la
profession de mandataire judiciaire les avocats ou les autres professions
règlementées »[44]. Nous ne partageons pas
cet avis pour au moins deux raisons : d’abord, l’article 4-2 qui énumère
les conditions d’accès à la profession précise bien que chaque Etat partie peut
ajouter des conditions supplémentaires, ce qui suppose qu’il peut y être
intégré d’autres corps de métiers en fonction des spécificités de l’Etat
concerné. Ensuite, la formulation des
articles
4-4, 2°) et 4-9 alinéa 2 de l’AUPC permet de déduire que le législateur
communautaire lui-même n’exclut pas l’intégration d’autres corps de métiers tel
l’ordre des avocats.
Pour
exercer les fonctions de mandataire judiciaire, il faut présenter toutes les
garanties d’indépendance, de neutralité et d’impartialité, et se montrer
désintéressé. A cet effet, avant d’entrer en fonction, la mandataire judiciaire
doit non seulement prêter serment devant le président de la juridiction
désignée, mais également signer une déclaration d’indépendance, de neutralité
et d’impartialité. La fonction est incompatible avec toute activité de nature à
porter atteinte aux qualités morales sus énumérées.
Ne
peut être nommé mandataire judiciaire dans une procédure collective tout
expert-comptable, tout avocat, tout comptable agréé ayant un lien quelconque
avec le débiteur ou les créanciers (article 4-4).
L’article
4-22 précise que l’Etat partie peut prévoir que l’autorité nationale ou la
juridiction compétente désigne là ou les banques auprès desquelles les syndics
ont l’obligation d’ouvrir un compte spécial aux fins d’y domicilier les
opérations afférentes aux procédures collectives.
Le
mandataire qui pose des actes contraires à la probité, à l’honneur ou à la
délicatesse s’expose à des poursuites disciplinaires sur une période allant
jusqu’à trois ans à compter de la découverte des faits.
Les
sanctions disciplinaires encourues sont l’avertissement, le blâme, la
suspension provisoire, l’interdiction provisoire et la radiation de la liste
des mandataires judiciaires.
Par
ailleurs, le mandataire dans l’exercice de ses fonctions engage sa
responsabilité civile à l’égard du débiteur, des créanciers et des tiers. La
juridiction compétente pour statuer est celle désignée pour statuer en matière
de procédures collectives. En outre, le mandataire judiciaire engage aussi sa
responsabilité pénale.
Toutefois,
les fonctions de mandataire judiciaire sont rémunérées.
L’article
4-16 & 17 énonce que le mandataire judiciaire est rémunéré sur le
patrimoine du débiteur, cette rémunération étant fixée, en fonction du barème
mis en place par l’Etat partie, par la décision homologuant ou rejetant le
concordat préventif, ou mettant fin au règlement préventif.
Le
barème fixé tient compte de deux critères principaux : le temps passé et
le nombre de créanciers concernés par la procédure. L’Etat partie peut ajouter
des critères supplémentaires. En tout état de cause, il est tenu compte du
chiffre d’affaire du débiteur au cours de l’exercice précédent la procédure
collective, du ratio de recouvrement de créances, du temps passé et des
difficultés éventuellement rencontrées, de la célérité des diligences
accomplie.
Il
convient de préciser que la juridiction qui désigne le mandataire judiciaire
peut lui allouer une provision sur sa rémunération qui ne peut excéder 40% du
montant prévisionnel.
Il
peut être prévu une rémunération forfaitaire du mandataire lorsque la procédure
collective est simplifiée.
Toutefois,
même en application du barème de rémunération mis en place, la rémunération du
mandataire judiciaire, dans les cas de liquidation des biens, ne peut excéder
20% du montant total de la réalisation de l’actif du débiteur (art. 4-19). Nous
pensons qu’il s’agit là d’une précaution salutaire[45] dont on espère qu’elle
n’aura pas d’effets pervers.
Il
a toujours admis que dès qu’un débiteur est dans l’impossibilité de faire face
à son passif exigible avec son actif disponible, il est en état de cessation
des paiements et peut alors solliciter l’ouverture d’une procédure collective
d’apurement du passif, en l’occurrence le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens, quelle que soit la nature de ses dettes[46].
La
version de l’AUPC du 10 septembre 2015 entrée en vigueur le 24 décembre 2015 ne
s’est pas éloignée de ce postulat. Toutefois, la philosophie qui a sous tendu
la révision du texte de 1998 ayant été de sauver au maximum les entreprises, il
a fallu donner une nouvelle définition de l’état de cessation des paiement qui,
à l’analyse, permet désormais d’ouvrir la porte au redressement là où hier
c’était la liquidation. Ainsi, l’article 25 précise que « la cessation des paiements est l’état où le
débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible
avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où les réserves de
crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses
créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible »[47].
Il
est dès lors indiqué, à notre sens, de se faire une idée assez précise du
nouveau contenu de la notion de cessation des paiements (1), avant d’explorer
les améliorations apportées à la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens (2).
Outre la reconduction de la définition
traditionnelle de la cessation des paiements, l’article 25 alinéa 2 souligne
qu’on ne parlera plus de cessations des paiements si le débiteur qui est dans
l’impossibilité actuelle de faire face à son passif exigible avec son actif
disponible dispose de réserves de crédit ou bénéficie des délais de paiement
consentis par ses créanciers pour faire face audit passif exigible.
Une
doctrine relevait déjà, au lendemain de l’AUPC du 10 avril 1998, que le
législateur OHADA qui s’était abstenu de donner une définition précise de la
notion d’entreprise en difficulté, avait fait des progrès qui se limitaient à
la définition de la cessation des paiements et à l’énoncé de certaines
indications relatives à la survenance d’une situation très préoccupante[48]. Aujourd’hui, le
législateur communautaire a fait preuve de maturité et de maîtrise de
l’environnement actuel des entreprises en difficulté qu’il fallait moderniser
en le meublant de textes adaptés.
En
adoptant une nouvelle définition, somme toute flexible de la notion de
cessation des paiements, notamment en prenant en compte les réserve de crédit[49] et les remises des
créanciers, le législateur communautaire s’est arrimé au droit français duquel
il s’est d’ailleurs inspiré depuis le texte de 1998. En effet, l’article
L.631-1 alinéa 1 de l’ordonnance de 2008 dispose en son « le débiteur qui établit que les réserves de
crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui
permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas
en cessation des paiements »[50].
Il
ressort de cette nouvelle conception de la cessation des paiements qu'il
revient au débiteur de prouver qu'il a des réserves de crédit ou que les
créanciers lui ont accordé des moratoires qui lui permettent de faire face au
passif exigible, pour ne pas être admis au redressement judiciaire ou à la liquidation
des biens. Cette preuve ne peut être administrée que dans une instance tendant
à l’ouverture d’une procédure collective "...
attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour
d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne
faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques
de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une
recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision"[51].
Cette
solution est salutaire pour les entreprises car elles sont le plus souvent
confrontées à des problèmes de trésorerie que le crédit sert précisément à
résoudre, qu’il émane des fournisseurs (crédit fournisseur), des établissements
de crédit (crédit bancaire) ou des tiers, et s’il n’était pas tenu compte du
crédit, la plupart seraient en cessation des paiements[52].
En
définitive, outre cette définition extensive de la notion de cessation des
paiements, des réformes révolutionnaires ont amélioré la procédure de
redressement judiciaire et de liquidation des biens.
2- Les
améliorations apportées à la procédure de redressement judiciaire et de
liquidation des biens
Une
amélioration notable de la procédure nous est fournie par l’article 25 alinéa 5
qui offre au débiteur, au moment du dépôt de sa requête, de choisir entre le
redressement judiciaire et la liquidation des biens. Par ailleurs, l’article 27
alinéa 1 lui permet de déposer un projet de concordat dans un délai de 60 jours
à compter de la requête[53].
Nous
pensons que la multiplication par quatre de l’ancien délai pour atteindre deux
mois pratiquement, n’a d’autre but que de permettre au débiteur, de surcroît qui a opté pour le redressement judiciaire, de
mieux peaufiner le projet de concordat qui se veut sérieux, afin de donner un
peu plus de chance à sa requête. Cette analyse est d’ailleurs confortée par le
point 10 de l’article 26 qui énumère au nombre des pièces devant accompagner la
requête, si l’occasion s’y prête, « … un
document indiquant les noms, prénoms, qualités et domiciles des personnes qui
envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau
bien ou service dans les conditions de l’article 33-1, avec l’indication du
montant de l’apport ou de la valeur du bien ou du service ». Or,
l’établissement d’un tel document ne peut être que la résultante de plusieurs
démarches qui n’auraient pas pu se faire en seulement quinze jours.
Il
est important de souligner que l’option choisie par le débiteur ne lie pas la
juridiction saisie qui, ayant constaté la cessation des paiements, peut
prononcer la liquidation des biens ou alors, prononcer le redressement
judiciaire s’il juge que le projet de concordat est sérieux ou a les chances
d’être obtenu ou encore si une cession globale est envisageable[54]. Cette dernière hypothèse
est également une solution nouvelle qui peut procéder de l’observation ou de
l’analyse faite par la juridiction.
Nous
pensons concrètement que la possibilité désormais offerte au débiteur de
choisir la procédure, que d’aucuns considèrent comme le changement le plus
important[55],
combinée avec la rallonge du délai initial de dépôt du concordat, doit être
appréciée à sa juste valeur, car elle pourra aussi servir de jauge pour mesurer
le degré de bonne foi du débiteur dans la recherche des solutions pour sceller
le sort de l’entreprise. C’est sans doute ce qui a poussé un spécialiste des
procédures collectives à dire que « le
premier rôle revient au débiteur pour faire une proposition de concordat
sérieux, mais s’il n’inspire plus confiance alors que la situation de
l’entreprise n’est pas désespérée, une cession globale peut être
prononcée »[56].
Une
autre amélioration non moins intéressante et qui somme toute est à l’avantage
des créanciers, résulte de l’article 33-1. En effet, ce texte octroi un
privilège[57]
selon les rangs prévus par les articles 166 et 167, en cas de conversion du
redressement judiciaire en liquidation des biens, aux « personnes qui avaient consenti dans le
concordat de redressement judiciaire un nouvel apport en trésorerie au débiteur
en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa
pérennité »[58]. Sont également concernés
« les personnes qui fournissent un
nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’activité de
l’entreprise débitrice et sa pérennité »[59]. Ceux-ci quant à eux
bénéficient d’un privilège sur le prix du service ou du bien.
Ce
traitement privilégié n’est que la contrepartie de l’engagement qu’ils ont pris
au moment de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, en prenant
le risque d’investir dans une structure à
l’avenir pas rassurant. Le législateur communautaire l’a prévu pour
inciter des personnes à financer la restructuration de l’entreprise. C’est
pourquoi les alinéas 3 et 4 de l’article 33-1 excluent l’extension de ces
avantages à ceux qui ont consenti des apports à l’occasion d’une augmentation
de capital ou encore à ceux dont la créance est née antérieurement à
l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, opérations par principe
effectuées en période normale d’activité. C’est enfin, à notre avis, ce qui
justifie aussi l’alinéa 3 de l’article 27 qui dispose que « le projet de concordat de redressement
judiciaire peut établir un traitement différencié entre les créanciers si les
différences de situation le justifient ».
Par
ailleurs, le déroulement des procédures collectives est désormais enfermé dans
des délais. Point n’est plus question d’attendre indéfiniment que les acteurs
posent des actes pour faire avancer les choses.
Ainsi,
aux termes de l’article 33 alinéa 6, « … à
l’expiration d’un délai de six (6) mois à compter de la décision d’ouverture du
redressement judiciaire, qui peut être prorogé une seule fois par la
juridiction compétente, d’office ou à la demande du débiteur ou du syndic pour
une durée de trois mois, ladite juridiction convertit le redressement
judiciaire en liquidation des biens, d’officie ou à la demande de tout
intéressé ». Ce délai devra permettre qu’avec le concours du débiteur,
le syndic établisse un bilan économique et social qui précise l’origine,
l’importance et la nature des difficultés du débiteur. Cette période est
suffisante et déterminante pour avancer si bien qu’au-delà la juridiction
compétente peut prendre ses responsabilités en l’absence de toute évolution
notable.
De
même, l’article 33 alinéa 3 impartit, dans le cas où elle prononce la
liquidation des biens, un délai aux termes duquel la clôture de la liquidation
est examinée. Ce délai est de dix-huit (18) mois, susceptible d’être prorogé
une seule fois pour une durée de six (6) mois. La juridiction compétente
prononce, à l’expiration de ce délai, d’office où à la demande de tout
intéressé, à la clôture de la liquidation.
Un
observateur averti a récemment relevé que « l’institution de procédures simplifiées destinées aux petites
entreprises fait directement écho à la création du statut de l’entreprenant par
l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général révisé en ce qu’elle
répond également à un réel souci d’adaptation du droit des procédures
collectives aux réalités socioéconomiques et à l’environnement des dix-sept
Etats parties de l’OHADA »[60]. En effet, exprimant sa
volonté de réduire le secteur informel et mieux connaître les intervenants de
ce secteur dans l’optique de permettre la mutation souhaitée du RCCM en un
véritable registre économique apte à jouer un rôle d’information économique[61], le législateur
communautaire avait, le 15 septembre 2010, révisé l’Acte uniforme portant sur
le droit commercial général et avait créé le statut d’entreprenant pour les
entrepreneurs individuels, adapté au secteur informel ayant un régime juridique
allégé. C’est donc ce même souci de simplification et d’adaptation qui justifie
l’allègement des procédures collectives pour certaines catégories de
structures.
L’article
1-3 donne une définition de la notion de « petite entreprise » afin
de mieux circonscrire le champ d’application des procédures simplifiées. Il
considère en effet qu’est petite entreprise « toute entreprise individuelle, société ou toute autre personne morale
de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt
(20) et dont le chiffre d’excède pas cinquante (50) millions de francs CFA hors
taxe au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction
compétente conformément au présent Acte uniforme ».
Les
procédures ont été simplifiées en ce qui concerne le règlement préventif, le
redressement judiciaire et la liquidation des biens, avec le tempérament que
s’agissant particulièrement de la procédure de liquidation des biens, la petite
entreprise qui souhaiterait en bénéficier ne doit pas être titulaire d’un actif
immobilier[62].
C’est
le règlement préventif tel que développé plus haut, à la différence qu’il est
un peu plus allégé dans ses conditions de mise en œuvre. Ainsi, en application
de l’article 24-2, tout débiteur répondant à la définition de la petite
entreprise telle que donnée par l’article 1-3, et qui souhaiterait en
bénéficier, doit déposer une requête à cette fin, accompagnée des pièces visées
à l’article 6-1.
La
simplification tient ici de ce que par dérogation à l’article 6-1. 13° qui
prescrit, à peine d’irrecevabilité, le dépôt au même moment que la requête,
d’un projet de concordat, le débiteur n’est pas tenu d’en fournir un au moment
du dépôt de la requête. Toutefois, l’expert au règlement préventif assiste le débiteur
dans l’élaboration dudit projet.
Par
ailleurs, le rapport que doit dresser l’expert et contenant l’accord intervenu
entre le débiteur et ses créanciers doit être déposé dans un délai de deux mois
qui peut, exceptionnellement, être prorogé de 15 jours. Le débiteur doit en
outre produite une déclaration sur l’honneur établissant qu’il remplit les
conditions d’application du règlement préventif simplifié.
La
décision de la juridiction compétente d’appliquer ou non le règlement préventif
simplifié n’est susceptible d’aucune voie de recours.
La
petite entreprise en situation de cessation de paiements qui souhaiterait
bénéficier de la procédure de redressement judiciaire simplifiée, doit faire la
déclaration prévue aux articles 25 et 26. Elle doit l’accompagner d’une
déclaration sur l’honneur attestant qu’elle remplit les conditions
d’application du redressement judiciaire simplifié, et déposer en même temps ou
au plus tard dans les 45 jours[63], avec le concours du
syndic, un projet de concordat.
Aux
termes de l’article 145-4, le projet de concordat de redressement judiciaire
peut se limiter à des délais de paiements, des remises de dettes ainsi qu’aux
garanties éventuelles que le chef d’entreprise doit souscrire pour en assurer
l’exécution. Ici, il n’est pas dressé de bilan économique et social comme dans
le redressement judiciaire ordinaire.
Il
convient de relever que si la décision d’appliquer au débiteur le redressement
judiciaire simplifié n’est pas susceptible de recours, elle n’est pas non plus
irrévocable dans la mesure où, au regard de l’article 145-7, à tout moment,
jusqu’à l’homologation du concordat de redressement judiciaire, la juridiction
compétente peut décider, par décision spécialement motivée, ce à la demande du
débiteur, du syndic, du ministère public ou même d’office, de ne plus appliquer
la procédure simplifiée[64].
Préalablement
à l’homologation du concordat, précisément dans les quinze jours qui précèdent
ladite homologation, le syndic doit en communiquer le projet à tous les
créanciers par tout moyen laissant trace écrite. Si le projet de concordat
comporte des remises de dettes et des délais de paiement au-delà de deux ans,
l’accord de chaque créancier concerné est nécessaire, le défaut de réponse dans
les quinze jours suivant la réception étant considéré comme un refus[65]. Ces réponses sont
nécessaires pour la finalisation du projet de concordat définitif qui sera
homologué dans les mêmes conditions que s’agissant du redressement judiciaire
ordinaire (voir les conditions aux articles 126 & 127).
La
petite entreprise éligible à la procédure simplifiée de liquidation des biens
ne peut en bénéficier que s’il n’est pas propriétaire d’un actif immobilier[66]. Cela revient à dire que
la réalisation d’actifs portera essentiellement sur les meubles.
Il
n’est pas prévu l’intervention du juge-commissaire dans la liquidation
simplifiée. De la sorte, dans la décision qui ordonne la liquidation
simplifiée, sont déterminés les biens devant faire l’objet de la vente de gré à
gré[67]. Le syndic procède à
ladite vente dans un délai de 90 jours à l’issue duquel il faudra
obligatoirement procéder à la vente aux enchères publiques.
La
vérification des créances est allégée, car il n’est vérifié que celles
susceptibles de venir en rang utile, ainsi que les créances salariales[68].
Aux
termes de l’article 179-8, à l’issue des vérifications et admissions de
créances, ainsi que la réalisation d’actifs, le syndic établit un projet de
répartition qui est déposé au greffe. Tout intéressé peut en prendre
connaissance et même le contester dans un délai de 10 jours à compter de la
publicité. Le juge-commissaire statue sur les contestations élevées par une
décision insusceptible de recours qui est notifiée aux créanciers intéressés.
Puis suit la répartition par le syndic.
Dans
les 120 jours au plus tard qui suivent la décision d’ouverture ou de
liquidation simplifiée, la juridiction compétente rend une décision de clôture
de la liquidation des biens, le débiteur entendu ou appelé. Ce délai peut, par
décision spécialement motivée de la juridiction compétente, être prorogé pour
une durée n’excédant pas 60 jours[69].
Tels
sont là quelques éléments indicatifs, mais importants que nous avons bien voulu
relever pour davantage souligner le caractère simplifié des procédures
collectives appliquées à un type précis d’entreprises. A travers cette
simplification, le législateur communautaire a consacré la souplesse et
l’adaptabilité des procédures collectives aux réalités économiques,
sociologiques et juridiques de l’espace OHADA. Il reste désormais aux
destinataires à en faire bon usage.
Au terme des analyses que
nous venons de mener, nous notons que le législateur communautaire OHADA a pris
la mesure des enjeux inhérents à la compétitivité, à la survie et à la
disparition des entreprises de l’espace OHADA. Il a clairement affiché et
matérialisé sa ferme volonté de moderniser le paysage juridique des entreprises
en difficultés afin de lui donner une plus grande lisibilité, indispensable à
son assainissement et à la sécurité aussi bien des investisseurs que de tous
les partenaires d’affaires. C’est dans la recherche de ce résultat que la
Banque Mondiale dans son rapport évoqué plus soulignait que « un régime de faillite bien équilibré
fonctionne comme un filtre, séparant les entreprises qui sont en difficulté
financière mais qui sont économiquement viables, des entreprises inefficientes
qui doivent être liquidées. En donnant aux entreprises efficientes la chance de
repartir à zéro, la loi sur la faillite aide à maintenir un niveau global
d’entreprenariat plus élevé au sein d’une économie. En laissant les entreprises
inefficientes disparaître, elle favorise également une réallocation efficace
des ressources »[70].
[1] Jean Marie NYAMA, OHADA, droit des
entreprises en difficulté, CERFOD, Ed.2004, P.66
[2] Le débiteur devait déposer en même
temps ou trente jours au plus tard une offre de concordat préventif, à peine
d’irrecevabilité de sa requête.
[3] CCJA, arrêt n°50/2015 du 27 avril
2015, Aff. Banque Européenne d'Investissement C/ Sté FITINA SA, inédit.
[4] CCJA, arrêt n°023/2006 du 16
novembre 2006, Aff. SAFCA et SAFBAIL C/ Sté Air CONTINETAL, Recueil de
jurisprudence de la CCJA n°8, P.27
[5] L’article 6 de l’AUPC de 2015 a
ramené ce délai à 3 ans à compter de l’homologation d’un précédent concordat et
à 18 mois à compter de la fin d’un règlement préventif n’ayant pas abouti à un
concordat préventif
[6] CCJA, arrêt n°083/2012 du 04
décembre 2012, Aff. Henry DECKERS C/ KABORE Aimé & Autres, Recueil n°19,
P.87
[7] Le nouveau texte de l'article 23
prévoit un délai, non d'un mois, mais de trente (30) jours. Le texte se borne à
énoncer "la juridiction d'appel
statue dans un délai de 30 jours à compter de sa saisine", alors que
l'ancienne formulation de l'article 23 alinéa 2 était plus impérative "la juridiction d'appel doit statuer dans le
mois de sa saisine".
[8] L’enjeu lié à la fixation de la date de
cessation des paiements est de taille car c’est à partir de cette date que
débute une période particulière, dite « période suspecte », au cours
de laquelle, pour éviter que le dirigeant en difficulté dilapide son
patrimoine, les actes qu’il accomplit sont nuls d’emblée ou susceptibles d’être
annulés.
[9] CCJA, arrêt n°032/2011 du 08
décembre 2011, Aff. SOCALIB C/ Collectif des travailleurs de SOCALIB, Recueil
n°17, P.68
[10]
CCJA, arrêt n°032/2011 du 08
décembre 2011, Aff. SOCALIB C/ Collectif des travailleurs de SOCALIB, Recueil
n°17, P.68 : la juridiction saisie n’est pas obligée de requérir les
services d’un expert pour enquêter sur la situation financière du débiteur « … que, d’autre part, nulle part les dispositions des articles 26, 27 et 32
de l’Acte uniforme ne font obligation à la juridiction saisie de requérir
l’avis préalable d’un expert qualifié sur la situation financière de la société
avant de statuer… »
[11] Il convient de distinguer le
concordat de redressement du concordat préventif qui lui, est l’aboutissement
du règlement préventif
[12] CCJA, arrêt n°022/2011 du 06
décembre 2011, Aff. Compagnie Cotonnière Ivoirienne (CCI) C/ TIEMOKO KOFFI et
ALAIN GUILLEMAIN, Recueil n°17, P.57
[13] Dr Souleymane TOE : Pratique
judiciaire des procédures collectives OHADA, P. 321, Editions Temple du savoir,
mai 2012
[14] Souleymane TOE op. cit. P.322 Le
juge-commissaire entérine une répartition faite par le syndic suivant ses propres
critères, en taxant ses frais et honoraires sans tenir compte de la valeur de
chaque élément d’actif, alors que les articles 164 et 165 précisent que c’est
le juge-commissaire qui ordonne, s’il y a lieu, la répartition des deniers
entre les créanciers et en fixe la quotité en veillant à ce que les créanciers
en soient avertis.
[15] Souleymane TOE op. cit. P.323
[16] Banque Mondiale : Doing
business dans les Etats membres de l’OHADA 2012, P.77
[17] Rapport
doing business op. cit. P.78
[18] Pr Dorothé C. Sossa, Secrétaire
Permanant de l’OHADA : « la modernisation de l’Acte uniforme sur les
procédures collectives » in DROIT & PATRIMOINE n°253, Décembre 2015,
P.30
[19] Pr FILIGA Michel SAWADOGO :
« les procédures de prévention dans l'AUPC révisé: la conciliation et le
règlement préventif » in « LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR
LES PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE
n°253, Décembre 2015, P.33
[20] Article 5-1 alinéa 3 AUPC « Toute personne qui a connaissance de la
conciliation est tenue à la confidentialité »
[21] Françoise Perochon, Entreprises en
difficulté, LGDJ, 10è éd., 2014, P.64, n°91
[22] Toute personne physique exerçant
une activité indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, toute
personne morale de droit privé ainsi que toute entreprise publique ayant la
forme d’une personne morale de droit privé
[23] Françoise Perochon op. cit., P.74,
n°120
[24] L’article 3 alinéa 3 dispose qu’il
appartient à chaque Etat Partie de désigner la ou les juridictions qui sont
seules compétentes pour connaître des procédures mises en place par l’AUPC
[25] Le débiteur seul pouvant demander
la nomination d'un conciliateur dont il a la faculté d'en proposer un,
conserve-t-il cette prérogative dans l'hypothèse d'une requête conjointe? Nous
pensons qu'il conserve cette prérogative, mais les cosignataires de la requête
ne chercheront-ils pas à l'exerce avec lui?
[26] Ordonnance rendue au bas de la
requête présentée
[27] Ordonnance rendue
contradictoirement, par exemple comme en matière de référé.
[28] Cette
disposition s'apparente à celle en vigueur en matière d'arbitrage, précisément
l'article 4 alinéa 4 du Règlement d'arbitrage de la CCJA qui dispose qu'en
vertu de l'obligation d'information qui pèse sur l'arbitre, celui-ci est tenu
de révéler les " faits ou
circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance
dans l’esprit des parties"
[29] Article 5-6 alinéa 2 & 3 AUPC
[30] Article 5-6 alinéa 3 AUPC
[31] Article 5-7 AUPC
[32]L'intervention éventuelle des
créanciers justifie sans doute ici l'abandon de la disposition qui voulait que
le débiteur indique dans la requête les créances pour lesquelles il sollicitait
la suspension des poursuites individuelles.
[33] Article 6 alinéa 2 AUPC
[34] Le point réservé au montant du
chiffre d’affaires et des bénéfices imposés des trois dernières années a été
intégré à celui relatif aux états financiers de synthèse.
[35] Dans l’ancien AUPC, on parlait
d’offre ou proposition de concordat, lequel pouvait être déposé jusqu’à trente
jours après le dépôt de la requête. Désormais, tout es déposé concomitamment et
le défaut des pièces énumérés aux 1 à 5 et 7, 8, 10 et 13 rend la requête
irrecevable de plein droit.
[36] Aux termes de l'ancien article 14,
le Président devait convoquer dans les huit jours du dépôt du rapport
[37] Dans l'ancien système,
l'obligation pour la juridiction saisie de statuer dans le mois de la saisine
n'était assortie d'aucune sanction ou conséquence de nature à la déterminer à
vite se prononcer.
[38] CCJA, arrêt n°026/2015 du 09 avril
2015, Aff. BICICI C/ Sté DELBAU, inédit.
[39] Article 23 alinéa 1 AUPC
[40] L’article 4 de l’AUPC demande
expressément à chaque Etat partie de prendre un texte d’application de cette
disposition relative au mandataire judiciaire.
[41] En France, la profession de
mandataire judiciaire est exercée sous la férule du Centre National des
Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires (CNAJMJ)
[42] Article 4-1 AUPC « nul ne peut être désigné en qualité d’expert
au règlement préventif ou de syndic dans une procédure de règlement préventif,
de redressement judiciaire ou de liquidation des biens s’il n’est inscrit sur
la liste nationale des mandataires judiciaires »
[43] Rien n’interdit que les membres
d’autres organisations professionnelles puissent être inscrits sur cette liste,
notamment les avocats, les notaires etc… Cela se déduit d’ailleurs des articles
4-4, 2°) et 4-9 alinéa 2 de l’AUPC.
[44] Me Alain FENEON, « Des
mandataires judiciaires mieux encadrés, pour une procédure plus efficace »
in « LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES
COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre
2015, P.65
[45] Les mandataires judiciaires confondaient
les actifs réalisés avec leurs poches et en arrivaient à ne jamais réaliser
d’actifs visibles ou alors lorsqu’ils en avaient réalisés, ils les dilapidaient
pour des paiements ou des charges pour le moins fictifs.
[46] Article 25 AUPC du 10 avril 1998.
[47] Article 25 alinéa 2 AUPC révisé
[48] Pascal NGUIHE KANTE,
« Réflexions sur la notion d’entreprise en difficulté dans l’Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
OHADA » in LES GRANDS ARTICLES DE DOCTRINE DE L’OHADA PARUS AU RECUEIL
PENANT DE 2000 A 2013, sous la direction de Alain Fénéon, Editions Juris
Africa, P.257
[49] La réserve de crédit ou réserve
d’argent est un crédit permanent, ou crédit revolving. C’est à
dire une somme d’argent disponible en permanence dont l’emprunteur peut
disposer librement. Plus précisément, la réserve de crédit est un crédit
reconstituable et renouvelable chaque année qui ne coute rien tant qu’elle
n’est pas utilisée.
[50] Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des
entreprises en difficulté
[51] C. Cass. Com., arrêt du 27 fév.
2007,
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017638049&fastReqId=667130627&fastPos=1
[52] Françoise Pérochon op. cit., P.178
[53] L’ancien article 27 lui
prescrivait de déposer une offre de concordat dans les quinze jours au plus
tard
[54] Article
33 AUPC
[55] Mamadou I. KONATE, « Le
redressement et la liquidation mieux encadrés et plus rapides » in «
LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES »
parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253, Décembre 2015, P.41
[56] Mamadou I. KONATE op. cit.
[57] Privilège de l’argent frais ou du
« new money »
[58] Article 33-1 alinéa 1 AUPC
[59] Article 33-1 alinéa 2 AUPC
[60] Bakary DIALLO, « Des
procédures adaptées aux petites entreprise : les procédures
simplifiées » in « LA MODERNISATION DES L’ACTE UNIFORME SUR LES
PROCEDURES COLLECTIVES » parue dans la Revue DROIT ET PATRIMOINE n°253,
Décembre 2015, P. 44
[61]
Stéphanie KOUEMO,
« L’OHADA et le secteur informel : l’exemple du Cameroun », Ed.
Larcier, 2012, PP.216 & suiv
[62] Article 179-1 AUPC
[63] Le débiteur dispose de 60 jours
pour déposer le projet de concordat dans le cas d’un redressement judiciaire
ordinaire (article 27 AUPC)
[64] On peut légitimement se poser la
question de savoir si cette décision spécialement motivée, qui renonce à
l’application d’une procédure qui avait déjà probablement créé des droits, est
également insusceptible de recours au même titre que celle, initiale et non
motivée, de faire application ou pas du redressement judiciaire simplifié. Le
fait que les différents protagonistes soient entendus est-il suffisant ou
justifie-t-il qu’aucune voie de recours ne soit susceptible contre cette
décision éminemment juridictionnelle ?
[65] Article 145-8 AUPC
[66] Article 179-1 AUPC
[67] Dans la liquidation judiciaire
ordinaire, c’est le juge-commissaire qui ordonne la vente aux enchères ou
autorise la vente de gré à gré.
[68] Article 179-7 AUPC
[69] Article 179-9 AUPC
[70]
Banque Mondiale : Doing
business dans les Etats membres de l’OHADA 2012, P.80